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Cancers du sein triple négatifs : repousser les frontières de la lutte

29/09/2017
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Près de 9 femmes sur 10 guérissent de leur cancer du sein. Mais ce chiffre optimiste recouvre des multiples réalités. Il n’y a pas un mais DES cancers du sein. Parmi eux, les cancers dits "triple-négatif" sont les plus compliqués à soigner. L’Institut Curie, expert dans la prise en charge des cancers du sein, s’attache à repousser cette frontière, pour guérir toujours plus de patientes.

Oncogénétique

Les progrès diagnostiques réalisés ces dernières années ont permis de distinguer plusieurs types de cancers du sein. Pour les plus fréquents, les cancers du sein hormono-dépendants et les cancers "HER+", il existe aujourd’hui des thérapies ciblées très efficaces. Mais 15% des patientes ont un cancer du sein dit "triple négatif", c’est-à-dire sans aucun marqueur connu à la surface des cellules cancéreuses, susceptible de répondre à une thérapie ciblée connue. "Les femmes touchées sont souvent plus jeunes que la moyenne, souligne le Pr Martine Piccart, spécialiste internationale des cancers du sein. Dans certains cas, il s’agit d’une forme héréditaire de cancer du sein, avec une mutation génétique (des gène BRCA1 ou BRCA2, ndlr)."

"Lorsque le médecin m’a dit que j’avais un cancer du sein triple négatif, je me suis dit "super, comme ça pas besoin d’hormonothérapie", se souvient Mélanie, une ancienne patiente de l’Institut Curie, traitée en 2011 à 33 ans. Mais quand j’ai vu la tête de mon médecin, j’ai vite compris que ce n’était pas forcément une bonne nouvelle !" En effet, si environ la moitié des cancers triple-négatif répond bien aux traitements de chimiothérapie classique, l’autre moitié est susceptible de développer une résistance, ce qui rend le cancer beaucoup plus compliqué à soigner. Le taux de récidive est également assez élevé dans les deux ans qui suivent la fin des traitements.

"L’urgence, aujourd’hui, est de trouver des traitements qui fonctionnent pour ces femmes, insiste le Pr Piccart. L’espoir est là, et un grand nombre de protocoles se focalisent aujourd’hui sur ces tumeurs, notamment en immunothérapie." Pour réussir, les chercheurs doivent d’abord mieux connaître et mieux comprendre les tumeurs triple-négatif. "L’Institut Curie a deux atouts majeurs pour développer ce type de recherche, explique Martine Piccart. Il traite un nombre très important de patientes atteintes de cancers du sein et dispose donc d’un grand nombre d’échantillons de tumeurs à étudier. L’Institut dispose par ailleurs de laboratoires extraordinaires pour étudier les mécanismes du système immunitaire et ce que met en œuvre la cellule cancéreuse pour les déjouer. Il peut jouer un rôle pionner dans la mise sur pied d’un protocole de recherche ambitieux, afin de répondre à des questions très importantes : quelle est la meilleure chimiothérapie à proposer ? Qui a besoin d’une immunothérapie en plus ? Pourquoi ces traitements ne fonctionnent-ils pas chez tout le monde ?"

Ces questions, la chercheuse Fatima Mechta-Grigoriou, responsable du laboratoire Inserm/Institut Curie "Stress et cancer", tente d’y répondre depuis plusieurs années. "C’est en arrivant à l’Institut Curie en 2005, et grâce à la proximité avec les médecins, que j’ai commencé à m’intéresser aux cancers du sein triple-négatif, développe la chercheuse. Les travaux de mon équipe ont permis de développer plusieurs pistes prometteuses." Parmi ses travaux les plus récents, l’équipe a "mis en évidence une population de cellules qui empêche l’immunothérapie d’être efficace. En identifiant les patients chez qui ces cellules sont présentes, nous pourrions ensuite cibler ces cellules pour empêcher leur action. L’immunothérapie deviendrait alors efficace", résume la chercheuse. Autre priorité pour le Pr Piccart : "Identifier les patientes "triple-négatif" pour lesquelles l'immunothérapie n'apportera aucun bénéfice parce que la chimiothérapie, à elle seule, apportera la guérison. Et là, il y a un vrai déficit de recherche, car cela n’intéresse évidemment pas l’industrie pharmaceutique, puisque cela risque d’induire moins de traitements. Là encore, c’est la recherche académique, et des établissements comme l’Institut Curie qui peuvent faire la différence."

 

Mélanie, ancienne patiente : "Aujourd’hui, je me sens super bien"

Eté 2011. Mélanie, 33 ans, jeune maman, découvre une boule sur sein. Elle a accouché il y a peu de temps et ne s’inquiète pas tout de suite. Après plusieurs semaines, elle décide de consulter. Mammographie, biopsie… Le couperet tombe : c’est un cancer. "Je n’ai pas paniqué, j’ai pensé que c’était forcément un stade précoce et qu’il suffisait de l’enlever. Après une recherche sur internet, j’ai pris rendez-vous à l’Institut Curie, sur le site de René-Huguenin. Je voulais être chez des experts. Quand le médecin m’a parlé de triple-négatif, il n’est pas entré dans les détails. C’est en cherchant sur internet que le 2e tsunami m’est tombé dessus : c’était le cancer de plus mauvais pronostic."

Mais Mélanie a un tempérament de battante. Après le pet-scan qui lui confirme qu’elle n’a pas de métastases, son esprit est clair: ce cancer, elle lui fera la peau. Les premières semaines lui donnent raison : la tumeurs régresse considérablement et, bientôt, on parle de tumorectomie et non plus de mastectomie. « Quel soulagement ! J’ai conscience d’avoir eu beaucoup de chance par rapport à d’autres jeunes femmes traitées en même temps que moi. » Une fois les traitements terminés, « bien sûr, on ne nous dit jamais que c’est terminé, le risque de récidive est très important, notamment les deux premières années. Donc on vit, au moins pendant un certain temps, avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. On appelle au moindre symptôme, et on ressort soulagée après une batterie d’examens ! Aujourd’hui, six ans après, je me sens très bien. Certes, j’ai perdu l’insouciance de mon âge, mais j’ai aussi l’impression d’avoir fait une guerre et de l’avoir gagnée ! »

 

infographie curie Cancer du sein