Recherche fondamentale

La recherche fondamentale sur les récidives du cancer du sein

21/09/2022
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La compréhension des mécanismes à l’origine des rechutes et la manière de les éviter ou de les prédire est également au cœur des préoccupations de l’Institut Curie.

Prédire l'envahissement tumoral

L’Institut Curie a plusieurs projets en cours pour mieux utiliser le PET-scan afin de prédire efficacement l’envahissement ganglionnaire à partir des images de la tumeur primaire, de son environnement, et des régions potentiellement envahies.

Nous analysons les images de 600 patientes prises en charge à l’Institut Curie et dont on sait si leurs ganglions axillaires étaient le siège de métastases. Nous utilisons des méthodes d’intelligence artificielle pour identifier des signatures de cet envahissement : volume de la tumeur mammaire, nécrose, consommation de sucre de la tumeur… Le but est d’épargner aux patientes des biopsies aujourd’hui nécessaires pour faire ce diagnostic, le plus important étant de bien reconnaître les caractéristiques des tumeurs associées à un envahissement ganglionnaire,

Décrit Irène Buvat, directrice du laboratoire d’Imagerie translationnelle en oncologie (Inserm U1288 / Institut Curie).

Nous nous appuyons aussi sur les travaux de Fatima Mechta-Grigoriou sur les protéines d’activation des fibroblastes (FAP) pour prédire et essayer de mettre en évidence sur des PET-scan du corps entier l’apparition de métastases non révélées par les marqueurs habituels, les métastases cérébrales en particulier.

Compréhension du fonctionnement des lymphocytes

L’équipe Immunothérapie translationnelle dans l’unité Immunité et cancer (Inserm U932 / Institut curie), dirigée par Eliane Piaggio, cherche de son côté à mieux comprendre les modes d’action de l’immunothérapie pour tenter d’augmenter l’efficacité de ces traitements. Elle a par exemple observé que, si les lymphocytes présents dans la tumeur sont neutralisés par l’environnement tumoral qui leur est néfaste, ils sont toujours actifs dans les ganglions lymphatiques, et que ces ganglions qui drainent la tumeur contiennent beaucoup de lymphocytes capables de faire régresser la tumeur.

Dans une étude récente publiée dans la revue scientifique Cell, son équipe a aussi mis en évidence l’importance d’un autre type de leucocytes, des macrophages qui produisent la protéine FOLR2, capables d’activer les lymphocytes T anti-tumoraux, facilitant ainsi l’élimination de la tumeur. Elle a aussi observé des différences dans le fonctionnement d’autres lymphocytes (CD4+ CD39+, NK, ILC…) chez les patientes atteintes de cancer du sein par rapport à des personnes en bonne santé. L’étude de toutes ces cellules impliquées dans l’immunité sont autant de pistes pour améliorer la prise en charge des cancers du sein et de leur risque de rechute.

L’épigénétique, un levier pour contrer les résistances

Céline Vallot et ses collègues, quant à eux, « étudient comment certaines cellules tumorales parviennent à se rendre invisibles aux traitements, et peuvent ainsi donner lieu à des rechutes », explique la cheffe de l’équipe Dynamique de la plasticité épigénétique dans le cancer au sein de l’unité Dynamique de l'information génétique : bases fondamentales et cancer (CNRS UMR3244 / Institut Curie / Sorbonne Université).

Elle travaille sur l’épigénétique, c’est-à-dire comment les cellules modifient l’expression de leurs gènes, et a développé une grande expertise dans les techniques de « cellule unique », qui permettent d’observer les cellules une par une, stratégie indispensable pour détecter, parmi des milliers de cellules cancéreuses, les quelques-unes à l’origine de cet échappement aux traitements. Elle a même trouvé un moyen de les bloquer :

En mars 2022, nous avons démontré, dans Nature Genetics, qu’une molécule inhibitrice des modifications épigénétiques pouvait lever ces résistances aux traitements dans les cancers du sein triple négatifs

Se félicite la chercheuse.

Prochaine étape : trouver un autre inhibiteur capable de la même prouesse mais sans la toxicité manifestée par la molécule utilisée dans cette expérience.

L’importance des xénogreffes

Les travaux de Céline Vallot ainsi que bien d’autres à l’Institut Curie, n’auraient pu voir le jour sans l’expertise d’Elisabetta Marangoni, chercheuse dans le laboratoire d’investigation pré-clinique du département de recherche translationnelle concernant les xénogreffes.

Ces modèles précliniques sont très précieux car ils sont les plus proches de la réalité médicale. Concrètement, les échantillons sont issus, avec le consentement éclairé des patientes, de pièces opératoires, de biopsies ou de prélèvements de cellules circulantes.

Explique-t-elle.

Les chercheurs peuvent observer in vivo l’apparition de récidives ou analyser et comparer tumeurs d’origine et tissus issus de récidives locales ou de métastases. Ainsi, elle publiait en 2020 des découvertes importantes sur les métastases osseuses de cancer du sein dans Nature Communications.

Le rôle du fer

Comme Céline Vallot, Raphaël Rodriguez, chef de l’équipe Chemical Biology dans l’unité Chimie et biologie de la cellule (CNRS UMR3666 / Inserm U1143 / Institut Curie) étudie un phénomène de résistance aux traitements, lié cette fois à un mécanisme d’absorption du fer dans les cellules cancéreuses. Et lui aussi a publié en mars dernier une avancée importante sur le sujet, dans Cancer Discovery : une molécule qu’il a développée, l’ironomycine, se révèle capable de contrer une résistance aux chimiothérapies. Ces travaux portaient sur des leucémies, mais le chercheur a bon espoir qu’ils puissent s’appliquer à des tumeurs solides comme le cancer du sein.