Actualité - Cancers pédiatriques

Cancer pédiatrique : l’origine du médulloblastome détectée, un espoir renforcé

08/07/2024
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Pour la première fois, la carte d’identité et la période de développement à l’origine du médulloblastome, tumeur cérébrale pédiatrique la plus fréquente, ont été identifiés. La généalogie et les caractéristiques précises des cellules impliquées dans ce phénomène pendant le développement embryonnaire ont été élucidées grâce aux recherches du Dr Olivier Saulnier débutées à The Hospital for Sick Children à Toronto (Canada) puis achevées à l’Institut Curie . Publiés dans Cell le 5 juillet 2024, ces travaux ouvrent la voie au développement de nouvelles thérapies ciblées contre ces cancers pédiatriques.

Cancer pédiatrique : l’origine du médulloblastome détectée, un espoir renforcé

Le médulloblastome est le cancer cérébral le plus fréquent chez les enfants. Il se développe dans le cervelet et constitue un groupe de tumeurs très hétérogènes. Parmi ces tumeurs, le médulloblastome de groupe 3 est le moins bien caractérisé et figure parmi les plus agressifs. Contrairement aux cancers de l’adulte qui résultent du vieillissement et de l'exposition à des mutagènes, les cancers pédiatriques émergent de la dérégulation des programmes génétiques qui gouvernent le développement normal des cellules.

Le médulloblastome se développe à partir d’une région issue du développement fœtal du cervelet, cependant, on ne connaissait pas jusqu’à présent la cellule précise à l’origine de ces tumeurs. Aujourd’hui, l’équipe Génomique et développement des cancers de l'enfant menée par le Dr Olivier Saulnier à l’Institut Curie (unité Cancer, hétérogénéité, instabilité et plasticité - CHIP U830 (Inserm, Institut Curie)), avec des collègues canadiens, dévoilent les mécanismes à l’origine du médulloblastome de groupe 3, notamment la cartographie de ce type cellulaire au cours du développement embryonnaire.

Ballet oncogénique : hétérogénéité d’une tumeur de médulloblastome dans le cervelet
Ballet oncogénique : hétérogénéité d’une tumeur de médulloblastome dans le cervelet : Il est possible de distinguer les cellules d’origine (cellules souches en jaune) de leurs cellules progénitrices (en vert) grâce à la présence ou non du marqueur PRTG. La tumeur est soutenue par des cellules endothéliales qui assurent les échanges nutritifs entre le système vasculaire et l’ensemble des cellules tumorales permettant ainsi la prolifération.

 

La cellule d’origine démasquée

Grâce à un suivi des cellules souches et de leur descendance dans les tissus embryonnaires, les chercheurs ont révélé les caractéristiques détaillées de la cellule à l’origine du médulloblastome de groupe 3, dite cellule d’origine. L’identité précise de cette cellule a été déterminée grâce à l'utilisation d’outils bioinformatiques permettant d’étudier des données de génomique à l’échelle de la cellule unique (single cell). En comparant les programmes tumoraux aux programmes du développement embryonnaire, les scientifiques ont réussi à mettre en évidence que la cellule d’origine de ces tumeurs exprime un marqueur embryonnaire nommé Protogenin (PRTG). Au cours du développement humain, ce marqueur n’est exprimé que lors des premières semaines de grossesse et n’est donc pas exprimé lors de la vie adulte. Cette « empreinte » fœtale est très importante car grâce à cela, il est possible d’imaginer de nouvelles thérapies ciblant les cellules à l’origine de ces tumeurs.

C’est ce que les chercheurs ont démontré : cibler les cellules exprimant PRTG permet de réduire la croissance tumorale et d’augmenter la survie dans des modèles in vivo précliniques.

« Grâce à l’identification précoce de ce marqueur chez les très jeunes enfants, on pourrait imaginer prévenir la maladie avant même qu'elle ne se développe entièrement et donc bloquer le processus de cancérogénèse. Ces travaux auront des implications considérables dans la lutte contre divers cancers pédiatriques, en ouvrant de nouvelles pistes de recherche applicables à d'autres types de tumeurs », explique le Dr Olivier Saulnier, chef de l’équipe Génomique et Développement des Cancers de l’Enfant.

 

Vers de nouvelles armes thérapeutiques contre le médulloblastome de groupe 3

En ciblant exclusivement la cellule d'origine qui est désormais identifiée, il est possible de stopper le développement tumoral tout en épargnant les cellules non agressives. Plusieurs approches thérapeutiques innovantes sont en cours d’évaluation. Ces recherches laissent envisager le développement de nouvelles thérapies : des anticorps spécifiques capables de cibler spécifiquement la protéine PTRG qui s’exprime uniquement à la surface des cellules « filles » descendantes de la cellule d'origine du médulloblastome. Une autre option pourrait surgir de ces résultats : le recours à la thérapie cellulaire (CAR-T). Ainsi, en modifiant les récepteurs à la surface de certains globules blancs, les lymphocytes T du système immunitaire d’un individu, on les éduque spécifiquement à combattre les cellules exprimant la protéine PRTG afin de pouvoir être réinjectés chez ce même individu et ainsi affronter les cellules tumorales.

« En plus de thérapies ciblées ou de thérapies cellulaires innovantes, nous investiguons d’autres pistes pour mettre au point des traitements plus efficaces et moins invasifs pour les jeunes patients. Nous travaillons notamment sur la compréhension des mécanismes assurant le maintien de cette cellule lors de la vie post-natale, permettant ainsi le développement des tumeurs de médulloblastome », conclut le Dr Olivier Saulnier.

 

Références :

  • Early Rhombic Lip Protogenin+ve Stem Cells in a Human Specific Neurovascular Niche Initiate and Maintain Group 3 Medulloblastoma. Abhirami Visvanathan*, Olivier Saulnier*, Chuan Chen* (…) Dimiter S Dimitrov, Michael D. Taylor. Cell, 5 juillet 2024.  DOI : https://doi.org/ 10.1016/j.cell.2024.06.011

[1] Ces travaux ont été réalisés grâce à la collaboration de l’Institut Curie, The Hospital for Sick Children (Toronto,; Canada), Baylor College of Medecine (Houston, Etats-Unis), l’université de Pittsburg (Etats-Unis)

* : co-premiers auteurs

  • Pour mener ces travaux, l’équipe du Dr Olivier Saulnier, Junior Principal Investigator à l’Institut Curie, a bénéficié d’un accompagnement financier issu en partie de la générosité du public.