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ESMO 2021 : les résultats marquants de l’Institut Curie en immunothérapie, dans les cancers du pancréas, du thymus, et dans les sarcomes

Communiqué

20 Septembre 2021

ESMO 2021 : les résultats marquants de l’Institut Curie en immunothérapie, dans les cancers du pancréas, du thymus, et dans les sarcomes

Du 16 au 21 septembre prochain se déroule l’édition 2021 de l’ESMO, rendez-vous incontournable de l’oncologie médicale européenne. Cette année encore, témoin de l’engagement des équipes dans la recherche et l’innovation, les médecins et chercheurs de l’Institut Curie y présentent leurs avancées qui façonnent la cancérologie de demain.

* Cancer du pancréas : une nouvelle étude multicentrique pour étudier l’immunothérapie sur des tumeurs stabilisées

* Cancers rares thoraciques : de nouvelles pistes d’immunothérapies pour les tumeurs du thymus et tumeurs neuro-endocrines à grandes cellules

* Sarcomes dits « CIC-réarrangés » : une analyse de différentes stratégies pour ces cancers classés – depuis peu - comme des entités tumorales à part entière

* Immunothérapie : discussion autour de la nécessité d’uniformiser le calcul du TMB (« tumor mutational burden »), un marqueur crucial pour les tumeurs solides et l’immunothérapie.

 

 

Cancer du pancréas : l’immunothérapie sur le banc d’essai

 

Avec 14 000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année, la fréquence des cancers du pancréas est en constante augmentation. Si bien que cette maladie devrait devenir la deuxième cause de décès par cancer d’ici 2030, après le cancer des poumons. Cancer agressif, il est souvent diagnostiqué tardivement, au stade métastatique, et est alors non opérable. Malgré des progrès dans les traitements, la survie médiane des patients atteints de cancer du pancréas métastatique reste autour d’un an. Mis à part la chimiothérapie, la médecine n’a pas encore trouvé de réponse efficace à cette pathologie.

 

A l’Institut Curie, un essai clinique est en cours pour évaluer l’efficacité d’une immunothérapie utilisant le vaccin Tedopi. Ce vaccin antitumoral, permet « d’éduquer » les lymphocytes contre des protéines produites par la tumeur en présentant à ces cellules du système immunitaire des petits fragments de ces protéines. « Les immunothérapies fonctionnent mal sur les cancers qui progressent rapidement, et en particulier le cancer du pancréas qui est très peu reconnu par le système immunitaire. Nous avons donc cherché à d’abord stabiliser l’avancée de la maladie », explique le Dr Cindy Neuzillet, oncologue médicale à l’Institut Curie, responsable du parcours digestif sur le site de Saint-Cloud. « Dans notre essai, nous comparons deux groupes de patients après qu’ils ont reçu 4 mois de chimiothérapie pour contrôler la maladie. Le premier groupe suit le traitement classique, qui consiste en un allègement de la chimiothérapie, et l’autre groupe se voit administrer le vaccin thérapeutique en plus. » Pour cette étude multicentrique promue par le GERCOR, le recrutement est en cours : 100 patients seront inclus au cours des deux prochaines années. Des études translationnelles doivent également permettre de comprendre grâce à des prélèvements sanguins et à l’étude du microenvironnement de la tumeur, pourquoi le traitement aura marché ou non.

 

Poster > A randomized non-comparative phase II study of maintenance therapy with FOLFIRI alone or in combination with Tedopi vaccine after induction therapy with FOLFIRINOX in patients (Pts) with locally advanced or metastatic pancreatic ductal adenocarcinoma (PDAC) (TEDOPAM – D17-01 PRODIGE 63 STUDY).
 

Des pistes d’immunothérapies pour deux cancers rares thoraciques

 

Le Pr Nicolas Girard, oncologue pneumologue à la tête de l'Institut du Thorax Curie - Montsouris, présente deux essais cliniques évaluant l’immunothérapie en situation de tumeur rare thoracique. Une première étude porte sur les tumeurs neuroendocrines à grandes cellules, un sous-type de cancer du poumon qui ne bénéficient pas d’innovations thérapeutiques. Cette étude mixte inclut également des patients souffrant de carcinomes non à grandes cellules digestifs et évalue l’efficacité de deux stratégies d’immunothérapies, le nivolumab seul ainsi que le nivolumab associé à l’ipilimumab. Les résultats préliminaires montrent que la maladie parvient à être contrôlée pour un tiers des patients. Un espoir pour les malades qui n’avaient, jusque-là, aucune option de traitement. Reste à comprendre à quels patients ces traitements bénéficient le plus.

 

Une deuxième étude évalue la même stratégie chez les patients atteints de tumeurs du thymus. Avec 30% de rechutes après la chirurgie, il n’existe aucune option de traitement hormis la chimiothérapie. Les travaux révèlent que l’utilisation du nivolumab permet de contrôler la croissance de la tumeur chez 63% des patients, avec un niveau de toxicité gérable. A un an, le traitement reste efficace pour un tiers des patients. Pour aller plus loin, maintenant qu’aucun signal n’a été démontré sur le plan de la toxicité, l’étude se poursuit désormais avec une association de nivolumab et d’ipilimumab.

 

Oral Proffered Paper session - Non-metastatic NSCLC and other thoracic malignancies
>
Efficacy and safety of nivolumab for patients with pre-treated type B3 thymoma and thymic carcinoma: results from the EORTC-ETOP NIVOTHYM phase II trial

Mini-oral Non-metastatic NSCLC and other thoracic malignancies
> PACIFIC-R real-world study: Treatment duration and interim analysis of progression-free survival in unresectable stage III NSCLC patients treated with durvalumab after chemoradiotherapy

 

 

Sarcomes : plusieurs stratégies pour les tumeurs “CIC-réarrangées”

 

Longtemps classées dans le groupe des sarcomes d’Ewing, les tumeurs dites “CIC-réarrangées” viennent d’être catégorisées comme des entités tumorales à part entière. Des tumeurs rares (5 à 10 cas tous les ans chez les adultes en France) qui résistent à la chimiothérapie – et dont le pronostic s’avère très mauvais.

 

Dans une étude collaborative rétrospective et multicentrique, une équipe de l’Institut Curie en collaboration avec le Groupe Sarcome Français, a analysé les informations cliniques, les données anatomopathologiques, les traitements et la survie de 64 patients âgés de 11 à 87 ans. Il s’agit de la plus grosse série clinique de sarcomes CIC-réarrangés à ce jour.

 

Les travaux confirment le très mauvais pronostic de cette pathologie, avec 50% des participants décédés à horizon de 3 ans. L’équipe a analysé deux groupes de patients en fonction du traitement qu’ils avaient reçu : l’un avec un protocole similaire à celui utilisé pour les sarcomes d’Ewing et l’autre avec un traitement semblable à celui des sarcomes des tissus mous de l’adulte. « Pour les tumeurs localisées, nous montrons qu’une prise en charge de type Ewing, qui combine chimiothérapie intensive, chirurgie et radiothérapie ne change pas la survie comparativement à une chirurgie complétée uniquement par de la radiothérapie ou par une chimiothérapie plus légère », explique le Dr Sarah Watson, médecin chercheuse, responsable de la Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) Sarcomes à l’Institut Curie. En revanche, en situation métastatique, les polychimiothérapies intensives de type Ewing semblent améliorer le bénéfice comparativement aux protocoles de chimiothérapie palliatives utilisés dans les sarcomes des tissus mous de l’adulte. Ces observations doivent maintenant être validées lors d’un essai clinique prospectif qui permettra de confirmer l’efficacité de ces stratégies.

 

Mini oral session – Sarcoma
> Patterns of care and outcomes of 64 CIC-rearranged sarcoma: a retrospective multicentre case-series within the French Sarcoma Group (FSG)

 

 

Immunothérapie : comment mieux détecter le biomarqueur TMB chez les patients ?

 

Plus le génome d’une tumeur est muté, plus il exprime d’antigènes susceptibles d’être reconnus par le système immunitaire et plus l’immunothérapie a des chances d’être efficace. Pour optimiser ces traitements, les équipes soignantes utilisent des tests pour détecter les biomarqueurs et identifier les patients qui répondront positivement (ou non) à l’immunothérapie. Le plus connu d’entre eux est la charge mutationnelle ou TMB, pour « tumor mutational burden ».

 

Aux Etats-Unis, la Food and Drug Administration a autorisé l’utilisation du Keytruda (pembrolizumab) pour tout patient, adulte ou enfant avec une tumeur métastatique ou tumeur solide inopérable, présentant un TMB élevé d’au moins 10 mutations par mégabase. Ce score est calculé par le test Foundation One Medicine, qui est approuvé par la FDA et dont la méthode de calcul a été rendue publique.

 

Aujourd’hui, un défi majeur est de reproduire les résultats de TMB obtenus par Foundation One. Ainsi, plusieurs équipes de l’ensemble hospitalier (D3i, PMDT*) et du centre de recherche (plateforme bioinformatique-U900), coordonnées par Julien Masliah-Planchon du département de génétique, Maud Kamal du Département d’Essais Cliniques précoces et Nicolas Servant de la plateforme bioinformatique, ont évalué et comparé le TMB selon les algorithmes de Fondation One et ceux de l’Institut Curie. Résultat : difficile de de reproduire les scores de TMB avec les deux méthodes. En effet, tous les échantillons issus de tumeurs de patients présentaient des TMB anormalement supérieurs à 10 mutations, et la médiane obtenue s’élevait à 40. En clair, le seuil de 10 mutations par mégabases ne peut pas s’appliquer à tous les tests et les équipes qui reproduisent la méthode de calcul publiée par Foundation One risquent d’inclure par excès des faux positifs, des malades qui en réalité ne répondront pas à l’immunothérapie.

 

L’équipe de l’Institut Curie appelle à un effort collectif de la communauté médicale pour harmoniser cette méthode de calcul, à l’échelle internationale et au niveau des différentes instances académiques. A ce stade, d'autres études sont nécessaires pour valider ces résultats mais d’ici là, il est important d’utiliser le seuil de 10 mutations avec vigilance lorsqu’il est appliqué à d’autres tests.

 

Poster > Tumor mutational burden in clinical routine practice: Identifying the right threshold.

Célia Dupain, Tom Gutman, Elodie Girard, Pauline du Rusquec, Marie-Paule Sablin, Patricia Tresca, Cindy Neuzillet, Anne Vincent-Salomon, Samantha Antonio, Coralie Franck, Michèle Galut, Yves Allory, Joanna Cyrta, Isabelle Guillou, Jennifer Wong, Christophe Le Tourneau, Ivan Bièche, Nicolas Servant, Maud Kamal, et Julien Masliah-Planchon.

 

* D3i : Département d’Essais Cliniques précoces de l’Institut Curie - PMDT : Pôle de médecine Diagnostique et Théranostique de l’Institut Curie.