Actualité - Radiothérapie

Dbait : les efforts se poursuivent

04/05/2018
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Faire intervenir de petites molécules pour augmenter les effets de la radiothérapie, voilà un grand pas dans la lutte contre les cancers. Marie Dutreix et son équipe travaillent à rendre accessible cette association au plus grand nombre de patients.

Recherche - Marie Dutreix

La clé d’un traitement efficace contre le cancer est de cibler les cellules tumorales en préservant les tissus sains. Les radiothérapeutes doivent ainsi délivrer une quantité suffisante de rayonnements pour endommager la tumeur sans endommager les tissus sains. Mais les tumeurs sont parfois radiorésistantes et un petit coup de pouce peut s’avérer nécessaire.

« En cherchant à comprendre la résistance au rayonnement observée chez près de 20 % des patients, nous avons mis au point des petites molécules qui ressemblent grosso modo à de l’ADN endommagé, explique Marie Dutreix, directrice de recherche CNRS, chef de l’équipe Recombinaison, réparation et cancer : de la molécule au patient (Inserm/CNRS/Institut Curie). Les Dbait étaient nées. Concrètement, elles agissent au sein des cellules comme des "leurres". Elles font croire à la cellule que le nombre de dommages auxquels elle doit faire face, suite au traitement par radiothérapie, est beaucoup plus élevé que la réalité. La cellule tumorale "débordée" par la quantité de dommages à réparer s’autodétruit. »

Lors d’un essai clinique de phase 1, mené entre 2014 et 2016 il avait été démontré que l’association de la radiothérapie avec la forme clinique des Dbait - les AsiDNA - en application locale, était efficace et non toxique. En termes d’efficacité, le taux de réponse complète (disparition des nodules tumoraux) était 4 fois supérieur (37%) avec les molécules Dbait à ce qui avait été rapporté par le passé dans la littérature (9%) avec la radiothérapie seule.

 

Dbait et cancer du sang

Mais l’objectif est d’étendre les indications, que cette innovation bénéficie au plus grand nombre de patients. Il faut pour cela évaluer la toxicité et l’efficacité de l’association des Dbait à la radiothérapie dans le cas de cancers rares, face auxquels les médecins sont parfois démunis. Parmi eux, leucémies, lymphomes, myélomes, les plus fréquents des cancers hématologiques ou « cancers du sang ». Chaque année, en France, ils touchent plus de 33 000 personnes, plus particulièrement aux deux extrêmes de la vie : enfants, jeunes adultes et personnes âgées. Dans un article publié en décembre 2017 dans la revue Molecular Cancer Therapeutics, Marie Dutreix et son équipe relatent leur étude sur l’utilisation des AsiDNA en association avec la radiothérapie sur les cellules hématopoïétiques.

10 lignées de cellules tumorales hématologiques et des cellules saines de donneurs ont été soumises à des AsiDNA et rayonnements ionisants. L’association a entrainé la mort des lignées cellulaires cancéreuses mais n’a pas eu d’impact flagrant sur cellules sanguines ou de moelle osseuse. Une synergie semble exister pour l’efficacité de ces traitements.

 

De nouvelles modalités d’administration

Face à aux premiers résultats cliniques prometteurs, d’autres essais sont d’ores et déjà envisagés. Un nouvel essai clinique, mené par Dr Christophe Le Tourneau, chef du département d’essais précoces D3i (Department of Drug Development and Innovation), a été lancé en début d’année 2018. Il s’agit d’administrer les AsiDNA en perfusion (et non en application locale comme précédemment) pour s’assurer de leur non-toxicité. « Si les résultats révèlent une non-toxicité de cette administration intraveineuse, nous pouvons espérer lancer un essai clinique de phase 2 d’ici la fin d’année prochaine » conclue Marie Dutreix.

 

« The DNA Repair Inhibitor Dbait Is Specific for Malignant Hematologic Cells in Blood. »

Sylvain Thierry, Wael Jdey, Solana Alculumbre, Vassili Soumelis, Patricia Noguiez-Hellin and Marie Dutreix, Molecular Cancer Therapeutics, December 2017

 

Crédit photo : Christophe Hargoues / Institut Curie