Équipe
Génétique de la suppression tumorale
Présentation
La voie p53 est altérée dans la plupart, si ce n’est la totalité des tumeurs. Dans la moitié des cancers humains le gène de p53 est muté et, dans l’autre moitié, la protéine p53 peut être inactivée par la surexpression de l’un de ses inhibiteurs spécifiques, MDM2 ou MDM4.
La voie p53 est altérée dans la plupart, si ce n’est la totalité des tumeurs. Dans la moitié des cancers humains le gène de p53 est muté et, dans l’autre moitié, la protéine p53 peut être inactivée par la surexpression de l’un de ses inhibiteurs spécifiques, MDM2 ou MDM4. Une meilleure compréhension de la voie p53 pourrait conduire au développement de nouvelles stratégies thérapeutiques anti-tumorales, applicables à de nombreux patients. Notre groupe développe des modèles murins afin de mieux comprendre la régulation et les fonctions de p53.
Nous avons notamment créé la souris mutante p53ΔP, exprimant une p53 dépourvue de son domaine riche en prolines, qui s’est révélée très informative. L’étude de cette souris a montré que MDM2 et MDM4 ont des rôles distincts et complémentaires dans la régulation de p53, et que l’inhibition simultanée de MDM2 et de MDM4 est une stratégie de choix pour réactiver p53 dans certains cancers (Toledo & Wahl, Nat. Rev. Cancer 2007). En accord avec nos résultats, la molécule ALRN-6924, inhibant simultanément MDM2 et MDM4, a ensuite montré son efficacité contre certains lymphomes (Ng et al., Nat. Commun. 2018).
Nous avons également créé une souris surexprimant le transcrit MDM4-S, fréquemment surexprimé dans les tumeurs humaines. Ce modèle a permis de montrer que MDM4-S est un marqueur, plutôt qu’un acteur important de la progression tumorale. Mais surtout, il a indiqué que l’épissage alternatif conduisant à l’expression de MDM4-S peut conduire à une activation de la voie p53 (Bardot et al., Oncogene 2015). En accord avec nos résultats, favoriser cet épissage alternatif de MDM4 apparaît maintenant comme une stratégie prometteuse contre les mélanomes (Dewaele et al., J. Clin. Invest. 2016).
Ces études démontrent toute la richesse des informations acquises grâce à l’étude de la régulation de p53 in vivo, ainsi que le potentiel de ces approches pour le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques.
Nos modèles murins ont également permis de révéler des fonctions insoupçonnées de p53. Ainsi, nous avons montré qu’une mutation non-sens conduisant à la perte du domaine C-terminal de p53 entraîne une augmentation de l’activité de p53, qui conduit à une aplasie médullaire et une fibrose pulmonaire. Or, chez l’homme, l’observation combinée d’une insuffisance médullaire et d’une fibrose pulmonaire est caractéristique de la dyskératose congénitale, un syndrome sévère causé par un dysfonctionnement des télomères. Ceci nous a conduit à montrer que p53 est un régulateur majeur de la biologie des télomères par sa capacité à réprimer l’expression de plusieurs gènes clés, notamment DKC1 et RTEL1, deux gènes dont les mutations peuvent causer une dyskératose congénitale (Simeonova et al. Cell Rep. 2013 ; Figure 1). Nous avons ensuite montré qu’une mutation conduisant à l’inactivation partielle de MDM4, et donc une suractivation de p53, peut causer un dysfonctionnement télomérique chez l’homme (Toufektchan, Lejour, Durand et al. Sci. Adv. 2020).
Ces résultats nous ont conduits à étudier comment p53 réprime l’expression de gènes importants pour la biologie des télomères, et à identifier d’autres gènes réprimés par p53. Nous avons ainsi montré que p53 réprime la plupart de ces gènes de façon indirecte, via le répresseur E2F4 appartenant au complexe DREAM. Par le même mécanisme, p53 réprime l’expression de plusieurs gènes de la voie Fanconi de réparation de l’ADN (Jaber, Toufektchan et al. Nat. Commun. 2016), et des gènes importants pour la structure des centromères (Filipescu, Naughtin et al., Genes Dev. 2017). Ces résultats ont notamment révéles FANCD2 et HJURP comme marqueurs de la progression tumorale, et suggéré de nouvelles stratégies thérapeutiques.
Considérés ensemble, ces résultats valident la pertinence médicale de notre approche, qui repose sur la création et l’analyse de modèles murins mutés pour la voie p53.