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Parmi les grandes classes de macromolécules biologiques, les glucides restent les moins bien compris en ce qui concerne les mécanismes moléculaires de la fonction.

Parmi les grandes classes de macromolécules biologiques, les glucides restent les moins bien compris en ce qui concerne les mécanismes moléculaires de la fonction. Dans l’équipe Trafic endocytaire et administration intracellulaire, nous avons formulé l’hypothèse que les protéines de liaison au glycol (lectines) provenant d’agents pathogènes (toxines Shiga et choléra, virus polyoma comme le SV40, norovirus) ou de cellules (galectines) acquièrent des propriétés actives sur la courbure (c’est-à-dire la capacité d’induire et/ou de détecter la courbure de la membrane) en interaction avec des lipides glycosylés (glycosphingolipides (GSL), éventuellement aussi glycosylphosphatidylinositol (GPI) – protéines ancrées) afin de favoriser leur propre endocytose (pour lectines pathogènes) ou celle des protéines cellulaires (pour galectines) via des fosses endocytiques tubulaires dont sont formés les porteurs dits indépendants de clathrine (voir figure 1 pour galectines). Nous appelons cette hypothèse l’hypothèse GlycoLipid-Lectin (GL-Lectin) pour la construction de puits endocytaires indépendants de la clathrine.

 

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Figure 1 : Hypothèse GL-Lect pour la construction de fosses endocytaires entraînées par la galectine-3 (Gal3) dans la biogénèse de porteurs indépendants de la clathrine (CLIC). Monomeric Gal3 est recruté sur les membranes en se liant aux protéines glycosylées de la cargaison, telles que CD44 et a5β1-integrin. Le Gal3 lié à la membrane oligomérise et acquiert la capacité de liaison des glycosphingolipides fonctionnels (GSL), conférant aux complexes Gal3/GSL des propriétés actives de courbure, c’est-à-dire la capacité à induire et/ou à détecter la courbure de la membrane. Les cargaisons et les lipides glycosylés sont ensuite regroupés dans des fosses endocytaires tubulaires à partir desquelles des porteurs indépendants de la clathrine (CLIC) sont formés pour l’absorption endocytaire dans les cellules. Tiré de Lakshminarayan et al, 2014, Nature Cell Biology 16 : 595-606.

 

Le mécanisme GL-Lect peut fonctionner avec diverses protéines cargo glycosylées, ce qui pourrait expliquer comment une petite famille de galectines (12 membres chez l’homme) peut avoir des effets physiologiques et pathologiques très répandus (voir Johannes et al, 2018, J Cell Sci 131 : jcs208884 pour une revue). Nous analysons maintenant comment la dynamique de l’actine corticale contribue à la formation de grappes de complexes GSL-lectine sur les membranes actives, facilitant ainsi la nucléation des tubules endocytaires en exploitant la force de fluctuation de la membrane et les mécanismes de condensation qui n’avaient pas été liés à l’endocytose auparavant. De plus, nous identifions les moyens par lesquels le mécanisme GL-Lect est contrôlé de façon aiguë par la signalisation des facteurs de croissance. Enfin, nous étudions comment la construction du domaine GL-Lect à la membrane plasmique programme la distribution intracellulaire des molécules de cargaison, notamment par la voie de transport rétrograde, exploitant ainsi la capacité de sécrétion polarisée de l’appareil de Golgi pour la distribution des protéines de cargaison aux domaines spécialisés de la membrane plasmique dans les cellules en migration (bord d’attaque), les cellules épithéliales (tri apicobasal et transcytosis), les lymphocytes (synapse immunologique), les cellules épithéliales. Ces études sont réalisées à l’aide d’une combinaison d’approches biologiques cellulaires (microscopie en feuille légère à réseau), biochimiques (purification et reconstitution des protéines membranaires, glycosphingolipidomique), chimiques (synthèse des glycosphingolipides, criblage de petites molécules) et structurelles (cryo-EM) des systèmes modèles à membranes, cellules et organismes vivants.

Nous avons également entrepris d’exploiter la spécificité de la reconnaissance des glucides et le potentiel mécanique membranaire résultant du regroupement oligomérique de glycolipides par lectine pour le développement de stratégies thérapeutiques innovantes dans le traitement du cancer. En collaboration avec le professeur Eric Tartour (U970 INSERM), nous avons notamment identifié la sous-unité B faiblement immunogène non toxique de la toxine Shiga (STxB) comme outil d’administration pour canaliser les peptides antigéniques des tumeurs de pathogènes dans les voies de présentation des cellules dendritiques limitées aux classes I et II du CMH (figure 2).

 

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Figure 2 : La sous-unité B de la toxine Shiga (STxB ; représentée par une barre bleue) délivre des peptides antigéniques (représentés par des cercles rouges et jaunes sur STxB) dans les voies de présentation des cellules dendritiques (CD) de classe I et II limitées au CMH. Il a en effet été démontré que le STxB ajouté par voie exogène pénètre dans le cytosol (pour la présentation du CMH I) et dans les endosomes/lysosomes tardifs (pour la présentation du CMH II) de ces cellules. La stimulation d’une réponse lymphocytaire T CD8+ cytotoxique permet l’élimination des cellules tumorales ou pathogènes.

 

 

Le STxB se lie au GSL Gb3, qui est exprimé par des cellules dendritiques (DC) de différentes origines, y compris humaines. Lorsqu’il est associé à des antigènes tumoraux, le STxB induit des réponses thérapeutiques antitumorales chez divers modèles de souris, y compris des carcinomes muqueux de la tête et du cou. Nous utilisons maintenant des méthodes chimiques pour optimiser le support STxB pour diverses applications biomédicales en immunothérapie et au-delà. 6 familles de brevets ont été déposées sur la technologie STxB, dont 5 ont déjà été délivrées. Un projet de création d’une nouvelle entreprise est actuellement en cours pour introduire la technologie STxB dans les cliniques.

Un autre axe de recherche vise à découvrir des pistes moléculaires de petite taille pour le développement de stratégies d’intervention contre les toxines protéiques telles que la toxine Shiga et la ricine, contre lesquelles aucun traitement spécifique n’existe à ce jour. En collaboration avec Daniel Gillet du CEA, nous développons 2 composés à succès qui protègent les cellules et les animaux contre ces toxines, et dont les cibles intracellulaires pourraient déjà être identifiées.

Biosketch

Ludger Johannes (PhD) est directeur de recherche (DRE) à l’INSERM. Depuis le début de ses études de premier cycle en biochimie en 1987, il est membre de la Studienstiftung des Deutschen Volkes (organisation allemande des étudiants allemands extraordinairement qualifiés), depuis 1993 du Boehringer Ingelheim Fonds, depuis 2012 de l’Organisation Européenne de Biologie Moléculaire (EMBO), et depuis 2019 de l’Académie allemande des sciences – Leopoldina. Entre 2001 et 2013, il a dirigé l’équipe Trafic, Signalisation et Ciblage Intracellulaire au sein du département de biologie cellulaire (UMR144 CNRS) de l’Institut Curie. Depuis janvier 2014, il dirige l’unité Chimie et Biologie de la Cellule (U1143 INSERM – UMR3666 CNRS). Ses recherches visent à établir les concepts fondamentaux de l’endocytose et du trafic intracellulaire. L’équipe de Ludger Johannes a apporté deux contributions majeures dans ce contexte : la découverte d’une interface de trafic intracellulaire entre les endosomes précoces et l’appareil de Golgi, et la démonstration que la réorganisation dynamique des glycosphingolipides induite par la lectine agit comme un moteur pour la construction de puits endocytiques pour l’endocytose indépendante de la clathrine. Ces études sont fortement citées et ont été publiées dans plusieurs revues à forte visibilité, notamment Cell, Nature, Nature Cell Biology et Nature Nanotechnology. Entre 2014 et 2020, il a été titulaire d’une bourse avancée du Conseil Européen de la Recherche (ERC). Il vise également à exploiter ses découvertes dans la recherche fondamentale en biologie membranaire pour le développement de stratégies innovantes de thérapie du cancer. Son équipe a validé la sous-unité B de la toxine de Shiga (STxB) en tant que « pilote » pour l’administration de composés thérapeutiques à des localisations intracellulaires précises de cellules dendritiques et de tumeurs (12 familles de brevets, dont 5 qui sont délivrés aux États-Unis, en Europe et dans d’autres pays ; création de sociétés de biotechnologie). Ludger Johannes fait partie du comité de rédaction de plusieurs revues internationales (dont PLoS One et Traffic). Son équipe est membre de l’initiative d’excellence Cell(n)Scale.

 

 

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