Actualité - Immunothérapie

Immuno-oncologie : l'Institut Curie et Mnemo Therapeutics mettent en évidence une nouvelle approche pour identifier des cibles thérapeutiques inconnues

06/02/2023
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Des travaux de chercheurs de l'Institut Curie, qui leur valent deux publications dans la revue Science Immunology, mettent en évidence une approche d'immuno-oncologie qui pourrait révolutionner le traitement du cancer en sondant des zones inconnues du génome. Les travaux ont été menés en collaboration avec Mnemo Therapeutics, start-up issue de l'Institut Curie.

Sebastian Amigorena, Marianne Burbage et Joshua Waterfall

Le génome humain est communément divisé en deux grandes catégories. 4% du génome code pour des protéines et les 96% restants sont constitués d’éléments non codants ou très peu connus : on parle de « génome sombre ». Le « génome gris », également connu comme la partie du génome sombre qui est annotée, transcrite et parfois traduite, représente environ 45 % du génome humain total. Ces régions génomiques ont été négligées, car elles sont mal comprises. Toutefois, un ensemble croissant de preuves indique que sonder le génome gris pourrait élargir l'univers potentiel des cibles précédemment inconnues en identifiant des caractéristiques qui codent pour des cibles spécifiques du cancer qui sont à la fois spécifiques de la tumeur et partagées par des proportions importantes de patients.

Deux études publiées dans la revue Science Immunology le 3 février, issues de travaux menés par des chercheurs de l'Institut Curie, révèlent que les jonctions d'épissage transposon-exon, présentes dans le génome gris, constituent une source de nouvelles cibles récurrentes et spécifiques au cancer, ce qui pourrait contribuer au développement d'immunothérapies plus efficaces et moins toxiques. Ces travaux menés en collaboration avec Mnemo Therapeutics, biotech issue de l'Institut Curie, confirment que le « génome gris » peut être exploité pour trouver des cibles cancéreuses significatives et offrir une approche diagnostique afin d'identifier les antigènes spécifiques des tumeurs.

Dans la première étude*, dirigée par Sebastian Amigorena, directeur de recherche au CNRS, à la tête de l'équipe Réponses immunitaires et cancer (Institut Curie/Inserm) et cofondateur scientifique de Mnemo Therapeutics, et Marianne Burbage, chercheuse Inserm au sein de cette équipe, les chercheurs ont identifié une nouvelle famille d'antigènes dérivés de jonctions d'épissage non canonique dans des lignées cellulaires tumorales de souris. Ces antigènes déclenchent une réponse immunitaire chez les souris porteuses de tumeurs et retardent avec succès la croissance tumorale lorsque ces peptides sont administrés comme vaccins prophylactiques[1] ou thérapeutiques. De plus, l'inactivation de Setdb1, une histone méthyltransférase, a entraîné une augmentation de l'expression de cette famille d'antigènes et de l'immunogénicité des cellules tumorales (la capacité de déclencher une réponse immunitaire qui arrête la croissance de la tumeur).

La deuxième étude**, conduite par Sebastian Amigorena et Joshua Waterfall, chef de l'équipe Génomique fonctionnelle intégrative du cancer (Institut Curie/Inserm), a examiné spécifiquement cette famille d'antigènes dans des échantillons de patients atteints de cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) et de tissus sains. L'équipe a identifié des jonctions d'épissage non canonique spécifiques aux tumeurs qui génèrent des peptides immunogènes chez les patients atteints d'un CPNPC, définissant ainsi une nouvelle source d'antigènes récurrents et spécifiques aux tumeurs chez ces patients.

L'identification de cibles uniques aux cellules cancéreuses et absentes des tissus sains a été un obstacle majeur au développement d'immunothérapies plus efficaces. Les résultats collectifs font progresser nos connaissances sur les antigènes spécifiques aux tumeurs, ce qui ouvre de nouvelles possibilités pour le traitement du cancer, en ce qui concerne la thérapie cellulaire mais également en terme de nouvelles approches et modalités.

explique Sebastian Amigorena.

Les cibles actuelles du cancer proviennent d'un très faible pourcentage du génome humain, ce qui fait que les régions présentant des cibles oncologiques potentielles sont largement négligées. En explorant le génome gris, les auteurs ont découvert une classe entièrement nouvelle d'antigènes cancéreux spécifiques aux tumeurs et récurrents chez les patients cancéreux. Nous sommes impatients non seulement de mieux comprendre comment ces nouveaux antigènes tumoraux agissent en synergie avec nos thérapies actuelles, mais aussi de voir comment ils pourraient être exploités davantage dans le cadre de partenariats stratégiques pour faire progresser le domaine plus large de l'immuno-oncologie.

conclut  Robert LaCaze, PDG de Mnemo Therapeutics.

 

[1] Un vaccin prophylactique consiste dans l’immunisation d’un peptide par voie sous-cutanée en présence d’un adjuvant avant exposition à une lignée tumorale.

 

*Lire la 1ère publication

**Lire la 2ème publication