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Instabilité génomique et lésions précancéreuses : le rôle des R-loops peu à peu décrypté

04/09/2020
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Dans le processus de construction cellulaire, les machineries de transcription et de réplication de l’ADN peuvent parfois entrer en collision. Ces collisions entraînent des anomalies de réplication dans la cellule.

Chen - R-loops

Mal dupliquées, les cellules présentent alors des défauts pouvant conduire, par la suite, à l’apparition de cancers. Au cœur de ce processus : les R-loops, des structures d’hybrides ARN-ADN, dont le rôle peut être positif comme négatif. Dans un article paru dans Nature Communications le 7 août 2020, des chercheurs de l’Institut Curie et de l’Institut de Génétique Humaine apportent certains éclairages.

Les R-loops ont déjà beaucoup été étudiées. On les retrouve au début ainsi qu’à la fin du gène

Explique Chunlong Chen, chef de l’Equipe programme de réplication et instabilité génomique de l’Institut Curie.

Plusieurs fonctions ont été identifiées, comme la régulation de la transcription du gène, l’aide à la terminaison de la transcription et même la division cellulaire.

Mais les R-loops entraînent aussi des réactions négatives et toxiques, liées à l’instabilité génomique. Pourtant, nous ne savons pas encore pourquoi certaines R-loops sont toxiques et d’autres non. C’est là tout l’objet de notre approche.

Le rôle de la Topoisomérase I identifié

Pour cela, l’équipe de recherche a concentré ses travaux sur des cellules appauvries en Topoisomérase 1 (Top1), une enzyme qui détend le surenroulement de l'ADN et empêche la formation des R-loops, les structures nucléiques à trois brins. En effet, l'ADN prend normalement la forme de deux brins entortillés en double hélice, mais pendant la réplication, cette double hélice s’ouvre, formant une fourche, sur laquelle de nouvelles séquences de nucléotides viennent se fixer. Lorsque les processus de transcription et de réplication entrent en collision, ils provoquent un arrêt de fourche et donc l’arrêt de la réplication du gène.

Les résultats montrent que les conflits frontaux entre réplication et transcription peuvent être évités lorsque l’arrêt des fourches de réplication contient des R-loops à la fin des gènes hautement exprimés (les terminateurs ou TTS). Ainsi, l’intégrité du génome est maintenue,

Poursuit Chulong Chen. La Topoisomérase 1 prévient donc le stress réplicatif dans les gènes hautement exprimés.

Une recherche approfondie dans le cancer du sein

Dans le cadre du cancer du sein, ces travaux font également l’objet d’une collaboration avec l’Institut national de lutte contre le cancer (INCa). « Récemment, une étude sur les cancers du sein a montré qu’il existait une accumulation de R-loops sur les gènes induisant ce type de cancer, » précise le chercheur.

Notre prochain objectif est de déterminer, à l’aide de modèles cellulaires, si des inhibiteurs de Topoisomérase 1 apportent, ou non, une différence dans l’accumulation de R-loops, mais également dans la résolution de la collision entre transcription et réplication.

Ces travaux, très fondamentaux, pourraient ouvrir la voie, à plus long terme, vers de nouvelles pistes thérapeutiques et de prévention du cancer du sein.

R-loops - Chen

Exemple d’image montrant les boucles R-loop détectées par immunofluorescence avec les anticorps S9,6 dans les celleules HeL (Ctrl) et dans les cellules délétées pour la Toposiomérase I (shTop 1). A droite : Quantification de R-loops. Image fournie par P. Pasero lab (IGH)

 

Ces travaux ont été publiés dans Nature communication le vendredi 7 août 2020. En savoir plus.