Mélanome uvéal : de nouveaux éclairages sur des cibles thérapeutiques

Cancer de l’œil touchant près de 600 adultes par an, le mélanome uvéal se développe au niveau des parois de l’œil. En effet, les yeux contiennent comme notre peau des mélanocytes, cellules chargées de produire la mélanine, un pigment qui protège des rayons du soleil. Le mélanome uvéal conduit à des métastases hépatiques dans 20 à 30% des cas. Le pronostic est alors défavorable, avec 52% de taux de survie à un an. Les traitements actuellement disponibles, tels la chimiothérapie ou l’immunothérapie n’ont pour le moment pas montré d’efficacité suffisante. Récemment, le tebentafusp, une molécule capable de rediriger les lymphocytes T CD3+ du patient contre un antigène des cellules tumorales, a donné des résultats prometteurs dans des essais cliniques de phase III.
Dans ce contexte, des recherches sur de nouvelles cibles thérapeutiques efficaces contre le mélanome uvéal sont nécessaires. La lutte contre le mélanome uvéal fait d’ailleurs partie du programme SIRIC à l’Institut Curie.
Des chercheurs de l’Institut Curie et de l’Inserm montrent dans une nouvelle étude qu’il existe des cibles thérapeutiques partagées entre les patients et spécifiques de la tumeur. Ces cibles sont des peptides cellulaires anormaux développés par la tumeur et qui sont reconnus par les lymphocytes T, cellules qui peuvent alors détruire les cellules tumorales. Ces résultats ont été publiés dans Cancer Discovery le 2 avril 2021.
Une nouvelle cible thérapeutique, les néo-épitopes dus aux mutations du facteur d’épissage SF3B1
20 à 25 % des mélanomes uvéaux sont porteurs d’une anomalie génétique : une mutation d’un facteur d’épissage, SF3B1. Cette mutation conduit à des anomalies de l'épissage et, par conséquent, la formation de nouvelles séquences d’ARN messagers qui entraînent eux-mêmes l’apparition de nouveaux peptides (composants des protéines).
Le but de notre étude était de déterminer si les patients qui possèdent une mutation de SF3B1 développent une réponse immunitaire dirigée contre ces peptides
explique Olivier Lantz, responsable du laboratoire d'immunologie clinique de l'hôpital de l'Institut Curie et co-dernier auteur de l’étude.
C’est en effet le cas, car les néo-épitopes sont exprimés uniquement par les cellules de la tumeur et conduisent à la destruction de ces cellules par les lymphocytes T CD8, aussi appelés lymphocytes tueurs.
Cette découverte signifie qu’il sera possible, à terme, de rediriger le système immunitaire contre ces néo-épitopes spécifiques
souligne Marc-Henri Stern, responsable de l’équipe DRUM (Réparation de l’ADN et mélanome uvéal) à l’Institut Curie.
Les chercheurs espèrent pouvoir développer prochainement un vaccin qui permettrait l’injection d’un traitement pour cibler ces néo-épitopes, qui sont à la fois partagés entre les patients, et spécifiques de la tumeur.
Référence : Jeremy Bigot, Ana I. Lalanne, Francesca Lucibello, Paul Gueguen, Alexandre Houy, Stephane Dayot, Olivier Ganier, Jules Gilet, Jimena Tosello, Fariba Nemati, Gaelle Pierron, Joshua J. Waterfall, Raymond Barnhill, Sophie Gardrat, Sophie Piperno-Neumann, Tatiana Popova, Vanessa Masson, Damarys Loew, Pascale Mariani, Nathalie Cassoux, Sebastian Amigorena, Manuel Rodrigues, Samar Alsafadi, Marc-Henri Stern, Olivier Lantz DOI: 10.1158/2159-8290.CD-20-0555, Cancer Discovery, 2 avril 2021 |