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Un nouveau talon d’Achille des cellules souches cancéreuses

17/05/2017
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Sans chimiste, pas de nouveau traitement. Un adage qu’illustre parfaitement Raphaël Rodriguez et ses recherches à l’interface entre biologie et chimie. Pour preuve, il vient de mettre au jour une stratégie pour s’attaquer aux cellules à l’origine des récidives de certains cancers.

Raphaël Rodriguez

Pourquoi une tumeur récidive ? Une question cruciale pour lutter contre le cancer. En tête de liste des responsables figurent les cellules souches cancéreuses. Dans tous les tissus se trouvent des cellules souches chargées d’assurer le renouvellement du tissu. Très sollicitées dans certains tissus, comme l’intestin, moins dans d’autres, elles assurent le remplacement des quelque centaines de milliards de cellules qui meurent chaque jour dans notre organisme. Alors quand une de ces cellules est tumorale, les risques semblent décupler. De plus en plus de preuves s’accumulent d’ailleurs en ce sens car ces cellules semblent :

  • Pouvoir assurer le renouvellement de la tumeur et donc être un point de départ de la récidive
  • Etre résistante aux traitements classiques.

Trouver un traitement qui s’attaque à ces cellules est alors devenu l’un des enjeux de la cancérologie. Et dans cette course, le chimiste Raphaël Rodriguez vient de marquer un point décisif : il a mis au point une nouvelle molécule qui cible les cellules souches cancéreuses de cancer du sein.

Au cours des dernières années, plusieurs petites molécules capables d’altérer la prolifération des cellules souches cancéreuses ont été identifiées, explique Raphaël Rodriguez, chargé de recherche CNRS à l’Institut Curie. Un produit naturel, la salinomycine, faisait même figure d’élément très prometteur dans ce domaine et cela grâce aux travaux de l’équipe de Patrice Codogno et Gérard Friedlander (Institut Necker-Enfants Malades, Paris) et notamment ceux de Maryam Mehrpour et Ahmed Hamaï. Avec mon équipe, nous venons de franchir une étape importante pour le développement de cette famille de molécule en mettant en évidence leur mécanisme d'action.

 

Une nouvelle cible : l’homéostasie du fer 

Fruit d’une étude pluridisciplinaire, incluant chimie, biologie cellulaire, biologie du cancer et travaux in vivo, la découverte de l’équipe Synthèse organique et biologie cellulaire (CNRS/Inserm/Institut Curie) de Raphaël Rodriguez décrit comment la salinomycine et son équivalent de synthèse qu’ils ont eux-mêmes développé, l’ironomycine ciblent le fer dans les cellules. « Ces deux produits capturent le fer l’empêchant de remplir ses missions, enchaîne le chercheur. Il s’en suit une perturbation de l’homéostasie du fer, notamment la production de dérivés réactifs de l'oxygène et l’activation d’une voie de mort cellulaire particulière. » En levant le voile sur ce mécanisme d’action, c’est une stratégie thérapeutique qu’il serait possible d’exploiter pour bloquer les cellules souches cancéreuses. En fait les travaux de Raphaël Rodriguez ouvrent la voie à des approches stratégiques totalement inédites pour éradiquer les cellules souches cancéreuses.

Des pistes que le chercheur envisage désormais d’explorer, tout en continuant à poursuivre ses recherches. « Cette orientation vers la recherche translationnelle n’est possible que dans des institutions comme l’Institut Curie qui allie un Centre de Recherche et un ensemble hospitalier », conclut le chercheur.

 

Salinomycin kills cancer stem cells by sequestering iron in lysosomes

Trang Thi Mai, Ahmed Hamaï, Antje Hienzsch, Tatiana Cañeque, Sebastian Müller, Julien Wicinski, Olivier Cabaud, Christine Leroy, Amandine David, Verónica Acevedo, Akihide Ryo, Christophe Ginestier, Daniel Birnbaum, Emmanuelle Charafe-Jauffret, Patrice Codogno, Maryam Mehrpour, Raphaël Rodriguez       

Nature Chemistry, (2017) doi:10.1038/nchem.2778