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Une nouvelle molécule pour traiter des leucémies résistantes aux traitements conventionnels

06/12/2021

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Une nouvelle molécule, l’ironomycine, développée par Raphaël Rodriguez à l’Institut Curie, permet d’induire la mort des cellules cancéreuses dans les leucémies myéloïdes aigües grâce à un mécanisme de mort cellulaire inédit.

Ces travaux menés en collaboration avec une équipe australienne du Peter MacCallum Cancer Centre de l’Université de Melbourne sont publiés dans un article de Cancer Discovery en ligne le 6 décembre 2021.

L’apoptose est une modalité bien connue de mort cellulaire. Cependant la cellule cancéreuse développe des résistances à l’apoptose. Le ciblage de nouvelles voies de mort cellulaire est une stratégie prometteuse pour traiter les cancers résistants aux traitements conventionnels.

Nous avons synthétisé une petite molécule nommée ironomycine qui induit une accumulation de fer[1] dans les lysosomes provoquant une mort cellulaire alternative dans certaines formes agressives de cancers solides.

Explique Raphaël Rodriguez, directeur de recherche CNRS, chef du laboratoire Chimie et biologie du cancer à l’Institut Curie.

Lors d’une collaboration avec Sylvain Garciaz[2] et l’équipe de Mark Dawson au Peter MacCallum Cancer Centre à Melbourne, l’ironomycine a été testée dans des formes de cancers du sang particulièrement agressifs, les leucémies aigües myéloïdes. Les résultats d’analyses génomiques utilisant la technologie CRISPR Cas-9 ont mis en avant que l’ironomycine induit un arrêt brutal de la respiration cellulaire en diminuant la quantité de fer dans la mitochondrie.

La mitochondrie est une organelle qui permet la génération d’énergie essentielle pour la survie de la cellule cancéreuse. C’est aussi le centre de contrôle de nombreuses voies de mort cellulaire. Or, les atomes de fer sont au cœur de ces deux processus. En bloquant le fer dans le lysosome, la molécule empêche l’utilisation du fer mitochondrial pour la respiration et induit un signal de mort qui implique deux protéines nommées BAX et BAK.

Dans le cas de l’ironomycine, la mort cellulaire est indépendante des régulateurs de l’apoptose classique. Cette nouvelle molécule induit un type nouveau de mort cellulaire dépendante du fer. C’est une découverte majeure pour envisager de nouvelles stratégies thérapeutiques.

Se réjouit Raphaël Rodriguez.

De nouvelles thérapeutiques ciblant la protéine BCL-2, impliquée dans l’apoptose classique, ont modifié le paradigme de traitement des leucémies aigües des patients non éligibles pour la chimiothérapie. Le venetoclax (Abbvie) est le chef de file de cette nouvelle classe de médicaments. Or l’ironomycine est particulièrement efficace en association avec le venetoclax dans un modèle murin de leucémie aigüe et dans le traitement de leucémies résistantes au venetoclax.

Ces travaux sont particulièrement prometteurs et pourraient permettre de traiter ces pathologies cancéreuses au pronostic encore sombre.

Les travaux de Raphaël Rodriguez et de son équipe sont très novateurs et ouvrent des voies thérapeutiques inédites

Se réjouit Alain Puisieux, directeur du Centre de recherche de l’Institut Curie.

La création prochaine du premier Centre de Chimie-biologie des cancers[3] en France, qu’il codirigera à l’Institut Curie permettra de poursuivre ces recherches interdisciplinaires d’avenir.     

 

[1] Le fer est une cible essentielle pour les chercheurs. Une fois à l’intérieur des cellules cancéreuses, le fer remplit deux rôles : il approvisionne les mitochondries pour qu’elles produisent des métabolites nécessaires au passage de la cellule à un état métastatique et agit en catalyseur pour « déverrouiller » au niveau épigénétique certains gènes également nécessaires au processus métastatique.

[2] Sylvain Garciaz est aujourd’hui chercheur à l’Institut Paoli-Calmettes à Marseille.

[3] Comprendre les mécanismes sous-jacents à la dynamique d’évolution tumorale, identifier de nouveaux points de vulnérabilité des cellules cancéreuses, découvrir des petites molécules biologiquement actives pour le développement de candidats-médicaments tout particulièrement : telles sont les 3 missions de ce projet d’avenir qui est porté à l’Institut Curie par deux chercheurs, Fatima Mechta-Grigoriou, directrice de recherche Inserm à l’Institut Curie et Raphaël Rodriguez , directeur de recherche CNRS à l’Institut Curie.

 

Références

Cancer Discovery DOI: 10.1158/2159-8290.CD-21-0522

"Pharmacological reduction of mitochondrial iron triggers a non-canonical BAX/BAK dependent cell death"

Sylvain Garciaz1,2*, Andrew A. Guirguis1, Sebastian Müller3, Fiona C. Brown4, Yih-Chih 3 Chan1, Ali Motazedian1, Caitlin L. Rowe5, James A. Kuzich1, Kah Lok Chan1, Kevin Tran1, 4 Lorey Smith1, Laura MacPherson1, Brian Liddicoat1, Enid Y. N. Lam1, Tatiana Cañeque3, 5 Marian L. Burr1, Véronique Litalien4, Giovanna Pomilio4, Mathilde Poplineau2, Estelle 6 Duprez2, Sarah-Jane Dawson1,6, Georg Ramm7, Andrew G. Cox1,8, Kristin K. Brown1,8, 7 David C.S. Huang9, Andrew H. Wei4, Kate McArthur5, Raphaël Rodriguez3*, Mark A. 8 Dawson1,7* 9

 

1Peter MacCallum Cancer Centre & Sir Peter MacCallum Department of Oncology, University of Melbourne, Australia

2Aix-Marseille University, INSERM U1068, CNRS, Institut Paoli-Calmettes, 13009 Marseille, France

3Institut Curie, PSL Research University, CNRS UMR3666, INSERM U1143, Chemical  Biology of Cancer, Paris, France 

4Australian Centre for Blood Diseases, Monash University, Melbourne, Australia

5Department of Biochemistry and Molecular Biology, Biomedicine Discovery Institute, Monash University, Melbourne, Australia 

6Centre for Cancer Research, University of Melbourne, Australia

7Monash Ramaciotti Centre for Cryo Electron Microscopy, Monash University, Melbourne, Victoria 3800, Australia

8Department of Biochemistry and Pharmacology, The University of Melbourne, Melbourne, Australia

9The Walter and Eliza Hall Institute of Medical Research, Parkville

 

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