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Hématologie : découverte d’un biomarqueur prédictif de l’aggravation du lymphome folliculaire

12/12/2022

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Pour la première fois, une étude originale met en évidence les relations entre l’évolution des cellules cancéreuses et le micro-environnement tumoral lorsque le lymphome folliculaire se transforme en forme agressive. Menés par le Dr Clémentine Sarkozy*, hématologue à l’Institut Curie, ces travaux permettent d’identifier un biomarqueur potentiel de l’aggravation de la maladie. Ces résultats ont été présentés au 64e congrès annuel de l’American Society of Hematology qui se déroulait du 10 au 13 décembre 2022 à la Nouvelle-Orléans (Etats-Unis).

Le lymphome folliculaire est un cancer du sang issu de la prolifération de lymphocytes B qui se développent dans la grande majorité des cas au niveau des ganglions lymphatiques. Il représente 20 % des lymphomes et touche environ 4 000 personnes par an en France. L’évolution de ce cancer est indolente et les rechutes sont fréquentes. Dans 2 à 3 % des cas, la maladie se transforme en une forme agressive et cette transformation représente la principale cause de décès pour ce type de cancer. Il n’existe pas de marqueur clairement identifié et reproductible pour prédire cette transformation. Aujourd’hui, de nouveaux éléments sont mis en lumière grâce aux travaux menés par le Dr Clémentine Sarkozy hématologue à l’Institut Curie et chercheuse au sein du LYSA (Lymphoma Study Association), en collaboration avec une équipe de recherche canadienne à Vancouver.

Comment évoluent les cellules tumorales jusqu’au moment de leur transformation et de l’aggravation de la maladie ? Quel rôle joue l’environnement tumoral dans ce phénomène ? Quelles sont les interactions entre cellules cancéreuses et microenvironnement tumoral ? Pour y répondre, les médecins et chercheurs ont mené des analyses et effectué du séquençage de l’ADN et ARN à l’échelle de la cellule unique (single-cell) qui ont permis d’étudier la cellule tumorale mais également son micro-environnement. Les analyses bio-informatiques ont montré qu’au moment de l’aggravation de la maladie, non seulement la cellule tumorale évolue, mais cette évolution se fait de concert avec une transformation qualitative du micro-environnement vers une forme « exhausted » - fatiguée (lag3).

Ces analyses de pointe ont révélé que dans les biopsies transformées, les cellules CD8 exprimant lag3 sont plus nombreuses. De manière encore plus intéressante pour le suivi des patients, les résultats ont montré - à l’aide d’une plus large cohorte - que la présence en grand nombre de ces cellules au moment du diagnostic permettait de prédire la transformation en forme agressive.  

Ces travaux ont ainsi permis de générer une hypothèse sur les mécanismes aboutissant à la transformation au cours du temps : la cellule tumorale acquiert des anomalies génétiques qui vont stimuler le micro-environnement tumoral avec une boucle de stimulation positive vers la cellule tumorale. Cette stimulation va ensuite induire petit à petit des marqueurs « d’exhaustion » comme lag3, rendant le microenvironnement incapable de combattre le lymphome. Les cellules tumorales deviennent alors indépendantes aboutissant au phénotype de transformation.

Pour la première fois, notre étude - dont le schéma est inédit – décrypte la complexité du phénomène en jeu. Nous montrons que c’est la co-expression de 2 marqueurs : CD8 et lag3 qui est déterminante pour repérer l’aggravation des lymphomes folliculaires. Et je suis enthousiaste de ces résultats qui laissent entrevoir des perspectives très prometteuses pour la prise en charge de nos patients

Se réjouit le Dr Clémentine Sarkozy, hématologue à l’Institut Curie*.

Il nous reste désormais à valider notre hypothèse dans des modèles précliniques et à étendre nos travaux sur des cohortes plus larges

 

* Le Dr Clémentine Sarkozy est hématologue et travaille à l’Institut Curie depuis octobre 2022 au sein du département d’hématologie. Elle a travaillé auparavant à Gustave Roussy dans le Département d’Innovation thérapeutique. Ses travaux de recherche translationnelle portent sur les marqueurs prédictifs d’évolution du lymphome folliculaire. Elle est impliquée depuis de nombreuses années dans le groupe coopérateur de recherche clinique contre le lymphome, le LYSA, et mène des essais cliniques principalement contre le lymphome B à grandes cellules, le lymphome du manteau et lymphome folliculaire. 

 

Référence : Integrated Single Cell Analysis Reveals Co-Evolution of Malignant B Cells and the Tumor Microenvironment in Transformed Follicular Lymphoma. Abstract 306, Blood 2022. Clementine Sarkozy, MD, PhD, Shaocheng Wu, Katsuyoshi Takata, MD, PhD, Tomohiro Aoki, MD, PhD, Susana Ben-Neriah, MSc, Katy Milne, Brad H Nelson, Andrew P. Weng, MD, David W. Scott, PhD, MD, FRACP, FRCPA, Jeffrey W. Craig, MD, PhD, Christian Steidl and Andrew Roth.

 

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