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Cancer du sein : le futur du dépistage ?

29/10/2016
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Depuis 2014, le dépistage fait l’objet de débats et de polémiques récurrents. L’Intergroupe dédié d’Unicancer, dont fait notamment partie le Pr Roman Rouzier de l’Institut Curie, vient d’établir une liste de recommandations pour le faire évoluer.

Pr Roman ROUZIER

Pr Roman ROUZIER

Aujourd’hui, en France, le dépistage organisé est proposé tous les deux ans, à toutes les femmes, entre 50 et 74 ans. Il comprend deux examens.

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Faire évoluer le dépistage organisé

Parallèlement à la mise en place de ce dépistage, la proportion de cancers du sein intra-canalaires (c’est-à-dire à un stade très précoce) a augmenté de 5% à 20% entre 1980 et aujourd’hui. Traitées précocement, ces tumeurs ne développent pas de métastases et le taux de survie à 5 ans est de 100 %. Si leur pronostic est excellent, leur traitement reste lourd de conséquences physiques et psychologiques et nécessite une tumorectomie ou mastectomie, suivie d’une radiothérapie.

« A ce jour nous ne savons pas identifier les cas qui vont ou ne vont pas évoluer. Il faut donc traiter toutes les patientes. Pour une vie sauvée, il y a trois cancers du sein sur-traités. Selon moi le jeu en vaut la chandelle. Il ne faut donc pas remettre en cause le dépistage organisé, dont aucun pays développé ne se prive, mais le faire évoluer, déclare le Pr Roman Rouzier. Avec l’Intergroupe national de recherche sur le cancer du sein d’Unicancer, nous recommandons donc, dans un article paru dans le Bulletin du cancer, d’améliorer les performances des techniques d’imagerie d’une part, et de poursuivre les recherches sur d'autres types de dépistages, notamment par des biopsies liquides et la détection d’ADN tumoral circulant. »

 

Autre piste à explorer selon ce groupe d’experts français : l’identification de biomarqueurs pour évaluer les risques individuels. Dans cette démarche, les résultats récents du séquençage du génome entier de 560 tumeurs du sein, réalisé par le consortium international de génomique du cancer et auquel ont largement contribué les spécialistes de l’Institut Curie, devrait être d’une grande aide. Car c’est au cœur des cellules, dans leur ADN, que se trouvent une partie des réponses sur l’agressivité tumorale.

 

Faire de la désescalade thérapeutique une réalité

 

"Il s’agit aussi d’évaluer scientifiquement une potentielle désescalade thérapeutique dans ces cancers du sein. Une étude très encadrée est nécessaire sur 10 à 15 ans, avec suffisamment de patientes et un suivi rapproché pour limiter au maximum le risque de laisser évoluer un cancer in situ vers un stade infiltrant", ajoute le chirurgien. Les attentes sont donc nombreuses autour d’une étude européenne qui prévoit d’inclure 1842 patientes volontaires atteintes de cancer intra-canalaire de bas grade confirmé par biopsie suite à un dépistage mammographique. Les patientes recevront après randomisation soit un traitement conventionnel (chirurgie, radiothérapie) soit une surveillance régulière. Un suivi de 13 ans est prévu.

« En tant que chirurgien et directeur du pôle sénologie, je suis particulièrement sensible au risque de sur-dépister et de sur-traiter. Ce risque existe avec le cancer intra-canalaire, la communauté scientifique en a conscience, conclut le professeur. Aujourd’hui, il faut continuer à traiter toutes les patientes et parallèlement mettre en place les études scientifiques nécessaires pour pouvoir, à l’avenir, orienter la décision médicale vers l’intervention ou la surveillance en toute connaissance de cause. »

 

En savoir plus
Breast cancer screening: On our way to the future
Delaloge, S., Bachelot, T., Bidard, F.C., Espie, M., Brain, E., Bonnefoi, H., Gligorov, J., Dalenc, F., Hardy-Bessard, AC., Azria, D., Jacquin; JP., Lemonnier, J., Jacot, W., Goncalves, A., Coutant, C., Ganem, G., Petit, T., Penault-Lorca, F., Debled, M., Campone, M., Levy, C., Coudert, B., Lortholary, A., Venat-Bouvet L, Grenier, J., Bourgeois, H., Asselain, B., Arvis, J., Castro, M., Tardivon A., Cox DG., Arveux, P., Bull Cancer. 2016 Jul 26. pii: S0007-4551(16)30104-7. doi: 10.1016/j.bulcan.2016.06.005.