Actualité - ASCO

L'Institut Curie au congrès de l'ASCO 2023

01/06/2023
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Du 2 au 6 juin 2023, le congrès de l’American Society of Clinical Oncology réunira à Chicago la communauté internationale scientifique et médicale en oncologie. Les plus grands experts de la cancérologie mondiale, dont les médecins et chercheurs de l’Institut Curie, y dévoileront et débattront d’études pionnières, de résultats novateurs et de nouvelles stratégies thérapeutiques contre le cancer.

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Immunothérapie, nouvelles associations de traitements, études de données en vie réelle, intérêt clinique des biomarqueurs circulants… Les présentations portées par l’Institut Curie au congrès 2023 de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO) témoignent de l’excellence et du rayonnement à l’international de ses équipes, engagées pour améliorer toujours plus la prise en charge des patients atteints de cancer.

 

Cancer du sein

Biomarqueurs circulants : analyser leur dynamique dans le sang de patientes atteintes de cancer du sein

Fin 2022, les résultats de l’étude PADA-1 étaient publiés, démontrant pour la première fois l’intérêt clinique des biopsies liquides dans le traitement des cancers du sein hormonosensibles métastatiques. Promue par Unicancer et coordonnée par le Pr François-Clément Bidard, oncologue médical à l’Institut Curie, PADA-1 a révélé que - suite à la détection d’un certain type de mutation (ESR1) dans le sang des patientes - un changement d’hormonothérapie retarde l’apparition de la résistance du cancer au traitement et double la survie sans progression de la maladie.

Avec PADA-1, nous avons démontré l’intérêt clinique d’une nouvelle stratégie reposant sur la combinaison d’une biopsie liquide par prise de sang avec étude de l’ADN tumoral circulant en temps réel. Aujourd’hui, nos résultats soutiennent le bénéfice clinique de la biopsie liquide et au-delà de l’impact dans le contexte clinique évalué, ils ouvrent un pan entier de recherches visant à contrer les résistances acquises aux traitements antitumoraux

explique le Pr François-Clément Bidard, oncologue médical à l’Institut Curie.

  • L’ADN tumoral circulant de 172 patientes passé au crible

L’équipe de l’Institut Curie, en collaboration avec le Cancéropôle de Toulouse, a étudié de manière très précise l’ADN tumoral circulant dans les multiples prélèvements sanguins des 172 patientes de l’étude PADA-1 pour lesquelles les mutations du gène ESR1 avaient été détectées. Ce gène ESR1 code pour le récepteur aux œstrogènes et est impliqué dans la résistance à l’hormonothérapie. Comment évolue l’ADN tumoral circulant au cours du temps ? Le type de mutation ESR1 a -t-il une incidence sur le pronostic ? Le suivi de la cinétique des mutations ESR1 met en évidence que le biomarqueurs ESR1 disparait plus rapidement chez les patientes qui ont modifié leur traitement et que cette disparition est associée à un meilleur pronostic. Ainsi, deux mois après le changement d’hormonothérapie, on observe la disparition de la mutation d’ESR1 chez 71 % des patientes contre 26% chez celles qui n’ont pas modifié leur traitement.

Cet essai académique est pionnier dans l’établissement d’une nouvelle stratégie de traitement des cancers utilisant la biopsie liquide pour le suivi et le ciblage des résistances apparaissant en cours de traitement. Fait rare dans le contexte relativement figé de la recherche clinique, l’approche de PADA-1 a d’ores et déjà inspiré un essai mondial mené par un laboratoire pharmaceutique et approuvé par les agences européennes (EMA) et américaines (FDA) pour démontrer l’efficacité d’un nouveau médicament, encore plus prometteur que celui testé dans PADA-1.

Dynamics and type of ESR1 mutations under aromatase inhibitor or fulvestrant combined with palbociclib after randomization in the PADA-1 trial. Pr François-Clément Bidard - Oral Abstract Session: Breast Cancer—Metastatic, 5 juin 2023

Hématologie

Les bénéfices de l’immunothérapie sur le long terme dans le lymphome à cellule du manteau en post autogreffe

Avec environ 200 000 personnes diagnostiquées chaque année dans le monde dont environ 600 en France, le lymphome à cellule du manteau (LCM) représente 2 à 10% des lymphomes (cancers du système lymphatique). Ces lymphomes rares (dits « non hodgkiniens ») affectent les lymphocytes B du système immunitaire dans une région du ganglion lymphatique nommée « zone du manteau ». Souvent agressif et avec des rechutes fréquentes, le LCM affecte davantage les hommes que les femmes et plus fréquemment les personnes âgées de plus de 65 ans.

  • Une vaste étude de phase 3 à l’origine du changement de traitement du standard

En 2017, les résultats d’une vaste étude de phase 3 (LYMA), coordonnée par le Pr Steven Le Gouill, démontrait que l’ajout d’une immunothérapie : le rituximab (un anticorps anti-CD20) pendant 3 ans après la chimiothérapie d’induction améliore la survie globale des patients atteints de lymphome à cellules du manteau (âgés de moins de 66 ans au moment du diagnostic).

Il y a 5 ans, nos résultats ont permis de modifier le traitement de maintenance standard du lymphome à cellules du manteau. Aujourd’hui, je suis fier de présenter pour la première fois les données sur le long terme de notre étude de phase 3 randomisée LYMA qui sont très positives

a déclaré le Pr Steven Le Gouill, hématologue, directeur de l’Ensemble hospitalier de l’Institut Curie, président du LYSA et qui a coordonné l’étude LYMA.

  • 75% des patients qui ont répondu à l’immuno-chimiothérapie n’ont pas progressé à 7 ans

La question était notamment de savoir si, à l’arrêt du traitement de maintenance, les patients allaient rechuter et perdre le bénéfice de l’immunothérapie. Or, les résultats sur le long terme (7 ans après le début du traitement) montrent que l’effet bénéfique immunologique persiste au-delà de l’arrêt du traitement. En effet : 81% des rechutes surviennent pendant les 3 ans du traitement de maintenance avec le rituximab. Et 19% rechutent après l’arrêt du rituximab, ce qui est peu.

Cependant, si le nombre de rechute sur le long terme diminue, il faut souligner qu’environ 15% des patients rechutent tôt et pour eux particulièrement, les solutions thérapeutiques restent un enjeu important et ceci malgré l’arrivée de nouvelles molécules qui n’existaient pas quand cette étude a été lancée.

Il y a quelques années encore, la survie globale médiane des patients atteints de ce lymphome rare était autour de 4 ans. Aujourd’hui, 75% des patients sont vivants à 7 ans ce qui représente une progression considérable. Désormais, notre objectif est de réussir à identifier, dès le début du traitement, ces 15% de patients qui sont réfractaires aux approches standards pour leur proposer des alternatives thérapeutiques adaptées telles que les Car-T cell ou les anticorps bispécifiques… qu’il nous reste à explorer

conclut le Pr Steven Le Gouill.

 

Very long-term follow-up of rituximab maintenance in young patients with mantle cell lymphoma included in the LYMA trial, a LYSA study. Pr Steven Le Gouill – Oral abstract session - “Hematologic Malignancies—Lymphoma and Chronic Lymphocytic Leukemia” – 6 juin 2023

Innovations : des épimédicaments aux vaccins anti-cancer

Epimédicaments et immunothérapie : des résultats très encourageants dans les cancers épidermoïdes

L’essai clinique PEVO vise à évaluer une approche thérapeutique très innovante : l’association d’une immunothérapie (le pembrolizumab) avec un médicament agissant sur l’épigénétique (le vorinostat). Il a été mené auprès de 112 patients touchés par un carcinome épidermoïde en récidive dans plusieurs localisations : sphère ORL, poumon, col de l’utérus, vulve, pénis, canal anal. Ce type de tumeurs cutanées présente des altérations moléculaires similaires qui justifient des stratégies thérapeutiques communes.

Nous avons développé cette association inédite du fait que l’épimédicament, en modulant l’expression de certains gènes, pourrait améliorer l’efficacité de l’immunothérapie. Nos résultats révèlent une activité antitumorale tout à fait encourageante, en particulier dans le cancer du canal anal et le cancer du col de l’utérus.

explique le Pr Christophe Le Tourneau, oncologue médical, chef du département des essais cliniques précoces (D3i) de l'Institut Curie et pilote de l’étude PEVO.

Ainsi, les résultats d’efficacité sont tout à fait encourageants avec des taux de réponses de 31 et 39 % (contre 13 à 15 % avec des traitements standards. De plus, dans le cancer canal anal, on observe une survie globale de plus de 18 mois, ce qui est important.

L’essai est financé par un financement européen et de l’ARC. Le projet est coordonné par Dr Maud Kamal, responsable de la cellule de coordination scientifique du D3i.

Les avancées sur le front des vaccins anti-cancer

  • Vaccin thérapeutique anti-HPV-16 dans les cancers ano-génitaux

L'infection par le papillomavirus humain 16 (HPV-16) est associée à plusieurs types de cancers pour lesquels les options thérapeutiques sont limitées au stade métastatique. Les résultats d’une étude de phase 2 randomisée comparant l’effet d’un vaccin dirigé contre certaines protéines de l’HPV-16 avec une immunothérapie chez des patients présentant des cancers ano-génitaux (canal anal, vulve, col de l’utérus, pénis) sont présentés.

Notre étude révèle, qu’avec le vaccin, on induit une réponse immunitaire chez quasiment tous les patients. Par ailleurs, ces travaux dévoilent quelques données préliminaires sur l’efficacité du vaccin qui sont encourageantes.

décrit le Pr Christophe Le Tourneau qui coordonne l’étude.

  • Vaccins personnalisés dans les cancers ORL

Le Pr Christophe Le Tourneau présentera également les résultats d’une étude de phase 1 randomisée menée auprès de patients atteints d’un cancer ORL. Jusqu'à présent, l'immunothérapie n'a eu qu'un impact limité sur le traitement des cancers ORL mais cet essai inédit vise à étudier une autre stratégie vaccinale grâce à des vaccins personnalisés. Chaque vaccin est conçu individuellement, à partir du séquençage individuel des tumeurs et grâce à des outils d’intelligence artificielle. Les résultats montrent que la vaccination a été bien tolérée et aucune rechute n'a été observée dans le groupe des patients ayant été vaccinés à l’issue du traitement curatif après une période médiane de 10,4 mois de suivi.

L’étude montre par ailleurs que tous les patients ont développé une réponse immune avec le vaccin personnalisé, et ça c’est un point très positif en très encourageant pour la poursuite de nos travaux

se réjouit le Pr Christophe Le Tourneau.

Phase II basket trial evaluating the efficacy of pembrolizumab (PE) combined with vorinostat (VO) in patients (pts) with recurrent and/or metastatic squamous cell carcinoma (SCC)” et “Immunogenicity and clinical activity of tipapkinogen sovacivec (TG4001), an HPV-16 cancer vaccine: A randomized phase 2 study in advanced anogenital cancers” 
Poster session Developmental Therapeutics—Immunotherapy (3 juin).

Safety and Immunogenicity of TG4050; a personalized cancer vaccine in head and neck carcinoma”.
Poster session “Head and Neck Cancer” (5 juin)

Cancer du poumon

Des études probantes sur les données de vie réelle dans le cancer du poumon à petites cellules

Dans le monde, le cancer du poumon est la principale cause de décès par cancer avec environ 1,8 million de décès en 2020. En France, il est le 3e cancer le plus fréquent et son incidence progresse fortement chez la femme. Parmi les deux principaux types de cancers du poumon, le cancer du poumon à petites cellules concerne environ 15% des cancers du poumon en France.

  • Une nouvelle molécule issue des algues de mer

Pour les patients atteints de cancer du poumon à petites cellules en situation de rechute, on ne dispose actuellement pas d’option thérapeutique satisfaisante. La lurbinectedine est un nouveau médicament (issu des algues de mer, avec des propriétés antitumorales dues à son action sur l’ADN de la tumeur) disponible en France en accès précoce pour ces patients. Menée avec l’Intergroupe Francophone de Cancérologie Thoracique (IFCT), l’étude LURBICLIN a analysé les données de vie réelle des patients français ayant reçu la lurbinectedine pour évaluer l’efficacité de ce nouveau médicament. Les résultats montrent que la lurbinectedine représente une option thérapeutique tout à fait pertinente avec une efficacité qui semble supérieure à celle des médicaments historiques.

En analysant les données en vie réelle de 312 patients en France ayant reçu ce médicament, nous mettons en évidence que la lurbinectedine représente une nouvelle option thérapeutique pour les patients atteints de cancer du poumon à petites cellules. Ces résultats illustrent pleinement le fort investissement de l’Institut Curie – qui s’inscrit comme promoteur dans beaucoup d’études de ce type - pour évaluer des thérapies anti-cancéreuses innovantes à partir des données de vie réelle des patients

explique le Pr Nicolas Girard, pneumologue, coordinateur de l’Institut du Thorax Curie-Montsouris, qui a coordonnée cette étude.

Preuve en est avec les résultats de l’étude rétrospective CLINATEZO menée également avec l’IFCT visant à évaluer en situation de vie réelle l’efficacité et la tolérance de l’association d’une immunothérapie (atezolizumab) et d’une chimiothérapie en première ligne également chez les patients atteints de cancer du poumon à petites cellules.

  • Prévenir le risque de thrombose dans le cancer du poumon

Les patients atteints de cancer du poumon présentent un risque multiplié par quatre de développer une maladie thromboembolique veineuse - ou thrombose (formation d’un caillot au sein du système veineux). Certains médicaments peuvent également majorer ce risque, ce qui semble le cas d’une association de nouveaux médicaments, le lazertinib et l’amivantamab, évalués dans le cadre d’études cliniques en situation de cancer du poumon avancé à l’Institut Curie.

Les données obtenues nous conduisent à proposer des mesures de prévention individualisées à un certain nombre de patients qui reçoivent ces traitements ciblés. Identifier et analyser de façon précise le risque de thrombose est un enjeu pour permettre d’éviter un arrêt de ces traitements, dont l’efficacité s’inscrit dans le temps. L’Institut Curie est particulièrement attentif à cette question du risque de survenue de thrombose chez les patients atteints de cancer. Un programme entièrement dédié à cette question est d’ailleurs coordonnée par l’Institut Curie : DASTO. Celui-ci vise à corréler les données issues de plusieurs Centres de lutte contre le cancer en France et celles de la sécurité sociale pour comprendre les facteurs de risque, améliorer la prise en charge des patients, l'évolution du parcours de soin et faire de la prévention sur cet évènement indésirable

explique le Pr Nicolas Girard.

IFCT-2105 lurbiclin real-world effectiveness and treatment sequences in patients (pts) with extensive-stage small cell lung cancer (ES-SCLC) who received lurbinectedin as part of the French Early Access Program (EAP-ATU)” et “Long-term effectiveness and treatment sequences in patients with extensive stage small cell lung cancer receiving atezolizumab plus chemotherapy: Results of the IFCT-1905 CLINATEZO real-world study. “ 
Poster session - Lung Cancer—Non-Small Cell Local-Regional/Small Cell/Other Thoracic Cancers (4 juin)

Risk factors for venous thromboembolism (VTE) among patients with EGFR-mutated advanced non-small cell lung cancer (NSCLC) receiving amivantamab plus lazertinib versus either agent alone.
Poster session - Lung Cancer—Non-Small Cell Metastatic (4 juin)

Mélanome uvéal

Le mélanome uvéal est le cancer de l’œil le plus fréquent chez l’adulte, avec 500 à 600 nouveaux cas diagnostiqués chaque année en France. Tous les ans, l’Institut Curie prend en charge environ deux tiers des nouveaux cas de mélanome uvéal en France. Centre de référence national et européen pour la prise en charge de cette pathologie, l’Institut Curie est reconnu au niveau international pour son expertise dans ce cancer.

Le Dr Sophie Piperno-Neumann, oncologue médicale à l’Institut Curie, participera à une educational session dédiée au mélanome métastatique. Cette présentation permettra de faire le point sur la compréhension du mélanome uvéal, les traitements développés ces dernières années, les perspectives, notamment avec l’avènement d’une nouvelle molécule d’immunothérapie (le tebentafusp), les enjeux en matière de surveillance et de traitement…

"The Changing Landscape of Uveal Melanoma" / The Evolving Management of Stage IV Melanoma-Dr Sophie Piperno-Neumann – Education session (6 juin 2023)

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