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Cancers de l'œil : un diagnostic précoce nécessaire pour mieux traiter les symptômes

Communiqué

4 Février 2020

Cancers de l'œil : un diagnostic précoce nécessaire pour mieux traiter les symptômes

Le mélanome de l’uvée est le cancer de l’oeil le plus fréquent chez l’adulte. Il peut occasionner d’importants troubles de la vue et, dans 30 à 50 % des cas, des métastases peuvent se développer et compromettre la survie des patients. A l'occasion de la Journée Mondiale contre le Cancer, l'Institut Curie fait le point.

Le mélanome de l'uvée peut occasionner d’importants troubles de la vue et, dans 30 à 50 % des cas, des métastases peuvent se développer et compromettre la survie des patients. Pour pouvoir stopper la progression de la tumeur et préserver leur vue, les malades doivent impérativement être diagnostiqués tôt et avoir accès à des experts et à des traitements de pointe.

 

Diagnostiquées tardivement, ces tumeurs oculaires mettent en jeu le pronostic vital, mais également le pronostic visuel et esthétique de la personne malade. Si le patient est pris en charge trop tard et que la tumeur est trop volumineuse, il faut alors procéder à une ablation de l’œil sans pouvoir proposer un traitement conservateur.

 

alerte le Pr Nathalie Cassoux, chef du département d’oncologie chirurgicale et chef de service d’oncologie oculaire à l’Institut Curie

 

Nathalie Cassoux

Un cancer trop méconnu

 

Cancer rare, le mélanome de l’uvée est la tumeur oculaire la plus fréquente chez l'adulte, avec 500 à 600 nouveaux cas chaque année en France. Son incidence étant faible, le cancer de l’œil reste très mal connu du grand public, et même des professionnels de santé. La tumeur se développe souvent pendant longtemps avant que les premiers symptômes n’apparaissent, ce qui la rend difficile à diagnostiquer. Seul un fond d’œil réalisé très tôt peut garantir un bon pronostic.

 

Les signes de la maladie sont en général provoqués par le décollement partiel de la rétine : 

 

  • présence d’une lésion pigmentaire bénigne, un nævus ;
  • baisse d’acuité visuelle ;
  • tache dans le champ visuel (scotome) ;
  • flashes qui se répètent toujours au même endroit sur le même œil.
  •  

Le manque de suivi médical ou la méconnaissance des signes existants peuvent entraîner des retards de diagnostic et de prise en charge, qui diminuent à leur tour la possibilité de préserver la vision et les chances de survie, d’autant plus pour les formes agressives à haut risque de métastases.

 

Diagnostic tardif et accès inégal aux traitements de pointe et à l’innovation

 

Comme pour la plupart des cancers rares, la prise en charge est très inégale en France. La tumeur est trop souvent diagnostiquée tardivement, notamment dans les régions confrontées à la désertification médicale. « Il y a de moins en moins d’ophtalmologues en France et l’on voit malheureusement repartir à la hausse le taux d’énucléation lié à certaines de ces tumeurs », déplore le Pr Cassoux.

 

L’accès au diagnostic génomique, permettant de déterminer si le patient présente un haut risque de métastases, est également très difficile d’accès dans certains territoires. « Il est important d’identifier les patients à risque pour pouvoir repérer le plus tôt possible l’éventuelle apparition de métastases et proposer les traitements disponibles », alerte le Pr Cassoux.

 

A cela s’ajoutent des inégalités d’accès aux techniques de pointe dues à l’éloignement géographique. C’est le cas pour le traitement conservateur par protonthérapie possible seulement à l’Institut Curie (Orsay) et au Centre Antoine-Lacassagne à Nice, qui obligent les patients à se déplacer régulièrement pour recevoir leurs séances de traitement.

 

Infographie

Le réseau Mélachonat, un maillage territorial pour lutter contre les inégalités

 

En 2019, l’Institut Curie a reçu la labellisation de l’INCa (Institut national du cancer) en tant que centre expert national du réseau Mélachonat dont il est à la tête depuis sa création en 2013.

 

« Cette labellisation est une consécration pour notre travail sur la qualité des soins et la recherche », se félicite le Pr Nathalie Cassoux.

 

Ce réseau a été créé en 2013, par le Dr Laurence Desjardins avec le soutien de Malakoff Médéric et de l’INCa, afin d’optimiser la prise en charge des patients atteints de mélanomes de la choroïde sur tout le territoire (entre 500 et 600 adultes par an en France).

 

Il compte 7 centres (CHU, centres de lutte contre le cancer, cabinets d’ophtalmologie) en régions (Rennes, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Nice, Lille, Lyon et Strasbourg). Ces centres assurent les consultations et le suivi des patients tandis que la prise en charge thérapeutique se fait à l’Institut Curie ou à Nice. Les décisions thérapeutiques sont prises collégialement au niveau régional puis validées par web conférence en réunion de concertation pluridisciplinaire à l’échelle nationale.

 

Au sein du réseau, l’Institut Curie est le seul à pouvoir traiter les patients par disque d’iode radioactifs (curiethérapie) : une technique qui consiste à appliquer une source radioactive directement au contact de l’œil, en préservant les glandes lacrymales. Il est aussi l’un des deux seuls, avec Nice, à pratiquer la protonthérapie. L’Institut Curie assure également une importante activité de recherche sur ces cancers.

 

 

L’importance d’une prise en charge adaptée dans un centre expert

 

Le traitement est décidé, après concertation entre l’ensemble des spécialistes, en fonction de l’âge du patient, du diamètre de la tumeur, de sa localisation dans l’œil, de son extension au-delà de la sclère ("blanc de l’œil"), de l’analyse histologique éventuelle. L’une des préoccupations majeures est la préservation de la vue. Les traitements conservateurs, qui permettent de détruire ou d’enlever la tumeur en conservant le globe oculaire, sont essentiellement basés sur la protonthérapie et la curiethérapie.

 

L’Institut Curie propose une prise en charge hautement spécialisée avec accès à la protonthérapie, à la curiethérapie et au diagnostic génomique. Chaque année, plus de 300 nouveaux patients y sont pris en charge. Il est le premier centre recruteur dans les essais cliniques internationaux testant de nouvelles molécules dans le mélanome uvéal.

 

L’ablation de la tumeur avec conservation du globe oculaire n’est possible que pour certaines tumeurs. Si la tumeur est trop volumineuse, en cas de récidive ou de complications majeures du traitement conservateur, une ablation chirurgicale de l’œil doit être envisagée. Les médecins installent alors un implant constitué d’une bille en corail sur laquelle sont greffés les muscles de l’œil.

 

Reste que pour près de 30 % des malades, des métastases peuvent se développer, le plus souvent au niveau du foie (90% des cas), parfois plus de 10 ans après le traitement initial. Or ces tumeurs secondaires sont difficiles à contrôler par les moyens actuels.

 

Un des enjeux est de repérer le plus tôt possible ces métastases afin d’avoir le temps de tester différentes stratégies chirurgicales, de radiologie interventionnelle, de chimiothérapie ou d’immunothérapie. Pour se faire, l’équipe médicale identifie les patients à risque, c’est-à-dire les patients atteints de tumeurs volumineuses et/ou porteuses d’anomalies des chromosomes 3 et/ou 8. Pour ces patients à risque, nous proposons un suivi personnalisé pendant plusieurs années afin de détecter le plus précocement possible les métastases silencieuses. De plus, pour le confort des patients habitant loin de l’Institut Curie, nous avons commencé à proposer des téléconsultations afin de limiter leurs allers-venues

explique le Dr Manuel Rodrigues, oncologue et chercheur, spécialiste des cancers de l’œil à l’Institut Curie.

 

Un parcours dédié sera d’ailleurs mis en place en 2020 (protocole SALOME).

 

Plusieurs essais cliniques sont en cours et se préparent pour évaluer des stratégies thérapeutiques comme la chimiothérapie intrahépatique, des immunothérapies seules ou en combinaison, de nouvelles immunothérapies dites bi-spécifiques ou encore des thérapies ciblées. 

 

Recherche et innovation : trouver des traitements pour les formes métastatiques

 

Le groupe de recherche translationnelle mélanome uvéal s’est également mobilisé pour proposer un programme au sein du SIRIC, un projet axé sur la résistance aux traitements.  Le programme mélanome uvéal du SIRIC, coordonné par Sophie Piperno-Neumann et Marc-Henri Stern, est focalisé sur l’exploitation du système immunitaire, la mise en place de nouvelles modalités d'irradiation et sur des approches thérapeutiques ciblées et/ou combinatoires. Dans le cadre du volet démocratie sanitaire du SIRIC, Manuel Rodrigues a organisé deux journées de rencontre médecins - patients - chercheurs en 2018 et en 2019. En savoir plus sur le SIRIC

 

SIRIC

L’Institut Curie est également coordinateur européen du seul programme de recherche d’envergure existant sur cette pathologie à ce jour : le programme cadre H2020 de l'Union Européenne pour la recherche et l'innovation sur le mélanome uvéal, UM Cure 2020. Doté d'un financement de 6 millions d'euros, il implique 11 partenaires européens.

 

L'idée est d'analyser des prélèvements tumoraux pour y trouver des cibles thérapeutiques, des biomarqueurs pour identifier les patients les plus à risque de développer des métastases, ainsi que les patients susceptibles de bénéficier des nouvelles approches thérapeutiques.

 

Pour mener à bien ce projet, l’institut Curie dispose d’une banque de données de prélèvements tumoraux acquises au fil des années et d’un groupe de recherche translationnelle entièrement dédié au mélanome uvéal.