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Cancers de primitif inconnu : une étude montre l’efficacité clinique d’une coordination pluridisciplinaire nationale dédiée

12/11/2025

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Efficacité clinique d’une coordination pluridisciplinaire nationale pour les cancers de primitif inconnu

Soigner quand les métastases sont présentes, mais sans connaître la tumeur d’origine : tel est le défi face aux cancers de primitif inconnu (CUP). Une étude démontre que la concertation d’expertises clinique, pathologique et moléculaire peut améliorer la survie des patients. Ces résultats, qui sont parus dans The Lancet Regional Health Europe le 7 novembre 2025, ont été obtenus par la coordination nationale dédiée aux cancers de primitif inconnu, pilotée par le Dr Sarah Watson à l’Institut Curie.

Un cancer de primitif inconnu (CUP, appelé aussi cancer d’origine inconnue) est défini par la présence de métastases chez un patient, sans pouvoir identifier la tumeur primitive après les examens habituels (cliniques, imagerie…). Chaque année, près de 7 000 nouveaux cas sont diagnostiqués en France.  

Face à ces formes de cancer souvent diagnostiquées à un stade avancé, la prise en charge thérapeutique est complexe, faute d’origine établie. Les traitements de première intention reposent sur des chimiothérapies empiriques à large spectre d’action, mais leur efficacité est très limitée, avec une survie globale inférieure à un an pour la plupart des patients.

Depuis quelques années, l’utilisation de nouvelles technologies de biologie moléculaire permet d’améliorer l’identification de l’origine des métastases des CUP et donc de proposer des traitements personnalisés. Cependant, l’accès à ces technologies est très hétérogène sur le territoire national et leur utilisation en routine clinique nécessite une expertise spécifique. 

Vers une prise en charge personnalisée

Dans ce contexte, la réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) dédiée au cancer de primitif inconnu et coordonnée à l’échelle nationale par l’Institut Curie, a été créée en 2020 avec pour objectif de guider la prise en charge diagnostique et thérapeutique des patients et de favoriser l’accès aux technologies diagnostiques de pointe sur l’ensemble du territoire français. La RCP coordonne la réalisation des examens cliniques, anatomopathologiques et moléculaires nécessaires à la caractérisation optimale de la maladie pour chaque patient, et fournit une recommandation de traitement basé sur ces examens.

« En identifiant ainsi l’origine de la maladie ou une anomalie moléculaire spécifique, on peut sortir de l’impasse thérapeutique et proposer un traitement personnalisé,» affirme le Dr Sarah Watson, oncologue médicale et chercheuse à l’Institut Curie, coordinatrice nationale de la RCP dédiée aux CUP.

Entre 2020 et 2023, 246 patients ont pu bénéficier de l’expertise combinée de la RCP et leurs données ont été examinées dans le cadre de cette étude de « vie réelle », sans sélection des malades.

Pour 76 % d’entre eux, les analyses anatomopathologiques et moléculaires ont pu être réalisées. Ce résultat est déjà particulièrement important en lui-même, compte tenu difficulté de réaliser des analyses diagnostiques complexes chez des patients très fragiles. Ces analyses ont permis d’identifier l’origine probable du cancer – plus fréquemment digestive ou pulmonaire – dans 70 % des cas et d’orienter le traitement. La survie globale médiane des patients ayant reçu cette prise en charge personnalisée a progressé : 18,6 mois contre moins d’un an pour les malades sous chimiothérapie empirique.

« Pour les patients traités selon les recommandations de la RCP, cela correspond à une réduction de près de 40 % du risque de décès, » souligne le Dr Sarah Watson.

La preuve de la faisabilité et des bénéfices d’une coordination pluridisciplinaire

L’intégration de données cliniques, pathologiques et moléculaires au sein d’une coordination experte est donc réalisable à grande échelle dans un contexte réel. Et cette approche intégrée peut transformer le pronostic. Elle améliore effectivement la survie de nombreux patients atteints de cancer de primitif inconnu. Ce résultat confirme les avantages d’une RCP nationale et des centres de référence dédiés pour la prise en charge de ces malades. « Cette étude gagne à être complétée. Elle confirme l’impact d’une expertise concertée sur l’amélioration de durée de vie des patients, mais elle reste rétrospective, et a porté sur un nombre limité de patients », résume Sarah Watson.

Aujourd’hui, l’équipe coordinatrice de la RCP de l’Institut Curie souhaite décliner le dispositif au niveau régional, pour pouvoir toucher les milliers de patients atteints d’un cancer de primitif inconnu sur l’ensemble du territoire français, les rapprocher des médecins spécialisés et faciliter l’accès aux examens. L’ambition ? Mettre en place un réseau de centres experts sur l’ensemble du territoire, pour que chaque patient, où qu’il soit, puisse bénéficier d’une approche pluridisciplinaire intégrée proche de lui.

Une concertation pluridisciplinaire nationale

La réunion de concertation pluridisciplinaire dédiée aux cancers de primitif inconnu (RCP-CUP) a été lancée en 2020, en parallèle du plan France médecine génomique 2025 . Ce programme vise à démocratiser l’accès au séquençage moléculaire de maladies. En cancérologie, il concerne les cancers métastatiques, les cancers rares, et les cancers de primitif inconnu.

Dans ce cadre, des concertations d’experts ont été mises en place, dont la RCP-CUP. Elle a pour missions de vérifier l’éligibilité des patients à la préindication dédiée au cancer de primitif inconnu, de coordonner le parcours diagnostique de ces malades et de leur proposer une prise en charge personnalisée sur la base des analyses.

La RCP rassemble oncologues, anatomopathologistes et biologistes moléculaires de plusieurs CHU et centres de lutte contre le cancer. Le pilotage opérationnel est assuré par l’équipe de coordination scientifique du D3I l’Institut Curie, chargée de l’inscription des dossiers, du suivi des prélèvements auprès des plateformes de séquençage ou encore de la rédaction des comptes-rendus.

La coordination se rassemble chaque semaine, sur la base d’un process en deux temps, le premier pour l’aspect diagnostique, le second pour l’aspect thérapeutique :

  • RCP1 : présentation du dossier du patient par le médecin qui le suit, vérification de la nature du cancer lorsqu’il y a suspicion d’origine inconnue, recommandation et prescription des examens complémentaires, notamment anatomopathologiques et moléculaires.
  • RCP2 : discussion des résultats d’analyse, pour identifier la tumeur d’origine et pour proposer si possible un traitement personnalisé.
Les cancers de primitif inconnu

Référence

Management and survival of patients with cancer of unknown primary discussed by a French national multidisciplinary tumour board: a retrospective analysis
The Lancet Regional Health - Europe Volume 60, January 2026, 101524.
Célia Dupain, Nicolas Jacquin, Aurélien Latouche, Zoé Nevière, Pierre Gestraud, Abderaouf Hamza, Kenza Nedara, Vincent Cockenpot, Janick Selves, Yves Allory, Laëtitia Chanas, Maud Milder, Isabelle Soubeyran, Hélène Blons, Anna Patrikidou, Axel de Bernardi, Julien Masliah-Planchon, Odette Mariani, Etienne Rouleau, Fabienne Escande… Sarah Watson
 

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