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Réponse à la chimiothérapie : enfin un biomarqueur pour le cancer du sein triple négatif

25/04/2023
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Face au cancer du sein triple négatif, comment réussir à sélectionner les patientes qui répondront à la chimiothérapie aux sels de platine ? Une équipe de l’Institut Curie propose, dans Nature Communications, une piste intéressante : utiliser le défaut de recombinaison homologue comme biomarqueur.

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Foci RAD51 dans des cellules tumorales

En France, le cancer du sein triple négatif (ainsi nommé parce qu’il n’exprime aucun des trois marqueurs recherchés en immunohistologie) représente environ 15 % des cas de cancer du sein, soit près de 9 000 personnes par an. La chimiothérapie aux sels de platine est un des traitements standards, mais seulement une partie des patientes y répondra positivement. Toutes en revanche en subiront les effets secondaires.

Or aucun biomarqueur ne permet à l’heure actuelle de cibler les patientes potentiellement répondeuses. Grâce aux travaux de chercheurs de l’Institut Curie, dont le Dr Elisabetta Marangoni, manager adjoint de la plateforme Expérimentations précliniques in vivo (CurieCoreTech / Département de recherche translationnelle), le Dr Marc-Henri Stern, chef de l’équipe Réparation de l’ADN et mélanome uvéal (Inserm U830 / Université Paris Cité) et le Dr Ivan Bièche, praticien au département de génétique ainsi qu’à l’équipe de Jos Jonkers à l’Institut néerlandais du cancer (NKI), un espoir se profile.

Les mutations BRCA1 et BRCA2 ne suffisent pas

Les scientifiques se sont intéressés au défaut de recombinaison homologue (HRD).  Les cellules qui en souffrent ne peuvent pas réparer correctement leur ADN lorsqu’une cassure touche les deux brins de celui-ci. Et le HRD est justement ciblé par les sels de platine : ils induisent des cassures double-brin et les cellules tumorales meurent, car elles sont incapables de les réparer.

Dans des modèles pré-cliniques, établis à partir de 55 tumeurs de patientes, les chercheurs ont donc évalué la corrélation entre la réponse à la chimiothérapie aux sels de platine et différents biomarqueurs potentiels liés au HRD. Parmi ceux-ci, les mutations dans les gènes BRCA1 ou 2 ou la méthylation de BRCA1, des modifications de l’ADN souvent à l’origine du HRD. Mais si celles-ci indiquent une tendance, elles ne sont pas statistiquement significatives.

Cette partie de l’étude nous a en revanche permis de découvrir qu’il faut que la méthylation de BRCA1 soit complète pour que la tumeur réponde aux sels de platine, ce qui explique la résistance de certains cancers dans lesquels BRCA1 n’est que partiellement méthylé

Souligne le Dr Elisabetta Marangoni.

La solution : le séquençage à faible résolution

Un autre biomarqueur a cependant livré des résultats intéressants : la signature génomique de la recombinaison homologue. Elle consiste à établir le profil génomique de la tumeur grâce à une technique mise au point par l’équipe du Dr Marc-Henri Stern, à l’Institut Curie : le séquençage à faible résolution de l’ADN de la tumeur (shallow whole genome sequencing).

Grâce à cette technique rapide, facile à mettre en œuvre et peu chère, nous pouvons savoir si une tumeur a un profil HRD ou non HRD

Simplifie le Dr Elisabetta Marangoni.

Et cette fois, la corrélation statistique est nette : la présence d’un profil HRD prédit une réponse à la chimiothérapie pour 93 % des tumeurs, tandis que son absence prédit la résistance à la chimiothérapie dans 65 % des cas.

Poursuivant leurs investigations, les chercheurs ont aussi repéré des mutations de deux autres gènes (XRCC3 et ORC1), également impliqués dans la réparation de l’ADN, expliquant la réponse de certaines tumeurs aux sels de platine.

Finalement, pour ne pas passer à côté des patientes répondeuses et ne pas proposer le traitement à celles qui n’y répondront pas, en leur épargnant ainsi les effets secondaires de cette chimiothérapie, une solution serait de prendre en compte le défaut de recombinaison homologue dans son ensemble, grâce au séquençage à faible résolution, sans forcément identifier la mutation qui en est à l’origine

Conclut le Dr Elisabetta Marangoni.

Une démarche qui demande à présent à être validée en clinique… Les équipes de l’Institut Curie s’y attèlent.

Référence : P. ter Brugge et al., Homologous Recombination Deficiency derived from Whole-Genome Sequencing predicts Platinum Response in triple-negative Breast Cancers, Nature Communications (2023). DOI: 10.1038/s41467-023-37537-2