Des recherches révolutionnaires en radiothérapie

02/02/2023
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Les équipes de recherche de l’Institut Curie sont pionnières dans l’avènement de modalités révolutionnaires en radiothérapie.

reportage radiothérapie JMC 2023

Si beaucoup de progrès ont été réalisés en radiothérapie en termes de précision d’imagerie, de balistique, de dosimétrie, aujourd’hui, de nouvelles modalités de délivrance des doses, avec de nouveaux effets biologiques sur les tissus ouvrent des perspectives thérapeutiques prometteuses pour cibler des tumeurs jusque-là radio-résistantes et diminuer considérablement les séquelles sur le long terme.

L’ADN de l’Institut est celui d’une osmose entre recherche interdisciplinaire et clinique. C’est de cette émulation qu’émergent des thérapies originales et prometteuses. Les avancées récentes de la recherche à l’Institut Curie dans les domaines de la physique, de la radiobiologie, mais aussi en matière d’analyse d’images couplée à l’intelligence artificielle posent de nouveaux questionnements qui enthousiasment aujourd’hui la communauté internationale

Pr Alain Puisieux, directeur du centre de recherche de l’Institut Curie.

Les mini-faisceaux (ou mini-beam) : véritable changement de paradigme

Une nouvelle technique de délivrance de dose a été découverte par l’équipe « Nouvelles approches en radiothérapie » menée par Yolanda Prezado, physicienne et directrice de recherche CNRS. En effet, son équipe – labellisée SIRIC (Site de Recherche Intégrée sur le Cancer) - est pionnière dans les recherches sur la radiothérapie par mini-faisceaux de protons (pMBRT) : une stratégie qui utilise des faisceaux de protons submillimétriques et s’avère très prometteuse pour le traitement des tumeurs radiorésistantes et de mauvais pronostic, en particulier en pédiatrie.

Notre objectif vise à exploiter le fait qu’en changeant les paramètres physiques de la radiation, c’est-à-dire la manière dont on dépose la dose, on peut changer les effets biologiques et donc améliorer les traitements

Explique Yolanda Prezado.

Cette nouvelle approche de thérapie du cancer est basée sur une forte modulation spatiale de la dose avec des régions alternées de doses élevées et faibles, contrairement aux distributions de dose homogènes utilisées dans la radiothérapie standard. De récents travaux précliniques de son équipe révèlent que cette technique pMBRT active des mécanismes radiobiologiques distincts et diminue les effets secondaires qui limitent l’efficacité de l’irradiation dans le traitement des tumeurs du cerveau.

Cette nouvelle modalité laisse entrevoir des espoirs pour des tumeurs dont le pronostic est sombre, en particulier les gliomes et certains cancers pédiatriques. Les résultats ont montré une réduction importante des séquelles (en matière de capacité d’apprentissage, de mémoire, d’anxiété…), encourageant à la préparation d’essais cliniques. Les travaux ont par ailleurs mis en évidence une bonne activation du système immunitaire qui ouvre la voie avec des combinaisons efficaces avec l’immunothérapie, y compris la thérapie cellulaire.

La radiothérapie FLASH en ébullition

Découverte en 2014 dans les laboratoires de l’Institut Curie à Orsay par l’équipe de Vincent Favaudon, chercheur radiobiologiste à l’Inserm, le « FLASH » est une technique de radiothérapie dans laquelle une irradiation à ultra-haut débit de dose (10 Gray ou plus, correspondant à la dose reçue en une semaine de radiothérapie conventionnelle) est délivrée en une fraction de seconde, soit 1.000 à 10 000 fois plus intense qu'en radiothérapie conventionnelle. Cette technique détruit les cellules tumorales tout en épargnant les tissus sains et si les prochaines étapes de recherches valident de futures applications cliniques, la radiothérapie FLASH ouvrira de nouveaux horizons dans le traitement du cancer.

Des études sont menées sur la radiothérapie FLASH à l’Institut Curie, sur différents types d’accélérateurs de particules (électrons, protons… ). De récents travaux précliniques conduits par l’équipe de Yolanda Prezado en FLASH proton ont révélé dans les tumeurs du système nerveux central chez les jeunes, une réduction de la toxicité par rapport à la protonthérapie conventionnelle.

Par ailleurs, les espoirs sont importants dans le domaine de la radiothérapie FLASH utilisant des électrons de très haute énergie (VHEE). Dans les prochaines années, l’association de l’effet FLASH avec une source d’électrons de très haute énergie pourrait révolutionner la radiothérapie, en ciblant des tumeurs profondes et éviter de lourdes opérations chirurgicales.

Des molécules « leurres » qui augmentent l’efficacité de la radiothérapie

A l’Institut Curie, l’équipe « Réparation, Radiation et Thérapies innovantes anticancer », grâce aux travaux de Marie Dutreix, directrice de recherche émérite au CNRS, a développé une nouvelle classe de médicaments uniques : des molécules « leurres », les Dbait (bait signifiant appât en anglais) qui augmentent l’efficacité de la radiothérapie. En cherchant à comprendre la résistance au rayonnement observée chez près de 20 % des patients, elle a développé avec son équipe ces petites molécules qui ressemblent à de l’ADN endommagé, faisant croire à la cellule que le nombre de dommages auxquels elle doit faire face, suite au traitement par radiothérapie ou chimiothérapie, est beaucoup plus élevé que la réalité. La cellule tumorale "submergée" par la quantité de dommages à réparer s’autodétruit alors. Un essai clinique est en cours avec la biotech Onxeo avec cette thérapie innovante qui représente un espoir de taille pour lutter notamment contre les cancers pédiatriques à haut risque.

D’autres équipes à l’Institut Curie sont investies dans des recherches notamment en imagerie, en informatique, en mathématique… Parce que l’avenir des thérapies contre le cancer s’écrit dans les combinaisons des traitements, de nombreux projets sont en cours à l’Institut Curie associant notamment de radiothérapie-immunothérapie, radiothérapie et nanoparticules, FLASH et DBaits… pour disposer d’un arsenal toujours plus important contre le cancer.