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CRISPR-Cas9 : l’Institut Curie s’équipe de ciseaux génétiques

26/02/2018
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En 2012, un duo de chercheuses décrit une nouvelle méthode pour éditer le génome. Cette innovation appelée CRISPR-Cas9 - il faut prononcer « crispeur » - s’impose dans les laboratoires de recherche en biologie comme aujourd’hui à l’Institut Curie avec l’ouverture d’une plateforme dédiée.

laboratoire-recherche

La technologie CRISPR-Cas9

CRISPR-Cas9 fonctionne comme une paire de ciseaux capable de couper précisément le génome. Cette technologie repose sur un complexe composé d'un petit brin d’ARN appelé « guide » et de la nucléase Cas9. Le complexe ainsi formé se lie à une séquence spécifique de l'ADN, complémentaire à l'ARN guide. Cette liaison est suivie de la coupure de l'ADN par Cas9. Les mécanismes cellulaires de réparation de cette coupure peuvent être utilisés afin d'introduire des mutations précises. Dès lors, les chercheurs peuvent manipuler l’ADN pour supprimer la fonction d'un gène ou le remplacer par un gène modifié (méthode dite de « recombinaison homologue »).

CRISPR-Cas9 nouvelle technologie ? Pas tant que ça. Le système CRISPR (Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats - Courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement espacées) est utilisé depuis des millions d’années par les bactéries. Elles s’en servent comme moyen de défense immunitaire adaptatif contre les virus. La méthodologie employée est simple et redoutablement efficace : une fois le génome de leur ennemi reconnu grâce à leur mémoire immunitaire, elles le détruisent en le coupant.

Une nouvelle plateforme de criblage génétique basé sur le CRISPR-Cas9 vient d’être créée au centre de recherche de l’Institut Curie. Elle suscite déjà un fort engouement.

Nous travaillons déjà avec 15 équipes de recherche comprenant différentes thématiques s’enthousiasme Camille Fouassier, la responsable de la plateforme.

Les applications à l’Institut Curie

Les applications en recherche sont vastes puisque les biologistes ont désormais la faculté d'introduire tous types de modifications génétiques en cellule ou en organisme modèle. En quelques années seulement, le CRISPR-Cas9 est devenu un outil central dans de nombreux programmes de recherche.

Le criblage génétique par CRISPR-Cas9 a notamment un très fort potentiel en cancérologie. Il est par exemple possible d'aborder le problème de la résistance aux traitements anti-tumoraux. Le criblage génétique permet d'identifier les gènes dont la mutation rend des cellules résistantes à une molécule thérapeutique. La technologie est également utilisée afin d'identifier le talon d'Achille de chaque type de cancer par une approche dite de létalité synthétique. Cette stratégie repose sur l'hypothèse que les mutations qui sont à l'origine des cancers créent de nouvelles vulnérabilités qui peuvent être utilisées afin de tuer les cellules cancéreuses. Bien que le criblage par CRISPR-Cas9 soit le plus souvent déployé dans des systèmes de culture cellulaire in vitro, l'ambition de la nouvelle plateforme est de travailler au plus près de l'environnement tumoral d’origine. A l'étude notamment, l'utilisation de systèmes de culture en 3D (dits organoïdes) qui recréent in vitro une partie des propriétés architecturales des tumeurs. Une approche également développée est l'application des cribles génétiques sur des greffes de tumeurs de patients, qui représentent actuellement le meilleur modèle d'étude pré-clinique.

Une autre application de la technologie concerne l'étude des mutations récurrentes retrouvées dans les cancers.  Ces mutations peuvent conduire à l’augmentation de l'activité de protéines oncogènes ou, à l’inverse à une perte de la fonction de protéines qui freinent le développement tumoral. On comprend cependant encore très mal la fonction de la plupart des gènes mutés dans les cancers.

En réintroduisant ces anomalies génétiques dans des lignées cellulaires grâce à CRISPR-Cas9, les chercheurs sont en mesure d'évaluer leur impact sur le développement tumoral précise Michel Wassef, co-directeur scientifique de la plateforme.

Des applications en immunothérapie sont aussi en cours de développement. Des lymphocytes T prélevés sur le patient sont modifiés génétiquement pour exprimer un récepteur chimérique programmé à reconnaître un marqueur tumoral (cellules CAR T) et détruire ainsi les cellules malades.