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La Radiothérapie FLASH : histoire d’une découverte révolutionnaire à l’Institut Curie

La radiothérapie est, avec la chirurgie, le traitement curatif le plus efficace pour guérir les tumeurs solides et plus de la moitié des patients atteints de cancer doivent y recourir. Si des progrès considérables ont été réalisés dans le domaine en termes d’imagerie, de balistique et de dosimétrie au cours des dernières décennies, les modalités de délivrance des doses n’ont pas beaucoup évolué. Cependant, la découverte de l’effet « FLASH » dans les laboratoires de l’Institut Curie suscite un véritable changement de paradigme en radiothérapie. Retour sur cette découverte.
La découverte : frapper la tumeur vite et fort
Tout commence en 1995 : le Dr Vincent Favaudon, chercheur radiobiologiste Inserm à l’Institut Curie. Il observe un effet inattendu du fractionnement de la dose sur des cellules in vitro qu’il appelle l’effet « W ». Après plusieurs années de travaux et les premières communications en 2009, il publie en 2014 dans Science Translational Medicine des résultats majeurs démontrant « l’effet Flash » dans un modèle préclinique. Il met en évidence que des rayons très intenses, délivrés dans des temps très courts, ont le même effet antitumoral qu’une radiothérapie classique avec deux avantages cruciaux : épargner les tissus sains et diminuer considérablement les temps de traitement. En radiothérapie conventionnelle, le débit de dose se situe autour du Gray par seconde avec des fractions quotidiennes de 2 grays cumulés, tandis que le FLASH (ultra-haut débit de doses) délivre une dose d’irradiation supérieure ou égale à 10 Gy pendant un temps très court inférieur à 100 ms (1 000 à 10 000 fois plus rapide que la radiothérapie conventionnelle).

Effet sur du tissu pulmonaire sain d’une irradiation de 17 Gy administrée en 0.28 s, soit un débit de dose 60 Gy/s (image du centre) et en 548 s, soit un débit de dose de 0.031 Gy/s (image de droite). Le tissu irradié avec un très haut débit de dose a le même aspect que le tissu non irradié, alors que celui irradié à faible débit de dose est totalement altéré.
En 2014, les travaux du Dr Favaudon ont montré, dans des modèles précliniques, qu’une dose de 15 Gy administrée de manière conventionnelle pour traiter une tumeur du poumon entraînait systématiquement entre 8 semaines et 6 mois après l’irradiation l’apparition d’une fibrose pulmonaire (complication majeure et tardive de la radiothérapie). Avec une irradiation FLASH, aucune fibrose n’apparaissait en-dessous de 20 Gy. Cet effet protecteur était également observé sur l’apoptose (mort programmée des cellules produite suite à des dommages non réparés de l'ADN), les capillaires sanguins et sur les lésions cutanées. En revanche, l’efficacité antitumorale restait la même dans tous les modèles précliniques. L’irradiation "FLASH" protège donc les tissus sains de la survenue d’effets secondaires de manière très sélective.
Il aura fallu plusieurs années de recherche fondamentale à Vincent Favaudon et son équipe pour accumuler suffisamment de données et démontrer sans équivoque cet effet FLASH. Depuis, de nombreuses équipes dans le monde ont reproduit ces résultats, dans différents modèles, démontrant à chaque fois une efficacité antitumorale inchangée et une protection contre notamment la fibrose pulmonaire, la perte de mémoire, la protection des intestins…

FRATHEA
La radiothérapie FLASH à l’Institut Curie
L’objectif de FRATHEA est de repousser les limites de la radiothérapie pour les cancers radio-résistants en protégeant davantage les tissus sains.
Un dispositif expérimental inédit pour valider les applications cliniques
La découverte de l’effet FLASH dès 2009 a été réalisée sur un accélérateur d’électrons basse énergie installé dans les laboratoires du Centre de recherche de l’Institut Curie à Orsay : le kinetron (accélérateur linéaire d’électrons). En 2021, un nouveau dispositif prototype fabriqué en Italie par la société SIT (ElectronFlash4000, image ci-dessous) lui a succédé pour y mener des études physiques, physico-chimiques, radiobiologiques pour appréhender les processus en jeu dans l’irradiation FLASH par comparaison à l’irradiation conventionnelle. De telles études qui sont indispensables et préalables au passage aux prochaines générations d’accélérateurs d’électrons et de fait au passage en clinique.

ElectronFlash 4000 installé à Orsay. Maxime Dubail, doctorant, à gauche et Charles Fouillade à droite, radiobiologiste dans l’équipe Réparation, radiation et thérapies innovantes anticancer de l’Institut Curie (Unité Signalisation, radiobiologie et cancer (UMR3347 / U1021)). © Institut Curie / VOISIN Thibaut
Des recherches multidisciplinaires en radiobiologie et radiophysique
Les équipes de l’Institut Curie à Orsay concentrent leurs efforts sur l’étude des mécanismes physiques, physico-chimiques, biologiques sous-jacents à l’effet FLASH (dose optimale, débit de dose, oxygénation…). Ils scrutent les compartiments physiologiques, les différentes voies moléculaires, cellulaires, génétiques… afin d’élucider les mécanismes en jeu sous l’effet de radiations à ultra-haut débit de dose pour comprendre ce qui différencie tumeurs et tissus sains du point de vue de la réponse au rayonnement. Pourquoi les tissus sains se régénèrent-ils sous l’effet d’une radiothérapie FLASH tandis qu’ils ne le font pas en conventionnel ? Les pistes sont multiples et l’une d’elle repose sur le rôle de l’oxygène dont on sait qu’il est un puissant radiosensibilisant.
Les équipes de l’Institut Curie participent à de nombreuses recherches visant à porter la technique au stade des essais cliniques.
Le site d’Orsay : des accélérateurs de particules toujours plus modernes et performants
En 75 ans, le campus d'Orsay s’est transformé en l’un des centres internationaux d’innovation scientifique dans le domaine de la physique nucléaire en particulier. Il regroupe de nombreux instituts de recherche et parmi eux : le Centre de Protonthérapie d’Orsay (CPO) et les laboratoires de l’Institut Curie.
Les accélérateurs de particules
Les accélérateurs de particules utilisent des champs électriques pour accélérer des particules chargées, comme les électrons et les protons, qui sont des composants de l’atome, et des champs magnétiques pour contrôler leur trajectoire. On distingue deux types d’accélérateurs : les linéaires où les particules sont accélérées en ligne droite vers une cible, et les circulaires où elles suivent une trajectoire circulaire et entrent en collision. Ces collisions libèrent une grande quantité d’énergie, permettant de créer de nouvelles particules ou de modifier des noyaux atomiques.
Une annexe de l’Institut du radium à Orsay
Dans les années 50, le projet de synchrocyclotron à protons impulsé par Irène Joliot-Curie, alors directrice du laboratoire Curie de l’Institut du radium, prend naissance à Orsay. Son installation s’achèvera en 1958. Par ailleurs, Frédéric Joliot-Curie y fait déplacer -depuis le Collège de France- un deuxième accélérateur circulaire : le cyclotron historique dont il a fait l’acquisition dès 1937 et qui sera également utilisé à Orsay jusqu’en 1966.
Des accélérateurs pour traiter les cancers
De 1991 à mai 2010, le Centre de Protonthérapie d’Orsay (CPO) de l’Institut Curie a permis le traitement d’environ 5 000 patients. En 2010, le CPO a été rénové avec un nouvel accélérateur de particules, beaucoup plus performant pour décupler son activité clinique dédiée au traitement des patients par protonthérapie (tumeurs oculaires et pédiatriques majoritairement).
Aujourd’hui, c’est au cœur des installations d’Orsay et du CPO que le nouvel irradiateur
FLASH-VHEE sera mis en place, à l’endroit même où Frédéric Joliot Curie avait installé un cyclotron il y a plusieurs décennies…

Les Joliot-Curie et la naissance du campus d’Orsay
Il y a 75 ans, le campus d'Orsay n'était qu'un ensemble de terres agricoles. Aujourd’hui il s’est transformé en un centre international d’innovation, regroupant de nombreux instituts de recherche. Découvrez comment le couple Joliot-Curie a joué un rôle essentiel dans l'établissement de la physique en vallée de Chevreuse.