Actualité - AACR

Des petites vésicules pleines d'espoir

12/04/2018
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Clotilde Théry était invitée au congrès de l’American Association for Cancer Research (AACR) pour faire le point sur son sujet de prédilection : les vésicules extra cellulaires et leur potentiel dans la prise en charge du cancer.

AACR - Clotilde Thery

"Depuis quelques années, on sait que les cellules sécrètent dans leur environnement des vésicules membranaires appelées vésicules extracellulaires, qui agissent comme des messagers intercellulaires", explique Clotilde Théry, directrice de recherche Inserm et spécialiste de ces émanations cellulaires. Depuis leur découverte, ces petites vésicules suscitent beaucoup d’espoirs chez les chercheurs. Elles peuvent en effet cibler des cellules, pour leur apporter des informations capables de les modifier, ce qui est la base de toute thérapie ciblée. Elles ont aussi été décrites comme de possibles biomarqueurs, soit des boosteurs soit des empêcheurs du système immunitaire, ce qui justifie pourquoi ces mystérieuses petites vésicules des cellules font l’objet d’une session entière au plus grand congrès américain sur la recherche contre le cancer.

 

Des messagers cellulaires prometteurs

Tout n’est toutefois pas si simple dans l’univers des vésicules extracellulaires. Il en existe une très grande variété et leur composition influe sur leur fonction. Leur nature peut être très différente d’un type cellulaire à l’autre, ce qui en fait de possibles biomarqueurs. Mais parfois des vésicules subtilement différentes peuvent être produites par la même cellule, et déclencher des conséquences différentes. Un point que l’équipe Exosomes et croissance tumorale (Inserm/Institut Curie) que dirige Clotilde Théry au sein du Centre d’immunothérapie des cancers contribue largement à défricher. "Il y a quinze ans, nous avions mené les premières analyses sur la composition des vésicules sécrétées par les cellules dendritiques, les fameuses sentinelles du système immunitaire qui donnent l’alerte lorsqu’un danger est repéré », explique la chercheuse. A ce jour on distingue plusieurs grandes familles, dont la plus célèbre, les exosomes, qui appartiennent à la catégorie des vésicules de petites tailles." Des chercheurs de l’Institut Curie et de Gustave Roussy ont mis en évidence il y a plus de 10 ans que les exosomes sécrétés par les cellules dendritiques portent des marques spécifiques et participent à l’induction de réponses immunitaires. En déposant un marqueur spécifique d’une tumeur – un antigène – sur ces exosomes, ils ont même pu induire une réponse immunitaire antitumorale. Des résultats qui ont depuis servi de base à un essai clinique de phase II, entre Gustave Roussy et l’Institut Curie, chez de patients atteints de cancer du poumon.

Des petites vésicules sous le feu des projecteurs

Désormais les vésicules extracellulaires sont l’objet de nombreuses recherches. Le congrès de l’AACR est l’occasion de faire le point sur les dernières avancées dans ce domaine. L’un des éléments clé qu’a fait passer Clotilde Théry lors de sa conférence introductive est que "quand on veut analyser le rôle de ces vésicules dans un système pathologique, il faut clairement savoir si ce que l’on observe est propre à une vésicule ou présent dans d’autres vésicules". Car c’est la réponse à cette question qui permettra d’étendre le champ des possibles de ces messagers, notamment pour en faire des biomarqueurs circulants fiables et efficaces. Si de premières pistes les ont d’ores et déjà décrites comme de possibles indicateurs de la présence d’un cancer en l’occurrence du pancréas, des études complémentaires s’imposent. Pour leur utilisation thérapeutique, l’équipe de Clotilde Théry a ainsi pu montrer que d’autres vésicules que les exosomes pourraient également être utilisées dans l’optique d’essais cliniques comme celui précédemment mis en œuvre.

L’étape suivante sera de comprendre comment ces vésicules produites par les cellules tumorales modulent le système immunitaire dans un sens ou dans un autre. Car ces vésicules semblent aussi bien pouvoir le stimuler que l’inhiber, ouvrant la voie à des pistes thérapeutiques. Clotilde Théry a insisté sur la nécessité de poursuivre les études sur la biologie de ces vésicules pour comprendre comment elles se forment et sont sécrétées afin de pouvoir ensuite être plus à même de les utiliser à des fins thérapeutiques. Les autres présentations de cette session ont, quant à elles, porté sur le suivi de ces vésicules et leur rôle possible dans la dissémination métastatique. Les attentes autour de ces vésicules sont importantes, ce qui explique pourquoi de nombreux yeux sont tournés vers elles.