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Cancer : les biomarqueurs révolutionnent la prise en charge

18/01/2018
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A l’occasion de la Journée mondiale contre le cancer, le point avec le Pr Bidard sur les biomarqueurs circulants qui sont en passe de révolutionner la prise en charge des cancers, du dépistage aux choix thérapeutiques… Les promesses sont nombreuses.

FC bidard

Qu’est-ce qu’un biomarqueur circulant ?

Il s’agit le plus souvent de cellules cancéreuses (CTC) ou d’ADN tumoral (ADNtc) présents dans le sang et issus d’une tumeur. L’ADNtc est l’ADN relâché par les cellules tumorales lorsqu’elles se dégradent et qui se retrouve dans la circulation sanguine. Quant aux CTC, ce sont des cellules qui se détachent d'une tumeur et passent dans la circulation sanguine. Elles peuvent migrer vers d’autres organes et entraîner le développement de métastases.

Ces biomarqueurs circulent dans le sang des patients, et sont donc accessibles à partir d’une simple prise de sang, un geste médical simple, rapide, peu douloureux et économique.

 

Quels sont les apports des biomarqueurs circulants dans la lutte contre le cancer ?

Ils nous donnent de précieux renseignements sur certains cancers qui ne sont pas toujours faciles à biopsier, comme l’a notamment montré Gudrun Schleiermacher, pédiatre à l’Institut Curie pour le neuroblastome. Dans cette tumeur du jeune enfant, l’analyse du ctDNA apparaît comme un substitut pour établir le profil génomique du neuroblastome, dans les cas où un accès à la tumeur elle-même n’est pas possible, ou pour suivre son évolution afin d’éviter des prélèvements répétés.

Les biomarqueurs circulants facilitent alors le choix d’une thérapie ciblée. On parle même de « biopsie liquide » pour définir cette analyse de sang. De nombreuses études, réalisées au cours de ces dernières années, notamment à l’institut Curie, ont montré que l’on peut raisonnablement remplacer les biopsies tumorales par l’analyse d’ADN tumoral circulant pour recherche les mutations ciblables par thérapies ciblées. L’approche de « biopsie liquide » est maintenant reconnue comme un standard pour certaines situations, notamment les cancers du poumon métastatiques.

Nous avons aussi mis en évidence dans les cancers du sein métastatique que le taux de CTC est un facteur pronostique majeur : plus leur taux est élevé, plus le pronostic est défavorable. Outre favoriser la dissémination du cancer dans le corps, ces cellules tumorales circulantes dans le sang favorisent la survenue de thrombose (phlébite, embolie pulmonaire) chez ces patientes.

À terme, nous espérons aussi que ces biomarqueurs permettront de détecter certains cancers plus rapidement et d’assurer le suivi des patients en cours de traitement.

Chez les patients atteints de cancer du poumon non à petites cellules, de mélanome de l’uvée ou d’un type de cancer du côlon, le taux d’ADNtc semble un bon indicateur de la réponse aux nouvelles immunothérapies. Il est en outre être étroitement lié à la taille de la tumeur. D’ailleurs, dès lors que l’ADNtc n’est plus repérable chez un patient, celui-ci présente une réponse durable au traitement. Nous prévoyons d’initier prochainement des essais cliniques où l’utilisation du dosage d’ADNtc par prise de sang pourra compléter ou se substituer aux évaluations radiologiques par scanner.

À terme, nous espérons aussi que ces biomarqueurs permettront de détecter certains cancers plus rapidement et d’assurer le suivi des patients en cours de traitement.

 

Quelle est l’expertise de l’Institut Curie en la matière ?

Nous travaillons sur le sujet depuis plus de 20 ans. La proximité entre les laboratoires de recherche fondamentale, les généticiens qui maîtrisent les techniques de détection et d’analyse, et les cliniciens qui nous permettent, grâce à la participation d’un nombre important de patients, de mener des études importantes, a permis à l’Institut Curie de devenir l’un des leaders mondiaux dans ce domaine.

 

Peut-on imaginer pouvoir se passer un jour de la biopsie tissulaire ?

C’est déjà le cas dans certaines indications et cela va certainement monter en puissance dans d’autres cancers. Mais la biopsie liquide ne remplacera jamais complètement une biopsie tissulaire qui permet, par exemple, d’étudier les relations d’une tumeur avec les tissus avoisinants, c’est-à-dire son microenvironnement.

 

François Clément-Bidard est oncologue médical à l’Institut Curie, professeur de médecine à l’Université de Versailles-Saint Quentin-en-Yvelines, chercheur spécialiste des biomarqueurs circulants.