Actualité - Cancers pédiatriques

L’inclusion du 1er patient dans l’essai clinique évaluant une molécule prometteuse née à l’Institut Curie

05/09/2022
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L’Institut Curie et la biotech Onxeo annoncent l’inclusion du 1er patient dans l’essai clinique évaluant une molécule prometteuse qui déjoue la résistance aux traitements dans les gliomes de haut grade, chez les jeunes patients. La validation clinique de cette thérapie innovante, née dans les laboratoires de l’Institut Curie, représente un espoir de taille pour lutter contre ces cancers pédiatriques à haut risque.

Cancers pédiatriques

Les gliomes de haut grade (HGG), qui constituent environ 20% des tumeurs du système nerveux central de l’enfant, ont aujourd’hui encore un très mauvais pronostic avec une survie à 5 ans inférieure à 20%. La chirurgie, combinée à la radiothérapie ou à la chimiothérapie, permet souvent un contrôle de la maladie. Cependant, ce contrôle est inconstant dû au développement de cellules tumorales résistantes aux traitements. Dans ce contexte, l’Institut Curie et Onxeo, partenaires de longue date, annoncent que le 1er patient vient d’être inclus dans l’étude clinique évaluant pour la première fois une molécule prometteuse, AsiDNATM, en association avec la radiothérapie chez les enfants, adolescents ou jeunes adultes atteints d’un HGG récidivant.

AsiDNATM, une « success story » née à l’Institut Curie en 2002

C’est en 2002 que la « success story Curie » menant à AsiDNATM démarre. L’équipe de Marie Dutreix, directrice de recherche CNRS à l’Institut Curie, parvient à mettre au point une nouvelle classe de médicaments : des molécules « leurres », les Dbait (bait signifiant appât en anglais), qui augmentent l’efficacité de la radiothérapie. « En cherchant à comprendre la résistance au rayonnement observée chez près de 20 % des patients, nous avons mis au point des petites molécules qui ressemblent à de l’ADN endommagé et perturbent les mécanismes cellulaires permettant de résister à la radiothérapie.. Les Dbait étaient nées, » explique la chercheuse.  Ces Dbait font croire à la cellule que le nombre de dommages auxquels elle doit faire face, suite au traitement par radiothérapie ou chimiothérapie, est beaucoup plus élevé que la réalité. La cellule tumorale "submergée" par la quantité de dommages à réparer s’autodétruit alors.

« Il a ensuite fallu améliorer les outils, multiplier les angles d'observation, mieux comprendre le fonctionnement des Dbait, valider leur efficacité sur des modèles. Avant de parvenir à un éventuel médicament, il aura fallu près de 10 ans ! Sans compter le dépôt d’une multitude de brevets et la création de la société DNA Therapeutics en 2006, qui a permis de rechercher des investisseurs et de se lancer dans des essais cliniques, » ajoute Marie Dutreix.

C’est finalement en 2016 que le développement de ces molécules à fort potentiel pour contrer la résistance des traitements a gagné en ambition avec le rachat de la spin-off de l’Institut Curie, DNA Therapeutics, par Onxeo. Cette biotech spécialisée dans le développement de médicaments innovants pour lutter contre les cancers rares ou résistants, a permis d’accélérer considérablement le développement clinique de ces Dbait, jusqu’à la mise au point d’AsiDNATM, capable de perturber et épuiser la capacité des cellules tumorales à réparer leur ADN en agissant en amont de multiples voies de réparation, et ce, dès que les dommages sont signalés.

20 ans plus tard : le 1er jeune patient inclus dans l’essai clinique

Si des études menées sur des modèles précliniques et des essais cliniques initiaux réalisés chez l’adulte [1] ont déjà permis de mettre en évidence l’effet synergique d’AsiDNA en association avec des traitements qui ciblent et détruisent l’ADN, tels que la radiothérapie, l’inclusion du 1er jeune patient représente une étape majeure, comme l’explique le Pr François Doz, pédiatre oncologue, directeur adjoint de la recherche clinique, de l'innovation et de l'enseignement du Centre SIREDO (Soins, Innovation, Recherche en cancérologie de l’Enfant, l’aDOlescent et l’adulte jeune) à l’Institut Curie, et investigateur principal de l'étude : « L’inclusion du 1er patient est une étape importante dans cette étude de preuve de concept dont le but est d’évaluer l’efficacité et la bonne tolérance de l’administration systémique d’AsiDNATM combinée à une nouvelle radiothérapie. Nous espérons que cette étude apportera des preuves encourageantes permettant d’améliorer le pronostic de cette maladie pour laquelle le besoin de nouveaux traitements est majeur."

Cet essai de phase 1b/2, dont l'Institut Curie est le promoteur, sera mené dans le cadre du consortium européen ITCC [2] sur un nombre maximal de 32 patients. Le 1er patient de l’étude a été inclus au sein du Centre SIREDO de l’Institut Curie. D’autres centres français vont participer à cette étude et son ouverture à d’autres pays européens est prévue dans les prochains mois. Les premiers résultats intermédiaires de l’étude sont attendus au 1er trimestre 2024.

Cette étude de phase 1b/2, dont le protocole a été conçu par l’Institut Curie en coopération avec Onxeo, bénéficie d’une subvention du programme européen Fight Kids Cancer [3].

 

[1] First-in-human phase I study of the DNA repair inhibitor DT01 in combination with radiotherapy in patients with skin metastases from melanoma. Le Tourneau C et al. Br J Cancer. 2016 May 24;114(11):1199-205.

[2] Le Consortium Thérapies innovantes pour les enfants atteints de cancer (ITCC) est une organisation à but non lucratif regroupant 63 départements européens d'oncologie pédiatrique ayant une expertise dans la conduite d'essais de phase précoce chez l'enfant et l'adolescent, et 25 laboratoires de recherche européens.

[3] Fight Kids Cancer est un appel à projets européen, initiative conjointe de l’association française Imagine for Margo, la fondation belge KickCancer et la fondation luxembourgeoise Kriibskrank Kanner