Actualité - Cancers pédiatriques

Neuroblastome à haut risque : une thérapie ciblée pourrait être utilisée en première ligne

14/06/2021
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Une étude internationale coordonnée, en partie par le Dr Gudrun Schleiermacher, oncopédiatre et chercheuse à l’Institut Curie, montre que les altérations du gène ALK, identifiées en 2008 par l’équipe du Pr Olivier Delattre à l’Institut Curie, sont associées à un mauvais pronostic du neuroblastome à haut risque. Des résultats qui plaident en faveur de l’introduction des inhibiteurs de ALK dès le diagnostic. Ces travaux sont publiés dans le Journal of Clinical Oncology.

Neuroblastome

Chaque année, en France, environ 150 enfants sont touchés par un neuroblastome, dont la moitié a moins de 2 ans. Il s’agit du troisième cancer pédiatrique le plus fréquent après les leucémies et les cancers du cerveau. Cette tumeur solide dérive des cellules à l’origine du système nerveux sympathique et peut être retrouvée au niveau des glandes surrénales et également le long de la colonne vertébrale.

L’évolution de ce cancer est très variable. Alors que chez certains, il régresse spontanément, la moitié des enfants souffrent d’une forme agressive : le neuroblastome à haut risque.

 

Celui-ci se caractérise par des formes métastatiques chez des enfants de plus de 12 mois, ou la présence d’une amplification de l’oncogène NMYC quel que soit le stade de la maladie ou l’âge de l’enfant.

décrit le Dr Gudrun Schleiermacher, oncopédiatre et chercheuse à l’Institut Curie. Et d’ajouter :

Le pronostic est sombre. A peine la moitié des enfants vivent au-delà de cinq ans après le diagnostic, malgré des traitements par chimiothérapie, parfois à hautes doses, la chirurgie, des radiothérapies et l’immunothérapie. Nous avons donc des progrès à faire.

 

Et parmi les pistes possibles, l’Institut Curie, dans le cadre d’un travail du groupe Biologie de SIOPEN (organisation européenne de recherche sur le neuroblastome) présidé par le Dr Schleiermacher, a souhaité évaluer le rôle des anomalies du gène ALK. Celles-ci ont été identifiées en 2008 par l’équipe du Pr Olivier Delattre, directeur de l'unité Génétique et biologie des cancers à l'Institut Curie à Paris. Une découverte importante car elles sont devenues la première cible moléculaire du neuroblastome. Et depuis, plusieurs inhibiteurs de ALK ont été développés et sont en cours d’essai clinique.

Mais jusqu’à aujourd’hui, la fréquence de ces altérations n’avait jamais été évaluée chez les patients souffrant d’un neuroblastome à haut risque.

 

Celles-ci ne sont pas recherchées au moment du diagnostic mais lors d’une rechute ou si la maladie progresse car elles peuvent apparaitre au décours de la maladie

, explique le Pr Schleiermacher.

 

Aussi, pour mieux comprendre l’évolution de ces cancers, le groupe SIOPEN a-t-il étudié la présence d’anomalies dans le gène ALK (amplification ou mutation du gène) dans une cohorte de 1092 enfants traités entre 2002 et 2019 dans 132 hôpitaux à travers 19 pays européens.

 

Cette cohorte est unique, en raison de son importance mais également parce que tous les enfants ont reçu les mêmes protocoles de traitements. Ils étaient donc comparables, ce qui permet d’obtenir des résultats robustes

, ajoute l’oncopédiatre.

Et à en croire les récents travaux publiés dans le Journal of Clinical Oncology, des mutations sont présentes chez environ 14 % des patients atteints d'un neuroblastome à haut risque nouvellement diagnostiqué. Et près de 4% présentent une amplification de ce gène. Plus important encore, ces anomalies sont associées à une survie plus faible. Elles sont donc des marqueurs pronostics importants.

 

Comme ALK peut être ciblé sur le plan thérapeutique, cette étude plaide de manière convaincante en faveur de l'introduction d'inhibiteurs de ALK pour la prise en charge initiale des patients atteints de neuroblastome à haut risque présentant des altérations de ce gène. Il nous reste désormais à évaluer cliniquement l’intérêt de ce nouveau traitement chez les enfants atteints de neuroblastome à haut risque

, conclut le Dr Schleiermacher.

 

Cette étude a été menée grâce au soutien de la Fondation Annenberg, l'association Hubert Gouin Enfance et Cancer, la Fédération Enfants Cancers Santé, Les Bagouz à Manon et Les amis de Claire. Elle a également été financée par le SiRIC/INCa (Grant INCa-DGOS-4654) et le PHRC IC2007-09 grant. Le séquençage haut débit a été mis en place par la plateforme ICGex NGS de l'Institut Curie, soutenu par les bourses ANR-10-EQPX-03 (Equipex) et ANR-10-INBS-09-08 (France G´enomique Consortium) de l'Agence Nationale de la Recherche (Investissements d’Avenir program) par le Canceropole Ile-de-France.

 

Référence:

Frequency and Prognostic Impact of ALK Amplifications and Mutations in the European Neuroblastoma Study Group (SIOPEN) High-Risk Neuroblastoma Trial (HR-NBL1).
Angela Bellini & al. Journal of Clinical Oncology. Published online June 11, 2021.
DOI: 10.1200/JCO.21.00086