Recherche clinique

De l’odorologie canine au nez électronique : une nouvelle piste pour détecter le cancer du sein

27/11/2025

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Projet KDOG

Les chiens sont-ils capables de « sentir » le cancer ? Leur odorat pourrait-il aider à dépister le cancer du sein ? C’est tout l’enjeu d’un projet original appelé KDOG et initié à l’Institut Curie en 2016. Publiés dans Nature Communications le 27 novembre 2025, les résultats de l’essai clinique KDOG1 révèlent que si les chiens peuvent détecter le cancer du sein dans des échantillons de transpiration de femmes, le niveau de précision demeure insuffisant pour une utilisation en clinique. Cependant, ces travaux ouvrent la voie à l’identification de la signature moléculaire détectée par les chiens, en vue de développer des méthodes de dépistage du cancer du sein précoce, faciles et accessibles à toutes.

Avec plus de 60 000 nouveaux cas chaque année en France, le cancer du sein est le premier cancer féminin et la première cause de mortalité par cancer chez les femmes. A l’Institut Curie, notamment à travers l’Institut des Cancers des Femmes cofondé avec l’Inserm et l’université PSL, les équipes sont fortement mobilisées pour améliorer le diagnostic, garantir un accompagnement adapté à chaque patiente et renforcer la prévention des cancers du sein.

En France, le dépistage organisé du cancer du sein qui consiste en une mammographie et un examen clinique - permet de détecter la maladie à un stade précoce et dans ce cas, ce cancer se guérit 9 fois sur 10. Pourtant, moins d’une femme sur deux y participe (48,2 % sur la période 2023)1. Si le déploiement de la mammographie a permis des avancées incontestables dans la lutte contre le cancer du sein, des solutions alternatives se développent aujourd’hui ; à l’instar du projet KDOG.

KDOG, une aventure inédite née en 2016 à l’Institut Curie

Lancé en 2016 sous l’impulsion du Dr Isabelle Fromantin, infirmière chercheuse et cheffe de l’unité plaies et cicatrisation de l’Institut Curie, KDOG est un programme de recherche et d’innovation médicale de dépistage du cancer du sein basé sur l’odorologie canine. Son objectif :  mettre au point une technique de dépistage simple, peu couteuse et non-invasive. « Notre ambition est de développer des approches de dépistage alternatives et complémentaires, pour réduire les inégalités d’accès à la mammographie et à produire un impact collectif majeur sur la santé des femmes à travers le monde » explique Isabelle Fromantin. 

En 2017, l’équipe KDOG a validé une preuve de concept : 2 chiens éduqués ont réussi à détecter 90,3% des échantillons positifs (provenant de femmes atteintes de cancer du sein) parmi les 130 échantillons de sueur qui leur étaient présentés. A chaque test, les chiens étaient confrontés à 4 échantillons de transpiration de femmes, parmi lesquels un seul était positif. Sur la base de ces travaux préliminaires, les équipes de l’Institut Curie ont élaboré un essai clinique : KDOG1.

KDOG1 : des résultats encourageants pour l’avenir de la détection par les odeurs

KDOG1 est un essai clinique de phase 2, financé par un Programme hospitalier de recherche clinique. Démarrée en 2020, cette étude a été menée auprès de 181 femmes : les participantes devaient appliquer une compresse sur leur sein pendant 6 à 12 heures. Puis, ces compresses imprégnées de transpiration étaient présentées aux deux chiens de l’étude, pour les phases d’entrainement et de test.

« La tâche à laquelle étaient confrontés les 2 chiens lors de cet essai clinique était bien plus complexe que celle dans l’étude pilote, afin de refléter des conditions plus proches de la réalité du dépistage. Plusieurs échantillons positifs, ou au contraire, que des négatifs pouvaient être présentés aux chiens » précise Isabelle Fromantin. C’est justement dans ces situations plus complexes et sur une période beaucoup plus longue que les chiens ont rencontré des difficultés à distinguer les échantillons positifs.

Les résultats de l’étude KDOG1 montrent que 80% des échantillons positifs ont été identifiés par au moins un des chiens, mais seulement 49% par les deux, montrant une précision limitée. « Nous publions aujourd’hui des résultats importants : les chiens sont en effet capables de détecter le cancer dans la transpiration des femmes, comme le montrait déjà notre étude préliminaire. Mais pour être utilisé en clinique, il faut obtenir un niveau de précision que n’ont pas atteint les chiens dans KDOG1 » affirme Isabelle Fromantin.

Vers un nez électronique ?

Ces résultats montrent toutefois qu’il y a une signature moléculaire détectable dans la transpiration, ouvrant une perspective innovante : l’identification de cette signature par chimie-analytique. « Nous ne savons pas quels sont les composés organiques volatils (COV) perçus par les chiens dans les échantillons des patientes. Si nous arrivons à déterminer lesquels sont associés au cancer, nous pourrions potentiellement développer des « nez électroniques », capables d’un niveau de précision suffisant pour le dépistage. Cela permettrait aussi d’améliorer les protocoles d’entraînement des chiens : en utilisant uniquement les COV identifiés pendant les phases d’apprentissage, nous pourrions peut-être augmenter la précision de détection » ajoute Isabelle Fromantin.

« Je suis fière de notre travail : non seulement, nos résultats sont exploités par d’autres équipes de recherche, mais ils pourraient également se décliner dans d’autres types de cancer. Notre objectif ici est le développement de techniques de dépistage et diagnostic peu invasives et accessibles au plus grand nombre, complémentaires à la mammographie. » conclut Isabelle Fromantin. 

 

1 Sources INCa et Santé Publique France

Photo ©SERIS-KDOG

Référence :

A prospective trial for breast cancer diagnosis by canine odorology.
Tardivon, A., Mesurolle, B., Dureau, S. et al.
Nature Communications 16, 10650 (2025). 

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