Mélanome de l’uvée et risque de métastases

30/01/2020
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Identifier précocement les patients à risque de métastases permet une surveillance personnalisée adaptée au risque. Mais le véritable enjeu, c’est la mise au point de stratégies thérapeutiques efficaces pour traiter ces tumeurs au stade métastatique.

patient ophtalmo

Entre 500 et 600 mélanomes de l’uvée sont diagnostiqués chaque année en France : c’est le cancer de l’œil le plus fréquent chez l’adulte. Il est en général découvert par hasard, à l’occasion d’un banal examen de type fond de l’œil. Il arrive aussi que les patients consultent à cause d’une baisse d’acuité visuelle, de flashs lumineux ou d’une tâche dans le champ visuel, qui sont les symptômes d’un décollement de rétine provoqué par la tumeur. Lorsque celle-ci est suffisamment petite, le traitement conservateur repose sur la protonthérapie. En France, l’Institut Curie est l’un des deux seuls centres de lutte anticancer à mettre en œuvre cette forme de radiothérapie ultra-précise. Elle permet un contrôle local de la tumeur primaire dans près de 100 % des cas, mais 30 à 50 % des malades développent des métastases, le plus souvent au niveau du foie, parfois plus de 10 ans après le traitement initial. Ces métastases sont associées à un pronostic vital défavorable car les traitements actuels sont peu efficaces pour les contrôler.

L’enjeu est donc la détection précoce des patients à risque de métastases, afin de pouvoir leur proposer au plus tôt différentes modalités thérapeutiques.

Le risque de rechute métastatique augmente avec la taille de la tumeur. Il devient significatif à partir de 15 mm. 

explique le Dr Manuel Rodrigues, oncologue médical à l’Institut Curie.

Un échantillon tumoral peut également être prélevé sur les tumeurs de moins de 15 mm lors d’une biopsie et analysé pour détecter des anomalies génomiques :

Les cellules de mélanomes uvéaux peuvent présenter une perte du chromosome 3 ou un gain du chromosome 8. On sait que si aucune de ces altérations n’est présente, le risque de métastases est très faible 

précise t-il.

Une fois les patients à risque de rechute identifiés - ceux avec une tumeur de plus de 15 mm et/ou présentant l’une de ces altérations génomiques - leur foie est surveillé par IRM tous les six mois. Dès 2020, un parcours dédié sera proposé à ces patients à l’Institut Curie, dans le cadre du protocole SALOME.                                                                 

Si des métastases sont détectées, plusieurs options thérapeutiques : chirurgie, radiologie interventionnelle, chimiothérapie et plus récemment immunothérapie… "La chirurgie lorsqu’elle peut être proposée, souligne le Dr Pascale Mariani, permet d’améliorer significativement la survie des patients. Elle peut être associée à une destruction par radiofréquence faite en collaboration avec le Dr Servois".

« Le taux de réponse à ces traitements, c’est-à-dire le pourcentage de chance qu’ils soient efficaces, est faible. En réalité, certains patients vont être très sensibles à l’une ou l’autre de ces thérapies, mais nous ne sommes pas capables de savoir lesquels. Pouvoir le prédire prédire et proposer une véritable médecine « personnalisée », permettrait d’augmenter ce taux de réponse. C’est l’une des pistes actuelles majeures. » C’est pourquoi les essais cliniques sont si importants : l’Institut Curie participe ainsi à deux essais internationaux. « Il s’agit d’une phase I-II évaluant une thérapie ciblée de type inhibiteur de protéine kinase C d’une part, et d’une phase II, qui teste une immunothérapie dédiée, décrit le Dr Sophie Piperno-Neumann, oncologue médicale investigateur principal de ces essais à l’Institut Curie. Cela concerne plusieurs dizaines de nos patients. » Par ailleurs, le Dr Piperno-Neumann coordonne un troisième essai qui débutera en 2020 et qui évaluera non pas un médicament mais la méthode de prise en charge des patients. L’objectif de  « Early together » est d’évaluer s’il est possible d’améliorer le vécu des malades et leur qualité de vie en leur proposant une prise en charge conjointe en soins de support dès le début du traitement des métastases, et ce même en l’absence de symptômes spécifiques.

Enfin, la recherche fondamentale n’est pas en reste, avec le programme de recherche européen UM Cure 2020 lancé en 2016. Coordonné par l’Institut Curie, c’est l’unique programme de recherche d’envergure sur le mélanome de l’uvée métastatique actuellement. Il rassemble quatorze partenaires européens.

Nous avons créé une biobanque virtuelle de métastases hépatiques 

explique Sergio Roman-Roman, chef du département de recherche translationnelle et directeur SIRIC à l’Institut Curie, coordinateur de ce projet.

Les échantillons sont stockés dans différents pays mais toutes les données cliniques et biologiques sont partagées.

Nous avons créé de nouveaux modèles cellulaires et animaux. Le but est de mieux comprendre la maladie métastatique afin d'identifier et tester de nouvelles approches thérapeutiques. Ce programme réunit tous les spécialistes européens de ce cancer très rare, et nous a permis de nouer des liens avec des experts américains. C’est très encourageant, même si le plus gros reste à faire : convaincre des laboratoires pharmaceutiques de lancer des essais cliniques avec les combinaisons thérapeutiques que nous avons identifiées comme prometteuses. 

précise Sergio Roman-Roman

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