Actualité - Publication

Méiose et crossing overs : s’apparier pour mieux se séparer

03/01/2022
Partager

A l’Institut Curie, l’équipe « Dynamique des chromosomes et recombinaison » dirigée par Valérie Borde, directrice de recherche au CNRS, a identifié, grâce au modèle de la levure Saccharomyces cerevisiae, les bases moléculaires permettant aux chromosomes homologues - pendant la méiose – de s’apparier entre eux, d’échanger des régions d’ADN et de réaliser le brassage génétique. Ce travail est publié dans la revue Genes and Development.

Image microscopique Tétrades de levures S. cerevisiae produites après la méiose.

Durant la méiose, les chromosomes homologues des cellules de la lignée germinale (celles qui produiront les ovocytes ou les spermatozoïdes), se séparent, chaque gamète n’héritant que d’une copie maternelle ou paternelle de chaque chromosome. Pour ce faire, les chromosomes homologues doivent se reconnaître, puis s’apparier, sur toute leur longueur, avant d’être séparés et distribués dans chaque cellule fille. Une séparation précise de ces paires de chromosomes est essentielle pour assurer la génération de gamètes avec une organisation fidèle des chromosomes et ainsi éviter les problèmes de stérilité et/ou les anomalies de ségrégation chromosomique (exemple de la trisomie 21 ou du syndrome de Turner). Il se produit alors un phénomène de remaniement du matériel génétique entre les chromosomes homologues. Une telle "recombinaison" ne peut se faire que grâce à des mécanismes fins de cassures programmées et de réparations ultérieures des molécules d’ADN. Ces mécanismes sont très conservés chez les eucaryotes, de la levure à l’humain. Des « nœuds » (jonctions de Holliday) se forment entre les chromosomes homologues pour les faire « s’enjamber » en vue de leur recombinaison physique (« crossing over » en anglais). En même temps, les chromosomes homologues se retrouvent appariés sur toute leur longueur au sein d’une structure de type fermeture éclair (« zip ») : le complexe synaptonémal. Celui-ci exerce un rôle de contrôle du nombre et de la distribution des évènements de recombinaison le long des chromosomes.

Alors que les liens fonctionnels entre ces deux aspects essentiels de la méiose : la recombinaison et le complexe synaptonémal, étaient connus, on n'en connaissait pas la nature moléculaire.

 

En utilisant des approches de génétique, de protéomique et de modélisation in silico de domaines d’interactions protéiques, l’équipe dirigée par Valérie Borde au sein de l’Unité Dynamique de l’information génétique (Institut Curie, CNRS, Sorbonne Université), en collaboration avec des chercheurs du CEA/I2BC, a identifié une protéine, Zip4 (TEX11 chez l’humain) qui fait le lien direct entre la machinerie de recombinaison et des éléments centraux du complexe synaptonémal (Ecm11-Gmc2). Lorsque ce lien est rompu suite à des mutations de Zip4, le « zip » entre les chromosomes homologues ne se fait plus, et la recombinaison méiotique est dérégulée.

 

Ces phénomènes observés chez Saccharomyces cerevisiae sont très conservés chez les eucaryotes, faisant de la levure, facile à utiliser, un organisme modèle essentiel. Ainsi, les chercheurs ont identifié des homologues fonctionnels et structuraux chez l’humain des protéines de recombinaison et du complexe synaptonemal et les ont étudiées. En particulier, l’homologue d’une des protéines étudiées, TEX12, normalement restreinte aux cellules méiotiques vient d’être trouvée anormalement exprimée dans de nombreux cancers et participe à la prolifération des cellules cancéreuses.

Schéma des interactions fonctionnelles entre recombinaison et complexe synaptonémal.

The “ZZS” complex containing Zip4 is loaded on the chromosome axis, via the interaction between Zip4 and Red1 (1). Then, the ZZS complex is relocated on the recombination intermediaries, between the…

Référence :

The Zip4 protein directly couples meiotic crossover formation to synaptonemal complex assembly. Alexandra Pyatnitskaya, Jessica Andreani, Raphaël Guérois, Arnaud De Muyt et Valérie Borde. Genes and Development. 30 décembre 2021, doi:10.1101/gad.348973.121