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Migration cellulaire collective dépendante de l’environnement : De nouveaux résultats obtenus à l’Institut Curie permettent de mieux les comprendre

30/05/2024
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Texturer la surface de culture des cellules avec des microrails parallèles espacés à une échelle plus petite qu’une taille cellulaire induit un mouvement d’ensemble très organisé chez les cellules épithéliales de bronches humaines.

cellules bronchiques cultivées sur une surface comportant des micro-rails

Ces résultats, obtenus par le Dr Mathilde Lacroix de l’équipe du Dr Pascal Silberzan du laboratoire Physique des Cellules et Cancer (UMR168 Institut Curie / CNRS / Sorbonne Université), ont été publiés dans Nature Physics le 27 mai et permettent une meilleure compréhension des mécanismes impliqués dans le déclenchement et l’organisation de la migration cellulaire collective sur une surface fibrillaire. 

La migration cellulaire collective, ou le mouvement organisé et dirigé d’un ensemble de cellules, est un phénomène essentiel dans l’organogénèse ou la maturation tumorale. « Dans ce processus, les cellules se déplacent en masse dans un véritable parcours d’obstacles. Ces obstacles peuvent être d’autres tissus, mais aussi des structures microscopiques de la matrice extracellulaire. Notre équipe, à l’interface entre la physique et la biologie, s’intéresse justement à ces problématiques d’échelles : comment les propriétés microscopiques de l’environnement des cellules influencent leur comportement à l’échelle du groupe ? » explique Pascal Silberzan

Les courants de cellules 

En utilisant des techniques de microfabrication, la surface de culture des cellules a été texturée, en y ajoutant des micro-rails de quelques micronsi en taille, qui miment la présence des fibres microscopiques de la matrice extracellulaire. Bien que chaque cellule recouvre plusieurs de ces motifs, les chercheurs ont observé que les déplacements cellulaires se structurent collectivement suivant les rails en courants bidirectionnels dont la largeur est de plusieurs dizaines de cellules. En l’absence de ces micro-rails, les cellules présentent des mouvements désordonnés, confirmant qu’ils sont à l’origine des courants cellulaires observés.  

Décortiquer les mécanismes de migration cellulaire 

Même si ces cellules n’adhèrent pas entre elles, elles se coordonnent comme des individus dans une foule compacte, ce qui conduit à l'émergence d’un comportement collectif par un mécanisme impliquant leur polarité (ou l’asymétrie existant entre l’avant et l’arrière) facilité par l’anisotropie de surface (les déplacements cellulaires étant plus faciles le long des rails que perpendiculaires à ceux-ci). En complément des expérimentations, un travail de modélisation théorique et de simulations numériques mené en collaboration avec Carlès Blanch-Mercader et Jacques Prost du laboratoire Physique des Cellules et Cancer (UMR168 Institut Curie / CNRS / Sorbonne Université) de l’Institut Curie, et Bart Smeets (Université Catholique de Louvain, Belgique), a permis d’interpréter plus quantitativement les résultats obtenus à la paillasse.  

« Nous avons donc montré qu’une anisotropie microscopique de surface peut contrôler l’organisation collective des déplacements cellulaires et induire des courants structurés en bandes très larges. Dans notre modèle expérimental, l’anisotropie est entièrement contrôlée par la microfabrication. Or in vivo, les cellules modifient constamment leur substrat en y déposant des molécules et en les modifiant. Il sera donc intéressant d’inclure cette composante dans de futures expériences pour décrire au plus près les comportements in vivo, tout en gardant notre approche physique. Non seulement nos expériences permettent une meilleure compréhension des mécanismes en jeu par exemple lors de la morphogénèse, mais, à plus long terme, ces connaissances pourraient trouver des applications en ingénierie tissulaire » conclut Pascal Silberzan.  

Référence : Mathilde Lacroix, Bart Smeets, Carlès Blanch-Mercader, Samuel Bell, Caroline Giuglaris, Hsiang-Ying Chen, Jacques Prost et Pascal Silberzan 

Emergence of bidirectional cell laning from collective contact guidance. Nature Physics (27 mai 2024) doi : 10.1038/s41567-024-02510-3 

 

Description de la photo : Lorsqu'elles sont cultivées sur une surface comportant des micro-rails, les cellules bronchiques migrent collectivement. Leurs déplacements s'organisent en larges couloirs antiparallèles. Les couleurs orange et bleue indiquent les directions opposées des flux à l'intérieur de ces couloirs. Par conséquent, les indices subcellulaires ont le potentiel de façonner les flux collectifs de cellules à grande échelle. L'image a une largeur de 1,5 mm.