Actualité - Cancers du poumon

Cancer du poumon : de nouvelles stratégies prometteuses présentées à l’ASCO 2020

08/06/2020
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La crise du Covid-19 a mis le monde à l’arrêt durant plusieurs mois mais la vie reprend désormais son cours. Plusieurs essais cliniques en cours à l’Institut Curie - et interrompus en raison de la pandémie – sont à nouveau actifs, en particulier en cas de cancer du poumon.

Nicolas Girard

De nouveaux résultats issus de ces études viennent d’être présentés au congrès 2020 de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO), référence mondiale dans la recherche sur le cancer. Ces innovations pourraient permettre l’accès à de nouvelles stratégies de prise en charge et à de nouveaux médicaments.

En France, 46.363 nouveaux cas de cancer de poumon ont été diagnostiqués en 2018, ce qui représente 15% de tous les nouveaux cas de cancers. C’est le deuxième cancer le plus fréquent chez l’homme et le troisième chez la femme (31.231 cas contre 15.132 chez les femmes). Avec une survie nette à 5 ans d’environ 17%, le pronostic d’un cancer du poumon reste mauvais. 10 ans après le diagnostic, ce taux chute à 10 % (9 % chez l’homme et 13 % chez la femme.)

L’immunothérapie, un complément moins toxique à la chimiothérapie

Depuis quelques années, plusieurs pistes semblent améliorer la survie des patients, faisant souffler un vent d’espoir dans le domaine. Au cœur de cette nouvelle prise en charge, l’immunothérapie, qui consiste à stimuler les défenses immunitaires contre la tumeur. Beaucoup moins toxique que la chimiothérapie, ce traitement s’administre soit seul, soit en association avec une chimiothérapie.

La survie est doublée par rapport aux chimiothérapies classiques. On dénombre 30 à 40% de patients vivants à 3 ou 5 ans, alors qu’historiquement c’est moins de 5%,

souligne le Professeur Nicolas Girard, oncologue pneumologue et responsable de l’Institut du Thorax Curie-Montsouris.

Si bien que l’immunothérapie commence à prendre le pas sur la chimiothérapie. Une étude intitulée CheckMate 9LA et présentée à l’ASCO 2020, combine deux seulement deux injections de chimiothérapie à une double immunothérapie. « La double immunothérapie permet d’agir sur plusieurs points qui peuvent bloquer la réponse immunitaire. Le premier médicament accélère l’activation des lymphocytes (qui contrent la réponse immunitaire) et le deuxième empêche les mécanismes freinateurs (qui freinent la réponse immunitaire). Les deux sont complémentaires. » Et les résultats sont prometteurs : plus de 40% des patients étaient vivants à 2 ans.

« Les résultats montrent le bénéfice de la double immunothérapie. C’est intéressant car aujourd’hui, les patients ayant commencé une chimiothérapie en même temps qu’une immunothérapie vont continuer la chimiothérapie tant que cela semble efficace. Sauf que cela expose les patients à un risque de toxicité cumulative. Là, le protocole ne permet que deux injections de chimiothérapie avec une immunothérapie qui, elle, se poursuit dans le temps. » Une approche renversée qui permet tout de même une efficacité prolongée, avec un moindre risque de toxicité, grâce aux défenses immunitaires réactivées. Cette approche prometteuse nécessite de pouvoir prédire avant de commencer le traitement quels patients répondront aux molécules ou non. « Pour cela, nous recherchons des biomarqueurs dans le sang des patients. Pour le moment, il n’existe pas de biomarqueur idéal, mais la recherche se poursuit. ». Plusieurs essais en cours à l’Institut Curie suivent cette stratégie de double immunothérapie, dans diverses situations pour les cancers du poumon.

La médecine personnalisée, une réponse à chaque sous-groupe de patients

Autre espoir pour améliorer le pronostic des patients atteints de cancer, y compris le cancer du poumon : la médecine de précision, qui s’appuie sur le patrimoine génétique spécifique à chaque malade. « Le but est de repérer des mutations dans les gènes de la cellule cancéreuse afin d’aller bloquer ce qui a provoqué le cancer, comme une prolifération non contrôlée. Le mécanisme de ces médicaments est semblable à un interrupteur qui s’allume et conduit au développement de la tumeur,  et que l’on éteint avec des traitements ciblés », poursuit le Professeur Girard.

Une étude majeure, ADAURA coordonnée pour la France par le Professeur Girard, présentée à l’ASCO 2020, offre d’importants espoirs pour les malades atteints de cancer du poumon. Au cœur de ces travaux, le rôle de l’EGFR, un gène porté sur le chromosome 7, dont la mutation est associée au cancer du poumon. L’administration par voie orale de molécules qui stoppent cette mutation, les inhibiteurs de tyrosine kinase, permet de reculer les rechutes. Parmi les 25% de patients dont la tumeur est encore opérable au moment du diagnostic, environ 10% sont porteurs de cette mutation. Lorsque ce traitement leur est administré très tôt par voie orale, le risque de rechute est réduit de plus de 80%. « C’est assez extraordinaire. Cela montre que la médecine de précision a un véritable rôle à jouer même pour des tumeurs de stade plus précoce. Sachant que le dépistage du cancer du poumon se met en place, avec des diagnostics qui se font également de plus en plus tôt, ces deux stratégies combinées vont améliorer le pronostic des malades », explique le Pr. Girard.

L’effet des inhibiteurs de tyrosine kinase sont déjà bien connus chez les patients atteints de cancer du poumon et en situation métastatique. Des études, comme l’étude MELROSE  ouverte à l’Institut Curie, ont montré une survie à 4 ou 5 ans en médiane. En avril 2018, l'osimertinib (la molécule de tyrosine kinase) a déjà obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne en monothérapie dans le traitement de première ligne des patients adultes atteints d’un cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) localement avancé ou métastatique avec mutations activatrices de l’EGFR. « On peut désormais envisager un changement de pratique pour nos malades même à des stades très précoces et rechercher d’emblée ces mutations, qui s’obtiennent avec un diagnostic rapide. » Un traitement ciblé, sans attendre la rechute.

Chez les patients métastatiques, la recherche de mutations se fait déjà en routine. Des diagnostics rapides pourraient désormais être réalisés dès l’annonce du diagnostic. Mais une recherche systématique des mutations les plus rares a également un intérêt, car si elles sont présentes dans la tumeur, le patient peut accéder à des traitements ciblés en cours d’investigation dans le cadre d’essais ouverts à l’Institut Curie ; ainsi, de nouvelles thérapies ciblées sont aujourd’hui disponibles en cas d’altérations rares de l’EGFR, appelées mutations de l’exon 20, avec l’amivantamab , avec des résultats montrés lors du congrès sur une cohorte de patients traités à l’Institut Curie. De nombreuses études sont aujourd’hui à nouveau ouvertes pour les patients atteints de ces formes rares de cancers du poumon.