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Immunothérapie : deux populations de précurseurs découvertes dans le cancer du poumon non à petites cellules

01/02/2021
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Des équipes de l’Institut Curie, en collaboration avec l’Institut du Thorax-Montsouris et l'ENS, ont identifié deux populations distinctes de précurseurs de cellules qui produisent des lymphocytes T, chargés d’infiltrer les tumeurs et de les détruire.

Portraits Sebastian Amigorena - Josh Waterfall

Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives dans le domaine de l’immunothérapie. Ces travaux sont publiés dans la revue Science Immunology.

Le système immunitaire ne nous protège pas que des infections mais également de l’apparition des tumeurs. Un principe sur lequel se base l’immunothérapie pour traiter les cancers. Principale cause de décès par cancer dans le monde, le cancer du poumon est constitué à 85% de cancers du poumon non à petite cellules. Ils sont associés à un pronostic de survie favorable en raison d’une infiltration tumorale par les lymphocytes T.

Certains d’entre eux, les CD8+ peuvent être reprogrammés pour cibler certains inhibiteurs de points de contrôle et éviter que les tumeurs n’empêchent les lymphocytes de s’activer. Mais ce mécanisme reste mal connu. A l’Institut Curie, les équipes « Réponses immunitaires et cancer » (Inserm, PSL Université, Université de Paris) de Sebastian Amigorena et « Génomique fonctionnelle intégrative du cancer » (Institut Curie, Inserm, PSL Université) dirigée par Josh Waterfall, ont réussi à identifier deux populations distinctes de précurseurs.

Grâce à la coopération de l’équipe du Pr Nicolas Girard, oncologue pneumologue à la tête de l'Institut du Thorax Curie - Montsouris, l’équipe a pu travailler sur des échantillons cliniques.

Ces tumeurs sortent directement du bloc opératoire. On travaille dessus dans les quelques heures qui suivent.

Explique Sebastian Amigorena.

Des interactions structurées par le Centre d’immunothérapie des cancers de l’Institut Curie. Pour les analyser, l’équipe s’est servie des technologies de la transcriptomique et du single cell.

On prend des grappes de cellules qu’on sépare une à une et on identifie tous les ARN qu’elle exprime. Nous avons combiné cela avec une technologie très récente qui s’appelle l’identification du récepteur clonal de lymphocyte. Il exprime un récepteur pour des antigènes uniques.

Les résultats obtenus chez 11 patients ont été « poolés », avec d’un côté la programmation et de l’autre la nature de l’antigène.

Un tronc commun mais deux types de populations

Résultat : deux populations de précurseurs de cellules ont été différenciées, qui produisent des populations de lymphocytes T. L’une de ces populations provient du sang circulant de l’autre des tissus adjacents.

Explique Josh Waterfall.

Au départ, ces deux populations sont très similaires et suivent un tronc commun. Une fois qu'elles entrent dans la tumeur, ces populations de précurseurs convergent à travers un état de transition unique vers des cellules différenciées en phase terminale, dont on dit qu’elle est dysfonctionnelle ou exhausted (« épuisée » en anglais). La population devient alors inactive et perd ses capacités à rejeter la tumeur. »

Les données suggèrent fortement que les étapes finales de ce processus de différenciation sont associées à une stimulation directe des lymphocytes T en reconnaissant leur antigène dans la tumeur grâce à leurs récepteurs spécifiques

Précise Josh Waterfall.

En identifiant directement leur cible, les lymphocytes T finissent donc de se différencier et entraînent, au début, une réaction immunitaire pour neutraliser la cellule cancéreuse. Sur le long terme toutefois, cette stimulation chronique les rend incapables de combattre efficacement la tumeur et c’est ce qui rend les lymphocytes T inactifs.

Ces résultats fournissent un modèle de travail pour mieux comprendre l'origine des lymphocytes infiltrant les tumeurs, la filiation et l'organisation fonctionnelle dans le cancer du poumon non à petites cellules primaire. Pour le moment, difficile de transformer ces travaux directement en projets thérapeutiques. Mais à terme, ils pourraient potentiellement être utilisés pour définir de meilleurs biomarqueurs afin de prédire quels patients répondront bien ou pas aux immunothérapies. Ils pourraient également être utilisés pour identifier d'autres cibles à inhiber seules ou en combinaison.

Ces travaux ont été financés par la Fondation Janssen Horizon, la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer, la Fondation chercher et trouver, l’ERC, l’ANR et le programme SIRIC de l’Institut Curie.

Références : Contribution of resident and circulating precursors to tumor-infiltrating CD8+ T cell populations in non-small cell lung cancer patients. Paul Gueguen, Christina Metoikidou, Thomas Dupic, Myriam Lawand, Christel Goudot, Sylvain Baulande, Sonia Lameiras, Olivier Lantz, Nicolas Girard, Agathe Seguin-Givelet, Marine Lefevre, Thierry Mora, Aleksandra M. Walczak, Joshua J Waterfall, Sebastian Amigorena. Science Immunology. 29 janvier 2021. Lire la publication.