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Protection des données : quatre questions à Julien Guérin, directeur des Data à l’Institut Curie

27/01/2023
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Enjeu majeur pour faire avancer la recherche contre le cancer, l’utilisation des données de santé doit garantir le respect des droits des patients. En cette journée mondiale de la protection des données, Julien Guérin, directeur des Data à l’Institut Curie, décrypte les enjeux d’une exploitation réglementée et sécurisée des données, essentielle au développement des innovations médicales de demain.

Data

Quelle est l’importance de la journée mondiale de la protection des données ?

Julien Guérin : Cette journée permet avant tout de sensibiliser chaque citoyen, les patients et les professionnels de santé sur les risques liés aux traitements des données personnelles et sur les principes de protection et droits associés. C’est également l’occasion de mettre en lumière la richesse et le patrimoine exceptionnel que représentent les données pour faire avancer la recherche, et l’importance sous-jacente de les protéger pour les partager et ainsi remplir efficacement cet objectif. A tous les stades de la prise en charge du patient, les données ont vocation à être vecteur d’accélération pour la recherche et l’innovation.

Pourquoi associe-t-on systématiquement le terme protection lorsque l’on parle des données ?

Les données personnelles représentent des informations confidentielles sur la vie privée de chacun, qu’elles soient financières, médicales, ou autres. Particulièrement dans le domaine de la santé, elles constituent des informations sensibles qui relèvent directement de l’intimité et de l’histoire des patients. Depuis l’entrée en vigueur du Règlement Européen sur la Protection des Données (RGPD) en 2018, la question de la protection des données est devenue incontournable. C’est pour cela que l’Institut Curie s’est renforcé avec l’arrivée d’un Data Protection Officer (DPO) et met tout en œuvre pour que ces données soient collectées, traitées et utilisées dans un cadre rigoureux, raisonné et sécurisé, en respectant avant tout les droits du patient : l’informer et obtenir son consentement éclairé lorsqu’il est réclamé.

Quels sont les enjeux pour l’Institut Curie en terme de protection des données ?

Chaque patient accueilli à l’Institut Curie entraîne la production d’un flux considérable d’information numérique. Ces données précieuses présentent un intérêt majeur pour le progrès médical. A l’Institut Curie, notre rôle est de garantir une exploitation efficace et sécurisée de ces données. Pour trouver des réponses adaptées, nous nous sommes engagés dans des projets audacieux. Une de nos approches phares repose sur l’apprentissage fédéré, une technique d’intelligence artificielle qui permet de faire voyager les algorithmes et non les données[1]. Aujourd’hui, notre ambition est de poursuivre le développement de ce type de solutions innovantes qui répondent aux enjeux RGPD et permettent de faire un pas de plus vers une médecine de précision pour des traitements plus adaptés et personnalisés.

Pour faire avancer la recherche efficacement, quelles sont les prochaines grandes étapes à atteindre en terme de protection des données ?

Des actions restent à conduire à différents niveaux. En premier lieu, nous devons continuer à investir dans des approches disruptives, telles que l’apprentissage fédéré, qui s’inscrivent dans les fondements du RGPD. Il faut également soutenir le développement des Entrepôts de Données de Santé à l’échelle nationale, une initiative actuellement portée par le gouvernement au travers du plan France 2030, avec le lancement d’un appel à projets doté de 50 millions d’euros. Enfin, les processus requis pour assurer la protection des données sont aujourd’hui lourds, ce qui entraîne des délais importants et impacte notablement la compétitivité de la recherche. Il est primordial de parvenir à travailler avec les tutelles et l’Etat à un assouplissement législatif pour adapter l’utilisation des données de santé, au bénéfice d’une recherche dynamique et sécurisée.

 

[1] Une étude décisive publiée récemment dans Nature Medicine, mené par Owkin en collaboration avec l’Institut Curie et le Centre Léon Bérard, a montré pour la première fois que l’apprentissage fédéré peut être utilisé sur des données d'histopathologies issues de plusieurs hôpitaux sans les exposer directement.