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L’équipe du Dr Sebastian Amigorena, Réponses immunitaires et cancer (Inserm U932), a pour la première fois combiné études protéiques et évolutives afin de caractériser la diversité de plus de mille protéines intégrant des domaines d’éléments transposables, non répertoriées. Ces résultats, publiés dans Cell le 11 décembre 2024, ouvrent la voie vers une meilleure compréhension des fonctions des protéines dans les cellules, en conditions physiologiques et pathologiques.
Un dogme bien établi en biologie énonce que l’ADN est transcrit en ARN, lui-même traduit en protéines. L’épissage alternatif est un mécanisme permettant d’apporter de la diversité aux protéines. Simplement dit, c’est l’excision et ligation de segments de l’ARN. Ainsi, l’expression d’un même gène peut, grâce à l’épissage alternatif, produire des séquences protéiques différentes. Les diverses formes d’une même protéine sont appelées isoformes.
Des isoformes inconnues
« Notre équipe, dirigé par le Dr Sebastian Amigorena (Inserm U932), a décrit une population d’épissages alternatifs impliquant des éléments transposables, séquences génétiques capables de se déplacer dans différents endroits du génome. Les isoformes contenant ces éléments transposables sont très peu exprimées, et pendant longtemps, la communauté pensait qu’il s’agissait d’erreurs, ou de bruit de fond. Nous avons déjà décrit qu’elles sont capables d’induire des réponses immunitaires, mais nous avons maintenant observé qu’elles peuvent avoir aussi des fonctions dans l’organisme. » explique le Dr Yago Arribas De Sandoval, chercheur post-doctoral dans l’équipe du Dr Sebastian Amigorena et premier auteur de l’étude.
En plus d’être impliquées dans les processus immunitaires, les chercheurs observent que ces séquences sont présentes chez de nombreux individus et émettent ainsi l’hypothèse que ces isoformes ne sont pas de simples erreurs dans la synthèse de protéines, mais servent bien un rôle dans la cellule. En combinant étude transcriptomique (étude des ARN messagers) et étude protéomique (étude des protéines), ils démontrent que ces isoformes sont différentes des isoformes majoritaires dites canoniques, dont elles dérivent.
Nouvelles isoformes, nouvelles fonctions ?
Afin d’étudier les fonctions dans la cellule de ces isoformes, les chercheurs en ont sélectionné certaines pour les réexprimer et les étudier en détail.
« Nous avons constaté qu’elles sont aussi stables que les protéines canoniques et qu’elles se localisent dans des compartiments subcellulaires spécifiques, parfois différents de ceux des isoformes canoniques. Par exemple, une isoforme stable d’une histone (H2AFY) se lie à la chromatine, même pendant la division cellulaire, tout comme la version canonique. Une autre isoforme, issue du gène PTEN, peut entrer dans le noyau, contrairement à la canonique qui reste dans le cytoplasme. Ces changements de localisation subcellulaire entraînent aussi des changements fonctionnels. » continue Yago Arribas De Sandoval.
Eléments transposables et évolution
Les chercheurs ont ensuite étudié les pressions évolutives qui s’exercent sur ces isoformes, afin de comprendre comment les éléments transposables influencent la diversité des gènes au cours de l'évolution.
En collaboration avec le Pr Lluís Quintana-Murci de l’Institut Pasteur, ils ont observé que les éléments transposables se trouvent préférentiellement dans les gènes anciens, communs à tous les êtres vivants. De plus, ils ont constaté que l'expression des isoformes contenant des éléments transposables augmente avec le temps, devenant plus conservée et suggérant qu’elles acquièrent une importance croissante pour la cellule. Il s’agit donc d’un moteur pour la diversité des protéines qui existent dans la cellule, lui permettant de sélectionner les isoformes les plus avantageuses.
« Bien que les éléments transposables soient déjà considérés comme un réservoir de séquences nouvelles, c’est la première fois qu’un tel processus est systématiquement caractérisé, combinant étude évolutive et protéomique. Au-delà des implications évolutives, nous décrivons plus d’un millier de nouvelles isoformes de protéines jamais répertoriées, ouvrant de nouvelles perspectives pour l’étude des fonctions cellulaires, en conditions physiologiques et pathologiques. » conclut Yago Arribas De Sandoval.
Figure : Image en microscopie confocale d'une nouvelle isoforme de IL15RA (en vert), exprimée à la surface de la cellule. Le noyau cellulaire est mis en évidence en rose.
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