L’héritage de Marie Curie, perpétuer l’esprit d’une pionnière

L’héritage de Marie Curie : perpétuer l’esprit d’une pionnière
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Scientifique mondialement reconnue et double prix Nobel, Marie Curie a consacré sa vie à promouvoir la science, la considérant « à la base de tous les progrès qui allègent la vie humaine et en diminuent la souffrance ». A la suite de Pierre Curie, saisissant le potentiel thérapeutique de leurs découvertes, elle a compris très tôt l’importance de faire travailler ensemble médecins, scientifiques et intellectuels du monde entier. Cette interdisciplinarité pose, dès 1909, les principes fondateurs de l’institut.

Une femme d’exception 

Maria Sklodowska voit le jour le 7 novembre 1867 à Varsovie, partie de la Pologne à l’époque sous domination de l’Empire russe. Elle grandit dans une famille d’enseignants, pour qui l’instruction est essentielle. Bien qu’excellente élève, l’entrée à l’université lui est impossible car interdite aux filles. Elle part donc étudier la physique à Paris, où elle est reçue avec la mention très bien en licence de physique en 1893, puis assez bien en licence de mathématiques en 1894. 

Elle cumulera toute sa vie les premières places : première à l’agrégation de mathématiques pour jeunes filles en 1896, première femme à recevoir un prix Nobel en 1903, première femme nommée professeure à la Sorbonne en 1908, première (et unique) femme à décrocher un deuxième prix Nobel en 1911, première femme à entrer à l’Académie de médecine, en 1922. Première femme, enfin, à être inhumée au Panthéon pour ses mérites. Elle y repose depuis 1995 avec son mari, Pierre Curie.

La découverte de la radioactivité 

Sa rencontre avec Pierre Curie, scientifique déjà reconnu à l’époque, bouleverse son projet de rentrer en Pologne avec ses diplômes. Ils se marient en 1895. L’année suivante, elle décide de consacrer sa thèse de doctorat aux récentes découvertes d’Henri Becquerel : de manière inattendue, ce physicien français, qui a stocké des sels d’uranium dans un tiroir, vient de découvrir qu’ils émettent des rayons spontanés capables d’impressionner une plaque photographique. En cherchant à quantifier et qualifier l’activité de ces rayons, Pierre et Marie Curie identifient d’autres éléments ayant les mêmes propriétés : le polonium puis le radium. Marie Curie nomme cette capacité à émettre naturellement des rayons la « radioactivité ». Pour ces découvertes, le prix Nobel de physique est attribué conjointement à Henri Becquerel, Pierre et Marie Curie en 1903.

Le potentiel médical de la radioactivité 

Très vite, Pierre Curie s’intéresse aux effets physiologiques du radium, il le teste d’ailleurs sur lui-même et s’en applique sur la peau du bras : les lésions induites par ce contact mettront plusieurs semaines à disparaître ! Ces premiers essais, suivis d’études beaucoup plus poussées par des médecins, ouvrent la perspective d’utiliser le radium à des fins médicales, en dermatologie et cancérologie. Dès 1901, en France, à l’hôpital Saint-Louis, le Dr Henri Alexandre Danlos effectue ainsi de premières tentatives thérapeutiques sur des lésions cutanées. Des aiguilles au radium sont alors utilisées pour irradier des tumeurs. Ce sont les premières « curiethérapies ».

La création de l’Institut du Radium, l’ancêtre de l’Institut Curie 

Fauché par une calèche, Pierre Curie meurt en 1906, laissant Marie Curie, seule, hériter de sa chaire de professeur à la faculté des sciences de l’université de Paris et de la direction de son laboratoire de physique, rue Cuvier. 

A ce titre, elle suit en 1909 la création de l’Institut du Radium, né d’une volonté commune de l’Institut Pasteur et de l’université de Paris de doter la France d’un centre de recherche sur la radioactivité et ses possibles applications en médecine. L’institut réunit deux laboratoires aux compétences complémentaires : le laboratoire de physique et de chimie, dirigé par Marie Curie, et le laboratoire Pasteur, consacré à l’étude des effets biologiques et médicaux des rayons, dirigé par le médecin Claudius Regaud. La construction de l’institut, situé rue d’Ulm, est achevée en 1914. 

Pour en financer le fonctionnement, la Fondation Curie est créée en 1921 et reconnue d’utilité publique . Elle permet d’ouvrir rue d’Ulm dès 1922 un dispensaire où sont proposés des thérapies innovantes dans le traitement des cancers, dont la radiothérapie. La structure et son fonctionnement préfigurent ce qui deviendra plus tard l’Institut Curie. 

Marie Curie y occupe un bureau durant les vingt dernières années de sa vie. Mal protégée durant ses manipulations d’éléments radioactifs, elle voit sa santé décliner dans les années 20. Une anémie pernicieuse lui est diagnostiquée. Elle meurt le 4 juillet 1934, à l’âge de 66 ans.

L’héritage 

« La meilleure vie n’est pas la plus longue, mais la plus riche en bonnes actions. » 

L’héritage de Marie Curie est multiple et ses valeurs servent toujours de cap à l’Institut Curie : pousser toujours plus loin les avancées scientifiques, au bénéfice du plus grand nombre.

Engagement, désintérêt et humanisme 

« Mme Curie est, de tous les êtres célèbres, le seul que la gloire n’ait pas corrompu », a dit d’elle Albert Einstein. Marie Curie a en effet mené une carrière désintéressée, pour consacrer sa vie au progrès humain par la science. 

Pendant la Première Guerre mondiale, elle sauvera ainsi de nombreuses vies en organisant l’approvisionnement de matériel radiologique dans tous les hôpitaux de la Croix Rouge. Elle fit équiper 18 voitures en appareils radiologiques qui seront a posteriori baptisées « les petites curies » par sa fille Eve. Ces efforts dans le développement de la radiologie médicale permirent de visualiser les éclats d’obus sur les soldats blessés, facilitant le travail des chirurgiens. L’Institut Curie perpétue l’objectif de faire bénéficier le plus grand nombre de patients de son expertise, en mettant en place des partenariats avec d’autres établissements médicaux.

Le financement grâce aux dons 

Après la Grande Guerre, la situation financière de l’Institut du Radium est difficile. Mettant à profit sa notoriété et son prestige de double prix Nobel, Marie Curie va devenir l’infatigable avocate de l’institut pour trouver les moyens de financer ses recherches, multipliant les efforts pour rallier à sa cause mécènes, industriels et politiques. Elle effectue ainsi un premier voyage aux États-Unis en 1921 pour y chercher un précieux gramme de radium, acheté grâce aux dons d’une collecte américaine. Devenu fondation reconnue d’utilité publique le 27 mai 1921, l’Institut Curie continue de mobiliser la générosité du public pour pouvoir investir dans l’innovation au profit de la lutte contre le cancer.

L’approche multidisciplinaire 

Pour transformer le progrès scientifique en innovations médicales, Marie Curie et Claudius Regaud avaient compris l’importance de faire travailler ensemble médecins et chercheurs. L’institut poursuit cette démarche interdisciplinaire pour faire émerger la médecine de demain.

La nécessaire coopération internationale entre scientifiques 

D’origine polonaise, Marie Curie mesurait l’importance d’une recherche sans frontières. C’est dans cet esprit qu’elle intégra la Commission Internationale de Coopération Intellectuelle, créée sous l’égide de la Société des Nations en 1922, qui réunissait des intellectuels et scientifiques de tous pays. Convaincue de l’utilité de cette coopération, Marie Curie encouragea même Albert Einstein à y adhérer. L’Institut Curie reste ouvert sur le monde, et multiplie les liens académiques internationaux.

Diffuser la science 

Depuis sa création, l’institut forme chercheurs et médecins et s’emploie à assurer la conservation et la transmission des savoirs. Marie Curie était convaincue de la nécessité d’encourager le partage des connaissances à l’échelle de la société et de ne pas la réserver à une élite : « Les voies qui conduisent vers l’instruction supérieure largement ouverte aux enfants de familles aisées restent d’accès difficile pour les enfants de familles à moyens restreints. Ainsi toute nation perd chaque année une forte partie de la sève vitale la plus rare et la plus précieuse. »

Ne rien prendre pour acquis 

« On ne fait jamais attention à ce qui a été fait ; on ne voit que ce qui reste à faire. » Pour Marie Curie, chaque découverte n’était qu’un passage vers d’autres potentielles découvertes. Cette perpétuelle quête du progrès anime toujours autant l’institut, qui reste à l’avant-garde des traitements contre le cancer, et continue de perfectionner les traitements actuels, pour les rendre plus efficaces et moins nocifs. 

L’égalité hommes-femmes 

L’engagement de Marie Curie à mener une carrière ambitieuse a fait d’elle un modèle, démontrant à toute une génération de femmes qu’accéder à l’université et jouer les premiers rôles étaient possible. L’institut poursuit ce combat en faveur de l’égalité des genres dans le monde académique.

Le musée de l’Institut Curie

Véritable lieu de mémoire, le Musée Curie participe au rayonnement international de la science.