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Leucémie : découverte d’un interrupteur qui provoque la mort des cellules tumorales

23/08/2016
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Résistances aux chimiothérapies et rechutes sont malheureusement encore fréquentes chez les patients atteints de leucémie aiguë lymphoïde de type T. L’urgence pour ce cancer hématologique rare est de trouver de nouvelles thérapies, se basant sur des approches totalement innovantes.

 Décisions épigénétiques et reproduction chez les mammifères / In

Paris-14 septembre 2012. réparation bactériologique de vecteurs shRNA pour technique d'invalidation par interférence ARN.

Les leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL) sont les cancers les plus fréquents chez l’enfant et l’adolescent. Suivant la nature des cellules dont elles dérivent, elles peuvent être de lignage T ou B. Pouvant aussi survenir chez les adultes, les LAL du lignage T (LAL-T) sont de plus mauvais pronostic que celles affectant le lignage B. Elles ont pour origine une défaillance dans les précurseurs immatures – les thymocytes – des lymphocytes T, cellules centrales du système immunitaire. Les thymocytes altérés prolifèrent alors de manière incontrôlée et envahissent la moelle osseuse, le médiastin et le sang.

Malgré les progrès continus de la chimiothérapie, environ 20% des cas pédiatriques et plus de 50% des LAL-T de l’adulte rechutent. Dans tous les cas, le pronostic de ces rechutes est très mauvais.

Pas d’amnésie pour la cellule tumorale.

Les lymphocytes T se développent dans le thymus par un processus multi-étapes à partir des thymocytes. Une des étapes critiques de ce processus est l’expression du récepteur de l’antigène des cellules T (TCR), associé au complexe multi-protéique CD3. L’équipe Signalisation cellulaire et oncogenèse (CNRS/Université Paris Sud/Institut Curie) dirigée par Jacques Ghysdael a montré que l’activation continue du TCR pouvait être une piste intéressante pour enrayer la progression des LAL-T. La fonction normale de ce point de contrôle au cours du développement lymphoïde T est :

  • l'élimination des cellules T auto-réactives, c.-à-d. dirigées contre le soi. Ce processus est connu sous le nom de sélection négative;
  • la sélection positive et la différenciation terminale des thymocytes en lymphocytes T matures. Ces derniers formeront le répertoire immunologique propre qui permet à l’organisme de se défendre contre les bactéries, les virus et autres hôtes indésirables.

« Une proportion importante des LAL-T expriment un complexe TCR/CD3, » rappelle Jacques Ghysdael, directeur de recherche CNRS. Son équipe, en collaboration avec le laboratoire d’Onco-hématologie de Vahid Asnafi à l’Institut Necker-Enfants Malades, vient d’ailleurs de montrer que si on réactive ce point de contrôle dans ces LAL-T, on enclenche un programme de mort cellulaire ressemblant à celui mis en œuvre au cours de la sélection négative et qui se traduit par des effets anti-leucémiques puissants.

« Nous avons démontré le potentiel thérapeutique de cette approche dans plusieurs modèles animaux de LAL-T et traitées par un anticorps monoclonal anti-CD3 » poursuit le chercheur.

La liaison de cet anticorps au complexe TCR/CD3 peut en quelque sorte faire passer le point de contrôle bloqué en position OFF dans les cellules tumorales, sur une position ON. Résultat : les cellules leucémiques meurent massivement par apoptose.

La bonne nouvelle est que l’anticorps utilisé dans cette recherche est bien connu d’un point de vue médical car il est utilisé depuis 1985 pour contrôler le rejet de certaines greffes d’organes. C’est en fait le 1er anticorps à avoir eu une autorisation de mise sur le marché aux Etats-Unis. Depuis lors d’autres anticorps spécifiques de CD3 – plus ciblés dans leur mode d’action – ont même vu le jour.

De façon plus générale, il est fort possible que la ré-activation de tels points de contrôle puissent être découverts dans d’autres cancers ouvrant alors la voie à une nouvelle classe de thérapies.

(1) Le récepteur des cellules T (TCR) est un complexe moléculaire qui se trouve sur la membrane des lymphocytes T, le T provient du « Thymus » (organe dans lequel ces cellules se développent et arrivent à maturité). Les lymphocytes T sont responsables de la réponse immunitaire adaptative, plus longue à se mettre en place que l’immunité innée, mais ciblée contre un ennemi qu’elle a appris à reconnaître au cours des processus de sélection thymiques positives et négatives.

Triggering the TCR developmental checkpoint activates a therapeutically targetable tumor suppressive pathway in T-cell leukemia
Amélie Trinquand, Nuno R. dos Santos, Christine Tran Quang, Francesca Rocchetti, Benedetta Zaniboni, Mohamed Belhocine, Cindy Da Costa de Jesus, Ludovic Lhermitte, Melania Tesio, Michael Dussiot, François-Loïc Cosset, Els Verhoeyen, Françoise Pflumio, Norbert Ifrah, Hervé Dombret, Salvatore Spicuglia, Lucienne Chatenoud, David-Alexandre Gross, Olivier Hermine, Elizabeth Macintyre, Jacques Ghysdael, Vahid Asnafi Cancer Discovery, doi:10.1158/2159-8290.CD-15-0675