Cancers familiaux

Une prise en charge médicale du risque

21/01/2019
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La connaissance de ces prédispositions permet d’enclencher une prise en charge spécifique de la personne à risque : une surveillance rapprochée, avec généralement des IRM annuelles de 30 à 65 ans ou une ablation préventive des seins, peu pratiquée en France (10 % des femmes qui se savent prédisposées).

Élise Bertault, 27 ans, a fait ce choix d’une mastectomie prophylactique quand elle a appris être porteuse d’une anomalie de BRCA, alors que sa mère avait été atteinte d’un cancer du sein, désormais guéri, et qu’une de ses grandstantes avait été atteinte de la maladie avant l’âge de 30 ans. « J’ai commencé une surveillance dès 25 ans. À la première IRM, on m’a détecté une anomalie, qui s’est révélée n’être rien lors du contrôle trois mois plus tard. Mais je ne voulais pas revivre ça à chaque fois. De plus, ces examens permettent de prendre à temps la maladie, mais pas de l’éviter », explique-t-elle. La jeune femme est désormais ambassadrice de l’association Geneticancer, où elle aide d’autres femmes dans sa situation à faire leur choix. Une ablation des ovaires est quant à elle recommandée à partir de 40 ans, quand le projet parental des femmes est « terminé », car un cancer des ovaires est plus difficile à détecter et donc souvent diagnostiqué à un stade avancé et, par conséquent, plus complexe à traiter. Aujourd’hui, les développements technologiques permettent des analyses plus faciles et plus fines.

Sur presque tous les échantillons de tumeurs du côlon, en particulier chez les patients de moins de 60 ans, nous faisons un test de “pre-screening” : c’est-à-dire que nous recherchons certaines protéines qui révèlent une prédisposition génétique. Cela permet de sélectionner les patients (3 %) pour lesquels une recherche génétique du syndrome de Lynch, qui prédispose à d’autres cancers, doit être entreprise. Ces tests peuvent également être réalisés sur les cancers de l’estomac et de l’uretère. Lors d’une consultation d’oncogénétique, on peut proposer aux apparentés une recherche par le biais d’une prise de sang et, le cas échéant, une surveillance. 

Dr Benoît Terris, pathologiste à l’hôpital Cochin (AP-HP, Paris).

Ces consultations d’oncogénétique sont généralement précédées d’une reconstitution de l’arbre généalogique de la famille. Les cancers connus dans la famille sont référencés et, dans la mesure du possible, certains comptes-rendus médicaux d’apparentés sont obtenus. En fonction de ces informations, un test génétique peut être proposé. Les enjeux du test sont expliqués dès la première consultation : s’il révèle une prédisposition, une prise en charge et un accompagnement de la personne sont proposés. Les membres de la famille concernés peuvent également bénéficier d’une consultation et faire le test s’ils le souhaitent. Une consultation avec un psychologue est toujours proposée en parallèle d’une consultation d’oncogénétique. « Et quand une chirurgie préventive est programmée, cette consultation est même très fortement recommandée, ajoute Béatrice Claret, psychologue à Gustave Roussy, centre de lutte contre le cancer à Villejuif (Val-de Marne). C’est difficile de se savoir porteur d’une prédisposition, surtout pour certaines personnes, fragiles psychologiquement ou qui ont des histoires de vie ou des histoires familiales compliquées. Elles ont des inquiétudes pour elles – angoisse de la surveillance, angoisse de se voir subir les mêmes traitements qu’un proche, parfois décédé…  – et des inquiétudes pour leurs proches, notamment leurs enfants – Est-ce que je la leur aurais transmise ? Comment leur annoncer ?… » Le rôle du psychologue est donc de les aider à cheminer, à leur rythme, à se représenter les différents scénarios, de voir aussi de quels soutiens elles disposent dans leur entourage… La génétique tient donc une place grandissante dans la prise en charge des patients atteints de cancers. Son impact est médical, mais aussi psychologique et social. Les démarches entreprises dans ce cadre par les médecins et chercheurs visent à la prise en charge la plus personnalisée possible, mais surtout la plus humanisée, dans le respect des règles déontologiques.

JIC 2018