Congrès de la Société Internationale d'Oncologie Pédiatrique (SIOP)

Cancers pédiatriques: les dernières avancées de l’Institut Curie présentées à la SIOP

21/10/2025

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Médulloblastome, rétinoblastome, sarcomes pédiatriques : les dernières avancées de l’Institut Curie en oncopédiatrie présentées à la SIOP

Désescalade thérapeutique, changement de pratique standard, nouvelles stratégies prometteuses… Chercheurs et médecins de l’Institut Curie sont présents au plus grand meeting international d’oncologie pédiatrique pour présenter les dernières innovations dans les traitements et la prise en charge des cancers de l’enfant, le congrès annuel de la SIOP qui se déroule à Amsterdam du 20 au 23 octobre 2025.

Chaque année en France, environ 2 300 enfants et adolescents sont touchés par un cancer. Si le taux de survie à 5 ans dépasse désormais 80%, la recherche en oncopédiatrie doit répondre à un double objectif : guérir plus en développant de nouveaux traitements et guérir mieux par la désescalade, la pertinence et l’innovation thérapeutiques (afin de limiter au maximum les complications et les séquelles).

 

Un essai clinique promu par l’Institut Curie valide des traitements moins toxiques pour des enfants atteints d’un certain type de médulloblastome 

Le médulloblastome est la plus fréquente des tumeurs cérébrales malignes de l’enfant- sachant que l’incidence annuelle de ces dernières est de 1900 cas par an en Europe1. Le médulloblastome fait partie du groupe des tumeurs embryonnaires du système nerveux central et se développe au niveau du cervelet et du 4ème ventricule. Parmi les médulloblastomes, 10 à 15 % correspondent à un sous-type moléculaire spécifique appelé WNT dont le pronostic est favorable avec un traitement postopératoire standard qui associe une irradiation craniospinale suivie d’une chimiothérapie. 

« Etant donné la rareté des cancers pédiatriques, et en particulier du médulloblastome pour lequel on dénombre environ une centaine de cas en France par an, il est absolument essentiel de fédérer nos forces au niveau européen voir mondial, pour développer les meilleures stratégies de prise en charge pour les jeunes patients » précise le Pr François Doz, oncologue pédiatre, directeur adjoint de la recherche clinique, l’innovation et l'enseignement dans le centre d'oncologie SIREDO de l'Institut Curie (soins, innovation et recherche en cancérologie de l’enfant, l’adolescent et le jeune adulte) et membre du conseil d’administration de la SIOP. 

Dans ce contexte, une étude prospective menée dans le cadre de l’essai clinique SIOP PNET5 MB, promu par l’Institut Curie en France et soutenu par le PHRC2, a évalué la réduction de la dose d’irradiation et du nombre de cures de chimiothérapie chez des patients de moins de 16 ans atteints de médulloblastome WNT. La caractérisation moléculaire ainsi que la validation des critères d’inclusion à partir des données d’imagerie de tous les patients français ont été effectuées à l’Institut Curie.

Les résultats, obtenus chez 82 patients inclus entre 2014 et 2022 et présentés par le Pr François Doz, coordonnateur scientifique de l’étude au niveau européen, confirment l’efficacité de cette désescalade thérapeutique et ce changement de pratique pour ces patients. « Notre objectif pour les cancers de bon pronostic est double : maintenir des hauts taux de guérison et réduire les séquelles, notamment cognitives dans ce cas, comme les troubles de mémoire, de la concentration ou les difficultés d’apprentissage, qui résultent de l’irradiation au niveau de l’ensemble du système nerveux central. Nous avons ainsi montré que la désescalade thérapeutique ne compromettait pas le bon pronostic de ce sous-groupe de patients » conclut le Pr François Doz.
 

Session orale Late breaker session – clinical trials – Pr François Doz – 22 octobre 2025 - Treatment de-intensification for WNT medulloblastoma : results from the low risk arm of the SIOP-PNET5-MB study.

Traitement du rétinoblastome : où en est la recherche ?

Dans le cadre d’une session spéciale du congrès de la SIOP 2025, le Pr François Doz fera le point auprès de la communauté scientifico-médicale internationale sur les dernières avancées dans la biologie du rétinoblastome, notamment dans l’exploration des anomalies génétiques tumorales. Le rétinoblastome est une maladie rare mais c'est le cancer intra-oculaire de l’enfant le plus fréquent. Environ la moitié des patients atteints de rétinoblastome présente une prédisposition génétique, exposant à un risque d’atteinte bilatérale, de tumeurs secondaires et de transmission de la maladie. 

Les chances de guérison du rétinoblastome sont élevées en l’absence de retard au diagnostic ; les enjeux sont aussi de préserver les yeux et la vision. Grâce à son équipe d’onco-ophtalmologie aujourd’hui dirigée par le Pr Alexandre Matet, l'Institut Curie est le centre de référence en France pour la prise en charge du rétinoblastome et est l’un des plus importants au monde.

« Des travaux majeurs3, menés par le Dr François Radvanyi, directeur de recherche CNRS à l’Institut Curie, ont mis en évidence l’existence de deux sous-groupes moléculaires dans le rétinoblastome, qui ont des profils différents et possiblement, des pronostics différents. Ces nouvelles données pourraient nous permettre d’adapter les traitements en fonction du type d’anomalies biologiques observées » explique le Pr François Doz. 

Par ailleurs, des approches de biopsies liquides sont développées par ponction de l’humeur aqueuse, effectuées par les ophtalmologistes et analysées dans le laboratoire du Dr Lisa Golmard à l’Institut Curie. « Cela permet d’avoir accès et d’analyser l’ADN tumoral circulant4 dans l’humeur aqueuse, en plus de la recherche d’anomalies génétiques dans le sang. Grâce à ces données recueillies et aux résultats des analyses moléculaires, l’information génétique des familles est facilitée et de nouvelles perspectives s’ouvrent pour les chercheurs. Ainsi, dès 2026, nous lancerons en France une étude européenne (EU RBG2), pour comprendre comment intégrer et dans quelles mesures prendre en compte les facteurs de risques moléculaires dans les décisions thérapeutiques et le monitoring de la maladie », conclut le Pr François Doz.
 

Session orale Keynote: retinoblastoma: new biological insights and clinical implications – Pr François Doz – 23 octobre 2025

Nouvelles données sur les sarcomes des tissus mous pédiatriques

En pédiatrie, les sarcomes des tissus mous peuvent se développer au niveau de la peau, des muscles, des nerfs, des vaisseaux ou encore de la graisse autour des os. Ils sont rares et représentent 6 % des cancers pédiatriques, soit une centaine de patients par an en France. Ils sont classés en deux catégories : les « rhabdomyosarcomes » (60 %), qui sont la forme de sarcome des tissus mous la plus fréquente entre 0 et 15 ans (même s’ils peuvent survenir à tout âge : du nouveau-né au jeune adulte) et les « sarcomes non rhabdomyosarcomes » (40 %). Ces derniers constituent un groupe très hétérogène de plus de 30 maladies différentes.
 

Mieux comprendre l’extension ganglionnaire dans ces maladies 

Dans les sarcomes pédiatriques non rhabdomyosarcomes, il reste beaucoup à comprendre de l’atteinte métastatique ganglionnaire sur l’évolution de la maladie. Une étude présentée au congrès, portée par les médecins de l’Institut Curie, vise à combler ces lacunes. Les données ont été recueillies auprès de 1937 patients, grâce à l’utilisation pour la première fois de la base internationale INSTRuCT (International Soft Tissue SaRcoma ConsorTium). Présentés à l’oral par le Dr Daniel Orbach, pédiatre, directeur adjoint et chef du service clinique du centre SIREDO de l’Institut Curie, montrent que l’atteinte ganglionnaire est rare dans les sarcomes lorsqu’ils surviennent pendant l’enfance, et se retrouve principalement dans certains sous-types particuliers (les angiosarcomes, par exemple).

L’approche thérapeutique multidisciplinaire recommandée par les directives internationales permet un contrôle adapté de l’atteinte ganglionnaire. « Nos résultats révèlent que nous arrivons facilement à contrôler l’atteinte ganglionnaire, excluant le besoin d’intensifier les traitements chez ces patients. Cependant, les atteintes ganglionnaires sont souvent le signe de maladies ayant des métastases à distance. Cela nous permet de mieux identifier les patients dès le début de leur prise en charge, personnaliser leur bilan initial (ponctions/biopsies ganglionnaires nécessaires ou pas par exemple) ou encore mieux préciser les pronostics » précise le Dr Daniel Orbach.

 

Caractérisation clinique d’un sarcome extrêmement rare avec un nouveau transcrit 

Un transcrit très spécifique résultant de la fusion de deux gènes -YWHAE::NUTM2A/B - a récemment été décrit dans un type de sarcomes des tissus mous (Undifferentiated round cell sarcoma – URCS). Cette anomalie moléculaire permet aujourd’hui de différencier cette entité tumorale exceptionnelle d’autres sarcomes indifférenciés. Avec pour objectif de mieux décrire les cas cliniques présentant cette fusion, une étude rétrospective nationale portée par les équipes de l’Institut Curie a été menée sur les données obtenues auprès de 7 patients pris en charge de 2013 à 2024. Les résultats, présentés par le Dr Sarah Winter, médecin spécialiste pédiatre à l’Institut Curie, montrent que les sarcomes, exprimant cette fusion de gènes très rares, touchent de très jeunes nourrissons et sont agressifs nécessitant donc un traitement intensif malgré l’âge de survenue très précoce de cette maladie (médiane d’âge au diagnostic : 1 mois). Ils suggèrent également qu’une recherche systématique du transcrit pourrait être menée en effectuant des séquençages d’ARN, et ce, afin d’améliorer la prise en charge précoce multidisciplinaire de ces jeunes patients. 

 

Les voies de signalisation MAP Kinase : de nouvelles pistes thérapeutiques pour les jeunes patients

Une autre étude, portée également par l’Institut Curie, a pour objectif d’explorer les voies de signalisation cellulaire MAP Kinase dans les rhabdomyosarcomes. Les résultats, présentés à la SIOP par le Dr Farah Ahmadalli, pédiatre assistante, qui recevra le 2025 Young Investigator Award pour ses travaux menés à l’Institut Curie, issus de l’analyse les données cliniques et biologiques des enfants atteints de rhabdomyosarcomes et montrent que chez 40% des patients, il existe des mutations dans ces voies MAP kinases. « Ce sont des voies de signalisation pour lesquelles il existe d’ores et déjà des traitements ciblés, ce qui nous laisse entrevoir de nouvelles pistes thérapeutiques pour les patients présentant une maladie de haut risque » conclut le Dr Daniel Orbach.
 

Session Free paper session: sarcomas - clinical – 23 octobre 2025 – Dr Daniel Orbach – Regional lymph node invasion in pediatric non-rhabdomyosarcoma soft tissue sarcoma (NRSTS) : an analysis from the international soft tissue sarcoma consortium (INSTRuCT)

Session Free paper session: sarcomas - clinical – 23 octobre 2025 – Dr Sarah Winter – YWHAE::NUTM2 soft tissue sarcomas in infants: from biology to clinics

Session Free paper session: soft tissue sarcomas - translational – 23 octobre 2025 – Dr Farah Ahmadalli - MAKIRA: MAP Kinase signaling pathways in Rhabdomyosarcoma.  

La SIOP educational day a eu lieu ce lundi 20 octobre 2025, organisée par le comité SIOP education, auquel participe le Pr François Doz. Se sont tenues de nombreuses sessions éducatives, faisant l’état de l’art de différents sujets, du diagnostic, à la prise en charge jusqu’au suivi de l’évolution de la maladie.

  • Pr François Doz – session SIOP educational: pharmacology and individualized drug dosing in pediatric oncology (10h15 – 11h45)
  • Dr Gudrun Schleiermacher - session SIOP educational/young SIOP: innovative diagnostics and biomarkers, including ctDNA (14h15 – 15h15)

 

Les équipes de l’Institut Curie ont participé également aux sessions posters du congrès :

Session Poster walk shift: new drugs and therapeuticsPr François Doz – 21 octobre 2025 - Long-term efficacy and safety of Larotrectinib in pediatric patients with TRK fusion primary central nervous system (CNS) tumors: an updated analysis

Session Poster on board: Shift 01: soft tissue sarcomasDr Daniel Orbach – 20-21 octobre 2025 - Risk factors and outcome of patients with initially resected (IRS-I/II) non-rhabdomyosarcoma soft tissue sarcoma: An Analysis from The INternational Soft Tissue SaRcoma ConsorTium (INSTRuCT) 

Session Poster on board: Shift 01: Rare tumours and histiocytosisPr Franck Bourdeaut - 20-21 octobre 2025 - A pronounced sensitivity to sarcoma-based chemotherapy guides the therapeutic strategy for pediatric SMARCB1-deficiet chordomas

Session Poster on board: Shift 01: soft tissue sarcomas Dr Anna Borvokov – 20-21 octobre 2025 - Refractory and progressive desmoid-type fibromatosis tumors in children: clinical aspects and approaches for subsequent therapeutic lines

 

Les posters Online

Session online – Dr Daniel Orbach - Solid pseudopapillary neoplasm of the pancreas in children and adolescents: the EXPeRT recommandations 

Session online – Dr Daniel Orbach - European Standard Clinical Practice (ESCP) for Pediatric Pheochromocytoma and Paraganglioma: A Consensus-Based Approach

Session online - Dr Lauriane Lemelle - EGFR internal intandem duplication tumors mimic soft tissue and renal NTRK fusion positive tumors: a multicentric national study

[1] Source : Changing geographical patterns and trends in cancer incidence in children and adolescents in Europe, 1991–2010 (Automated Childhood Cancer Information System): a population-based study. Lancet Oncol 2018; 19: 1159–69 Published Online August 8, 2018 http://dx.doi.org/10.1016/S1470-2045(18)30423-6

[2] PHRC : programme hospitalier de recherche clinique

[3] A high-risk retinoblastoma subtype with stemness features, dedifferentiated cone states and neuronal/ganglion cell gene expression. Jing Liu, Daniela Ottaviani, […] François Radvanyi. Nature Communications volume 12, Article number: 5578 (2021). https://doi.org/10.1038/s41467-021-25792-0

[4] ADNct : ADN circulant tumoral, soit des fragments d’informations génétiques provenant de la tumeur, qui peuvent être analysées pour étudier les caractéristiques et l’évolution de la maladie.

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