Actualité - Institutionnel

Congrès TEMTIA : comprendre et cibler l’EMT pour lutter contre les métastases

07/11/2022
Partager

Pour sa 10e édition, le congrès TEMTIA se tient en France pour la première fois, à l’Institut Curie, du 7 au 10 novembre. A cette occasion, les deux co-présidents de TEMTIA, le Pr. Alain Puisieux, directeur du Centre de recherche de l’Institut Curie, et Pierre Savagner, chercheur Inserm à Gustave Roussy, reviennent sur les enjeux autour des aspects moléculaires et cellulaires de la transition épithélio-mésenchymateuse (EMT) à l’origine de la progression métastatique des cancers.

TEMTIA 2022

En quoi la transition épithélio-mésenchymateuse est-elle un enjeu crucial de la lutte contre le cancer ?

Pr. Alain Puisieux : On sait depuis quelques années qu’un cancer n’est pas qu’un amas de cellules qui prolifèrent de façon homogène. Le développement d’un cancer est un processus dynamique à l’origine d’une hétérogénéité. Cette hétérogénéité intra-tumorale est notamment liée au fait que les cellules cancéreuses présentent une plasticité cellulaire exacerbée et acquièrent ainsi la capacité à changer d’état et d’identité. Il ne s’agit pas ici de l’acquisition d’une mutation mais d’une reprogrammation basée sur des phénomènes épigénétiques. Ainsi, dans le contexte de la dissémination métastatique, du fait de la réactivation de l’EMT, les cellules acquièrent des capacités de mobilité et d’invasion ainsi que des propriétés de cellules souches leur permettant de reformer une tumeur à distance.

Pierre Savagner : Le processus a été défini initialement en analysant des étapes du développement embryonnaire et en parallèle des cellules de lignées dans lesquelles on observait un processus d’individualisation des cellules. Mais le concept a vite évolué pour reconnaitre des étapes analogues pendant la progression tumorale. D’un point de vue clinique, les cellules se dédifférencient, génèrent des clones distincts responsables de l’hétérogénéité tumorale et deviennent résistantes aux traitements et à la réponse immunitaire. Ces cellules perdent leur identité de cellules différenciées cohésives appartenant à l’organisme, dégradant une relation étroite essentielle. Elles s'individualisent, tout en proliférant

 

Quelles sont les grandes avancées de ces 10 dernières années dans ce domaine ?

Pr. Alain Puisieux : Les dix dernières années nous ont permis de comprendre le rôle joué par la réactivation aberrante de l’EMT au cours du développement d’un cancer, des phases précoces jusqu’à la formation de métastase et la résistance aux traitements. La plasticité cellulaire conférée par l’EMT permet aux cellules cancéreuses de s’adapter à leur environnement en adoptant des états particuliers, soutenant le développement et la progression de la maladie. Certains de ces états ont pu être caractérisés, ouvrant la porte à la possibilité de les cibler à visée thérapeutique avec pour objectif de bloquer les capacités d’adaptation des cellules cancéreuses les plus agressives.

Pierre Savagner : Nous avons assisté à une maturation du concept pour aboutir à une vision   plus réaliste. La recherche est parvenue à définir des phénotypes intermédiaires qui traduisent un état métastable, que la cellule est capable de maintenir, qui permet l'émergence de sous-populations tumorales potentiellement plus dangereuses cliniquement.

 

Qu’attendez-vous de ce congrès 2022 ? Quelles sont les communications les plus attendues ?

Pr. Alain Puisieux : Robert Weinberg du MIT, qui a démontré pour la première fois le rôle de l’EMT dans la métastase, Thomas Brabletz, spécialiste de l’EMT dans les métastases du cancer du côlon et Aneshka Dongre du Cornell Institute, spécialiste de la résistance à l’immunothérapie, sont, parmi beaucoup d’autres, particulièrement attendus. Et vous me permettrez de citer également Danijela Vignjevic, cheffe de l’équipe Migration et invasion cellulaire (CNRS UMR144 / Sorbonne Université) et Raphaël Rodriguez, à la tête de l’équipe Chemical Biology (CNRS UMR 3666 / Inserm U1143) à l’Institut Curie, qui présenteront des résultats originaux et prometteurs sur les mécanismes de dissémination métastatique et le ciblage de la plasticité des cellules cancéreuses.

Pierre Savagner : De mon côté, je citerai la présentation de Sarah-Maria Fendt sur le métabolisme, une des révolutions actuelles dans le cancer, qui permet de mieux cerner la façon dont les cellules modifient notamment leur façon de consommer de l’énergie. Mais sur un plan plus humain, c'est aussi l'occasion de retrouver une communauté chaleureuse de collègues et amis, réunis depuis maintenant 20 ans autour d'une volonté commune de mieux comprendre la vie, et la maladie cancéreuse.