Présentation

Dans le laboratoire de Claire Rougeulle, nous étudions le mécanisme d'inactivation de l’un des deux chromosomes X des femelles de mammifères. Nous cherchons à élucider comment ce processus épigénétique qui concerne un chromosome entier est mis en place au cours du développement précoce humain. Nos travaux précédents décrivent le mode d’action des gènes à ARN non-codants, dont XIST et ses régulateurs, dans la modulation de l'activité du chromosome X. Nous explorons maintenant comment l'inactivation du chromosome X peut avoir un impact sur la fertilité et comment elle peut contribuer aux dimorphismes sexuels et aux différences dans l'incidence et les manifestations de certaines maladies entre mâles et femelles. Nous travaillons également avec des modèles cellulaires de primates non-humains pour comprendre l'évolution de l'inactivation du chromosome X à une échelle évolutive courte.
Le chromosome X est l'un des plus grands chromosomes du génome humain. Il porte jusqu'à 1100 gènes qui remplissent des fonctions essentielles, notamment dans les systèmes immunitaire et nerveux. Chez les individus XX, l'un des chromosomes X est soumis à un processus épigénétique unique conduisant à l'extinction globale de la majorité de ses gènes. Cette inactivation du chromosome X (ICX) permet la compensation de l'expression des gènes de ce chromosome par rapport aux individus XY et a des conséquences fondamentales sur la santé humaine. En effet, l’ICX a lieu au moment de l'implantation et peut donc avoir un impact sur le développement des embryons femelles et donc sur la fertilité. En outre, il semblerait que la répression transcriptionnelle des gènes du X inactif puisse être modulable en fonction des contextes cellulaires. En effet, certains gènes échappent à l'ICX spécifiquement dans différents tissus ce qui entraîne potentiellement un surdosage de l’expression de ces gènes rapport aux cellules mâles. Cela pourrait contribuer à certains dimorphismes sexuels et expliquer les différences de susceptibilité à diverses pathologies, y compris les cancers.
Les principaux projets que nous développons dans le laboratoire visent à relier ICX et physiologie en posant plusieurs questions :
- A quel moment au cours du développement et dans quels types cellulaires la compensation de la dose de l'expression du chromosome X est-elle nécessaire ?
- Quels sont les gènes liés au chromosome X qui sont sensibles au dosage ?
- Quelles sont les différences d’ICX entre les lignages, en particulier entre les types de cellules embryonnaires et extra-embryonnaires ?
- Dans quelle mesure l’échappement de certains gènes à l’ICX affecte-t-il l'homéostasie cellulaire et tissulaire et contribue-t-il aux dimorphismes sexuels ?

Afin d'explorer comment et quand la compensation de la dose est établie dans diverses espèces de primates et dans quelle mesure elle est nécessaire pour l'embryogenèse précoce, nous travaillons à la fois sur des lignées de cellules souches analogues aux lignages présents au cours du développement humain, sur des modèles 3D (blastoïdes et modèles d'implantation) et en embryologie comparative avec des embryons de macaques ainsi que des chimères inter-espèces. Nous utilisons également des modèles de différenciation des cellules embryonnaires en organoïdes de cerveau humain pour visualiser et mesurer l'activité des gènes du chromosome X pendant le développement neural. Ces modèles sont associés à des approches sur cellules uniques (scRNA-seq, RNA-FISH à haut débit), à des approches biochimiques pour évaluer le remodelage de la chromatine et à des cribles à l’aide des systèmes CRISPR.