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L’Institut Curie au Congrès de l’AACR 2020

30/06/2020
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Plusieurs travaux menés à l’Institut Curie ont retenu l’attention du Congrès annuel de l’American association for cancer research (AACR), l’un des grands rendez-vous mondiaux de la recherche sur le cancer. Cette année, le congrès s’est tenu « virtuellement » du 22 au 24 juin.

AACR IC

Fatima Mechta-Grigoriou, à la tête de l’équipe « Stress et cancer » de l’Institut Curie (équipe labellisée Ligue nationale contre le cancer, Inserm U830), y a présenté ses récents résultats concernant les liens entre fibroblastes et immunosuppression contre le cancer. Les fibroblastes sont des cellules « normales », non cancéreuses, qui font néanmoins partie de l’environnement des cellules cancéreuses et qui participent au développement et à la propagation du cancer. Fatima Mechta-Grigoriou et son équipe ont mis en évidence plusieurs sous-populations de fibroblastes qui jouent différents rôles. C’est l’état le plus récent de ces travaux qu’elle a présenté à l’AACR. Les chercheurs ont notamment utilisé la technique de pointe appelée single cell qui permet d’étudier une à une mais très rapidement de vastes populations de cellules. Ils ont ainsi pu distinguer différents sous-groupes de fibroblastes qui, sous l’influence des cellules cancéreuses voisines, sortent de leur rôle normal de soutien et de réparation des tissus. Certains contribuent alors à la formation de métastases (tumeurs secondaires à distance du foyer cancéreux principal), en augmentant les capacités migratoires de cellules cancéreuses pour les uns, et en « ouvrant la voie » à la migration de ces cellules pour d’autres. D’autres types de fibroblastes encore contribuent à l’immunosuppression, c’est-à-dire qu’ils empêchent les cellules de défense de l’organisme de lutter contre le cancer. Or, certains favorisent la résistance à l’immunothérapie, autrement dit ils empêchent l’action des médicaments destinés à stimuler les défenses du patient contre le cancer. Au total, ce sont quatre grands sous-groupes de fibroblastes que Fatima Mechta-Grigoriou a identifiés, et jusqu’à huit clusters encore plus précis à l’intérieur de ces sous-groupes. Ces découvertes vont permettre de reconnaître les patients qui, à cause de tels fibroblastes, ont moins de chance de répondre à l’immunothérapie et de leur proposer un autre traitement, ciblé contre ces fibroblastes. Un essai clinique est en préparation.

Fatima Mechta

 

Jean-Yves Pierga, chef du département d’oncologie médicale à l’Institut Curie, a présenté quant à lui ses dernières découvertes concernant les cellules tumorales circulantes (CTC) et l’ADN tumoral circulant (ADNtc). Ces CTC et plus récemment l’ADNtc ont montré qu’ils permettaient de mieux comprendre les caractéristiques d’un cancer et de suivre son évolution à partir d’une simple prise de sang du patient. Au Congrès de l’AACR, le Pr Pierga a montré que l’un et l’autre de ces marqueurs du cancer apportent des informations complémentaires sur l’évolution de la maladie. Pour ces travaux, il s’est appuyé sur une partie de la cohorte appelée COMET, un groupe de 200 patientes atteintes de cancers du sein métastatiques dits HER2-négatifs et traitées dans le cadre du groupe UNICANCER des centres de lutte contre le cancer en France. En recherchant les CTC et différents types d’ADNtc dans leurs échantillons sanguins, Jean-Yves Pierga et ses collègues en particulier du laboratoire des biomarqueurs circulants (Charlotte Proudhon, Amanda Silveira, François-Clément Bidard), du centre de recherche (Elodie Girard) et du service de biostatistiques (Marie-Laure Tanguy), ont montré que les CTC apportaient une information quantitative : plus on trouve de CTC dans le sang, plus cela signifie que le cancer progresse. La persistance des CTC sous les traitements montrent qu’ils sont inefficaces à faire reculer la maladie, ce qui conduirait les médecins à proposer d’autres médicaments. L’ADNtc permet quant à lui de repérer les mutations, les anomalies génétiques des cellules cancéreuses, et de proposer également des traitements adaptés, ciblés contre telle ou telle mutation. Les outils d’analyse de ces CTC et de l’ADNtc existent déjà, il ne reste plus qu’à les proposer à tous les patients qui pourraient en tirer bénéfice.

Jean Yves Pierga

 

Maud Kamal et Ivan Bièche, ont présenté quant à eux un poster concernant l’intégration du génome du papillomavirus humain (HPV) dans les cellules du carcinome épidermoïde du col de l’utérus.

À l’instar du modèle Curie faisant travailler ensemble médecins et chercheurs, ce travail est le fruit du groupe de travail « HPV intégration de Curie », qui réunit des médecins, des anatomopathologistes, des biologistes et des bio-informaticiens de l’Ensemble hospitalier (Ivan Bièche, Suzy Scholl, Maud Kamal, Guillaume Bataillon, Emmanuelle Jeannot, Sophie Vacher) et du Centre de recherche de l’Institut Curie (Alain Nicolas, Nicolas Servant, Sylvain Baulande, Élodie Girard).

Cette étude a permis d’identifier et de caractériser un nouveau biomarqueur d’intérêt pronostique et clinique, mais également fondamental dans le cancer du col de l’utérus. Il est connu depuis longtemps que ce cancer est très majoritairement lié à une infection préalable (plusieurs années voire décennies plus tôt) par le HPV. Les chercheurs de l’Institut Curie ont étudié les sites d’intégration du virus dans le génome des cellules tumorales. Ils se sont appuyés pour cela sur la cohorte européenne RAIDs qui regroupe des femmes atteintes de cancer cervical dans de nombreux pays d’Europe. Les chercheurs ont pu montrer que l’ADN viral s’insérait préférentiellement au niveau d’un gène appelé MACROD2, connu pour son rôle dans la stabilité du génome. Ils ont également montré que l’insertion virale ou le fait que le virus restait au contraire libre dans la cellule (forme épisomique), pouvait avoir une influence sur le pronostic de la maladie. Ce récent travail vient compléter une étude similaire qu’ils avaient réalisés sur le cancer du canal anal, et précède des études à venir sur les cancers de la tête et du cou, eux aussi associés au virus HPV.

 

Maud Kamal