Équipe
Plasticité épigénétique et polarité de l'embryon
Unité :
Dynamique du noyau (UMR3664)Présentation
Nos travaux ont pour objectif de déterminer comment les cellules des organismes en développement acquièrent et maintiennent leur identité. Cette question est particulièrement critique dans le contexte du cancer car dans les tumeurs, les cellules ont souvent changé d’identité. Puisque l’identité des cellules dépend principalement de son « épigénome », nous nous intéressons au rôle de la dynamique de la chromatine dans le maintien de l’intégrité du génome et l’expression des gènes au cours du développement.
Nos travaux ont pour objectif de déterminer comment les cellules des organismes en développement acquièrent et maintiennent leur identité. Cette question est particulièrement critique dans le contexte du cancer car dans les tumeurs, les cellules ont souvent changé d’identité. Puisque l’identité des cellules dépend principalement de son « épigénome », nous nous intéressons au rôle de la dynamique de la chromatine dans le maintien de l’intégrité du génome et l’expression des gènes au cours du développement. Notre système modèle est la mouche du vinaigre (Drosophila melanogaster), particulièrement propice aux approches de génétique classique et moléculaire de par son développement rapide et idéalement adaptée aux approches d’imagerie innovantes. Nos travaux récents concernent le facteur d’assemblage de la chromatine CAF-1 et le facteur de transcription Bicoid.
Dynamique de la chromatine au cours du développement Pour mieux comprendre comment la structure de la chromatine est maintenue au cours des divisions cellulaires, nous nous intéressons à CAF-1 qui permet l’assemblage des dimères H3/H4 sur l’ADN nouvellement répliqué ou réparé et qui contribue à la formation/maintien de l’hétérochromatine. Notre système modèle, nous permet d’aborder ces questions au cours du développement de l’animal dans des cellules particulières pour lesquelles il n’existe pas de système de culture cellulaire. Il s’agit i) des cellules méiotiques qui se divisent dans l’organisme selon un processus permettant la formation des gamètes haploïdes et ii) des cellules souches germinales, qui se divisent de façon asymétrique et requièrent un contact direct avec les cellules somatiques de la niche pour se développer correctement.
Nous avons caractérisé un nouveau domaine conservé dans la grande sous unité de CAF-1, qui permet son interaction avec la protéine HP1. Contrairement à une perte de fonction totale, la perte de ce domaine n’empêche pas la viabilité des individus mais révèle le rôle spécifique de CAF-1 dans des activités impliquant l’hétérochromatine comme la variégation par effet de position et l’appariement des chromosomes homologues lors de la méiose chez la femelle (Roelens et al., 2017). Nous avons aussi démontré que les cellules souches de la lignée germinale femelle dépourvues de la grande sous unité de CAF-1 sont capables de répondre aux signaux de la niche somatique tout en exprimant des marqueurs de différenciation. Outre cette crise d’identité, ces cellules présentent un niveau élevé de stress réplicatif et une dérépression des éléments transposables. Ces dommages à l’ADN induisent l’activité des check-points dépendant de p53- and chk-2. Ils conduisent à la mort cellulaire et à la stérilité des femelles. Ces travaux, réalisés en collaboration avec l’équipe de J.-R. Huynh (Institut Curie, DEEP Labex), démontrent que la dynamique de la chromatine induite par CAF-1 joue un rôle important dans la détermination de l’identité des cellules souches germinales et le maintien de l’intégrité de leur génome (Clémot et al., 2018).
Le gradient morphogénétique de Bicoid Pour mieux comprendre comment les cellules acquièrent et maintiennent leur identité au cours du développement, nous nous intéressons en parallèle à la réponse transcriptionnelle en aval du gradient morphogénétique de Bicoid, un paradigme simple et bien caractérisé permettant l’établissement de l’axe antéro-postérieur de l’animal. Nous combinons des approches intégrant génétique moléculaire et imagerie quantitative. En collaboration avec des physiciens, nous développons des approches d’imagerie multi-échelle, sur du matériel fixé ou vivant, afin de comprendre le processus de transcription de manière quantitative. Notre objectif est de comprendre comment le système Bicoid est capable de fournir une réponse transcriptionnelle précise malgré le challenge imposé par les fréquentes mitoses ponctuant la période de développement d’intérêt. Dans ce but, nous avons adapté à l’embryon de drosophile l’approche MS2 permettant d’étiqueter les ARN avec de la fluorescence dans les cellules vivantes et fournissant un accès à la dynamique temporelle du processus de transcription à l’échelle du locus (Lucas et al., 2013). Ces travaux pionniers ont ouvert la voie à la dimension temporelle (4eme) pour comprendre comment des patrons d’expression reproductibles peuvent émerger de manière robuste en aval du gradient de Bicoid étant donné la nature intrinsèquement stochastique du processus de transcription. Nous avons construit un gène rapporteur MS2 qui reproduit l’expression précoce du gène hunchback, principal gene cible de Bicoid .
Voir le film : http://xfer.curie.fr/get/dLGUa7idKhe/mov2.avi
Grâce à cet outil, nous avons découvert que la transcription du gène hunchback est stochastique dans l’embryon précoce. Cependant, une analyse des données montre que ce caractère stochastique ne peut pas être expliquée uniquement par le démarrage au hasard de la polymérase (modèle de Poisson) et suggère des modèles d’activation plus complexes (Desponds et al., 2016). Nous avons montré que la forme de la bordure du domaine d’expression est extrêmement nette et en accord avec les données « instantanées » obtenues par RNA FISH sur les embryons fixes. Ainsi, malgré une forte variabilité dans la cinétique d’expression d’un noyau à l’autre, le promoteur du gène hunchback est capable d’établir cette bordure nette en séparant les noyaux antérieurs qui expriment le gène des noyaux postérieurs qui ne l’expriment pas. De manière surprenante, malgré l’absence de transcription pendant la mitose, à chaque interphase, 3 minutes suffisent au système pour mesurer des différences de concentration subtiles de Bicoid et produire cette bordure nette (Lucas et al., 2018). Cette mise en place est fascinante car elle est à peu près 10 fois plus rapide que celle prédite par des modèles théoriques qui doivent prendre en compte une extrême rapidité, la formation d’une bordure extrêmement nette et une forte résolution spatiale de part et d’autre de la bordure (Tran et al., 2018). Ces travaux résultent d’une collaboration interdisciplinaire avec des biophysiciens (M. Coppey à l’Institut Curie/UMR168 & C. Fradin à l’université McMaster, Hamilton, Canada) et des théoriciens (A. Walczak à l’ENS, Paris).