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Cancer de la prostate : les ARN non codants présents dans les vésicules extracellulaires urinaires sont en jeu

05/07/2022
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Une étude pionnière décrypte la complexité des ARN non codants présents dans les vésicules extracellulaires urinaires et qui sont en jeu dans le cancer de la prostate.

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Ces travaux sont le fruit d’une collaboration entre l’Institut Curie, l’Inserm et l’Hôpital Henri Mondor et sont publiés dans le Journal of Extracellular Vesicles.

Les vésicules extracellulaires (VE) sont de petites particules (50 à 1000 nanomètres, 10-9 mètres) qui sont sécrétées par tous les types de cellules et présentes dans tous les fluides corporels tels que le sang et l'urine. Ces VE contiennent des lipides, de l’ADN, de l’ARN et des protéines. Elles voyagent et communiquent avec des cellules proches ou éloignées en transférant leur contenu. Ainsi, ces petites particules peuvent jouer un rôle important dans le développement du cancer en communiquant des informations déterminantes au microenvironnement tumoral. Un des intérêts de la recherche sur ces VE est d'étudier leur capacité à agir en tant que porteurs de biomarqueurs pour les maladies, ce qui permet des méthodes non invasives pour diagnostiquer et même surveiller la réponse d'un patient au traitement. De plus, les VE peuvent déclencher des réponses immunitaires, pro- ou anti-tumorales, en agissant comme des porteurs d’antigènes.

 

À l’Institut Curie, les équipes d’Antonin Morillon, directeur de l’unité « Dynamique de l’information génétique : bases fondamentales et cancer (DIG-CANCER) » (Institut Curie, CNRS) et de Clotilde Théry, directrice de recherche à l’Inserm et cheffe de l’équipe « Vésicules extracellulaires, réponses immunes et cancer » à l’Institut Curie[1] sont parvenues à analyser et décrire la complexité des ARN dans les vésicules extracellulaires urinaires issues de patients atteints d’un cancer de la prostate (Figure 1). Ils les ont comparés aux ARN présents dans la tumeur d’origine. De plus, grâce à une technique de séquençage haut débit et une analyse bio-informatique approfondie, ils ont analysé les longs ARN non-codants.

Figure 1 - actu Morillon

  Figure 1 : Visualisation des VE urinaires intactes après enrichissement. VE urinaires visualisées par microscopie électronique. Les flèches jaunes montrent quelques exemples de VE urinaires de différentes tailles.

 

Leurs travaux ont montré que les ARN (codants et non codants) présents dans les VE urinaires permettent la traduction en protéines. Parmi la classe des ARN longs non codants - dont certains sont déjà connus pour leur rôle dans le développement des cancers - on trouve les ARN circulaires (Figure 2). L’étude comparative de trois lignées cellulaires de cancer de la prostate a mis en évidence que 14 ARN circulaires sont essentiels à la prolifération des cellules prostatiques in vitro. Aussi, 28 ARN longs non codants trouvés dans les VE urinaires appartiennent à ceux connus pour être liés au cancer (CLC, Cancer LncRNA Census).

Figure actu Morillon

Figure 2 : Enrichissement de longs ARN non codants dans les urines. Comparaison des niveaux d’expression d’ARN circulaires dans la tumeur par rapport aux urines de patients atteints d'un cancer de la prostate.

 

Les ARN longs non codants, définis à l’origine comme des ARN ne codant pas pour des protéines, peuvent néanmoins produire des peptides. Les scientifiques ont mis en évidence que certains ARN longs non codants présents dans les VE urinaires peuvent non seulement produire des peptides mais aussi produire de potentiels antigènes de tumeurs. Les chercheurs suggèrent que la cellule tumorale relargue en masse les VE contenant ces ARN longs codants pour des antigènes de tumeurs. Ces derniers seraient réceptionnés, intégrés et traduits dans une cellule voisine non tumorale qui présenterait alors à sa surface des antigènes spécifiques de la tumeur. Ainsi, le système immunitaire se dirigerait vers des cellules non cancéreuses.

 

Cette double analyse des ARN (longs non codants et circulaires), à la fois dans les VE urinaires et dans les cellules in vitro, fournit une ressource unique et fondamentale pour la future caractérisation phénotypique de ces ARN ainsi que de leurs peptides associés, impliqués dans le cancer de la prostate.

 

Référence

Almeida, A., Gabriel, M., Firlej, V., Martin-Jaular, L., Lejars, M., Cipolla, R., Petit, F., Vogt, N., San-Roman, M., Dingli, F., Loew, D., Destouches, D., Vacherot, F., de la Taille, A., Théry, C., & Morillon, A. (2022). Urinary extracellular vesicles contain mature transcriptome enriched in circular & long noncoding RNAs with functional significance in prostate cancer. Journal of Extracellular Vesicles, 11, e12210. https://doi.org/10.1002/jev2.12210

 

[1] Ces travaux ont impliqué les plateformes technologiques de l’Institut Curie (Vésicules extracellulaires, séquençage haut débit, ICGEX, spectrométrie de masse protéomique), ainsi que le service du Pr Alexandre De La Taille et l’équipe de Francis Vacherot (Hôpital Henri Mondor).