Les compositeurs du projet Muse-IC

22/01/2019
Partager

Six compositeurs se sont lancés dans l'aventure: pendant plusieurs mois, ils ont échangé avec des chercheurs afin de comprendre leur travail et ont composé une pièce directement inspirée par leur découverte scientifique.

compositeurs v2

Jean-Marie Gagez

Jean-Marie Gagez

Compositeur, Jean-Marie Gagez est agrégé de musicologie, titulaire d’un Master et de quatre premiers prix du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. Il s’est formé auprès de musiciens reconnus comme Jean-François Zygel et Jean-Claude Reynaud pour l’harmonie, Pierre Pincemailles pour le contrepoint, Olivier Trachier pour les polyphonies anciennes, Guillaume Connesson et Marc-André Dalbavie pour l’orchestration. Il s’est fait connaître en 2011 en collaborant avec les Ministères de la Culture et de l'Écologie qui lui commandèrent une œuvre à l’occasion des célébrations du 400ème anniversaire du phare de Cordouan, œuvre qui sera créée en pleine mer dans la chapelle du phare. En 2013, il est artiste en résidence à Gargenville dans l’ancienne maison de Nadia Boulanger où il entame la composition d’une série d’œuvres pour instruments anciens. Son répertoire s’étend d’œuvres pour instrument seul aux œuvres chorales et symphoniques.

 

Les voies de la lumière, pour violoncelle 

inspiré par le sujet: Les premières vibrations de l’univers et la quête des premiers amas de galaxies, proposé par Hervé Dole, Institut d’Astrophysique Spatiale, Université Paris-Saclay, France

 

Passionné depuis l’enfance par tout ce qui touche de près ou de loin à l’espace, je me suis naturellement tourné vers un des sujets d’astrophysique proposés par le projet.

Le sujet d’Hervé Dole me paraissait le plus adéquate à mettre en musique. J’en ai dégagé deux idées principales : la première concerne l’apparition de la lumière. Jusqu’en 380 000 après le Big Bang, le cosmos nous apparaît dense et opaque. Mais à cette date, l’univers devient transparent, laissant apparaître la lumière du rayonnement fossile. L’univers s’illumine alors, mais cette lumière est diffuse car les sources de lumière localisées que sont les étoiles et les galaxies n’ont pas encore fait leur apparition.

La seconde idée est que, sous l’effet de son expansion, l’univers se dilue et se refroidit, entraînant ainsi l’inversion du rapport énergétique entre lumière et matière. La lumière va peu à peu perdre de sa dominance et c’est la matière qui va prendre le contrôle des affaires de l’univers. La gravité va faire croître les semences de galaxies, détectées comme de minuscules fluctuations de température du rayonnement fossile. Des structures de plus en plus élaborées font leur apparition au cours du temps jusqu’à ce que les boules gazeuses formant les étoiles s’allument, marquant ainsi la fin de l’ère pré-stellaire.

Avec cette œuvre j’ai voulu traduire au plus près ce processus cosmique et le sentiment d’émerveillement qu'il en résulte. Par la richesse et la diversité de leur timbre, les instruments à cordes frottées étaient tout désignés pour ce projet. Après plusieurs essais avec différentes combinaisons, le choix d’utiliser un seul instrument – le violoncelle – m’est apparu comme une évidence pour traduire à la fois l’unité, la profondeur et l’homogénéité initiales de l’univers. Cette évidence à été renforcée par la possibilité d’une correspondance entre les quatre cordes du violoncelle et les quatre forces fondamentales qui gouvernent l’univers (gravitationnelle, électromagnétique, interaction faible et interaction forte). Il y a aussi un clin d’œil à la célèbre Théorie des cordes qui tente de réconcilier la physique quantique et la relativité générale en stipulant que toutes ces forces viennent à l’origine d’un seul élément : les cordes…

Les quatre cordes à vide de l'instrument forment le matériau de base de l'œuvre construite sur deux moments contrastés : le premier, très "vibratoire", évoque par des effets d’harmoniques l’apparition progressive de la lumière autour de l’idée de transparence. Le second, plus contemplatif, cherche à traduire la découverte des premiers amas de galaxies. L’un des enjeux majeurs de la pièce repose sur un double paradoxe : vouloir évoquer le déploiement de l’infiniment grand sur des durées vertigineuses avec une pièce de dix minutes écrite pour un instrument seul. 

 

Emmanuel Hieaux

Emmanuel Hieaux

Emmanuel Hieaux est né à Dreux en 1958. Il reçoit une formation à la fois musicale et littéraire : Études de piano à l’Ecole Normale Supérieure de musique de Paris et Licence de lettres et de littérature anglaise à l’université de Nanterre. Dès lors, les correspondances de la musique avec d'autres formes d'expression artistique sont à l'origine de plusieurs de ses partitions, telles que : Sur trois Poèmes d’Eluard pour violon et piano, la suite Et Dieu vit que cela était bon d’après les toiles du peintre Guillaume Villaros, une musique intégrale pour le film l’Aurore de Murnau ainsi que pour le conte Hänsel & Gretel d’après Grimm.

Sa rencontre avec la pianiste Yvonne Lafarge se révèle déterminante, tout comme ses études d’écriture et de composition sous la direction de Jacques Castérède, professeur au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. Dès l’enfance, Schumann et Ravel figurent parmi ses compositeurs préférés. Par la suite, Berg et Bartók l’ont particulièrement inspiré. Pour le musicologue Philippe Fourquet : "La musique d’Emmanuel Hieaux se développe souvent librement autour d’une ligne narrative. Son esprit d’analyse et son goût du détail n’enferment aucunement son langage dans des règles d’écriture trop strictes et figées. "

En 1990 et 1991, il est lauréat de la Fondation Robert Laurent-Vibert au Château de Lourmarin et rejoint l’association du Triptyque à Paris. Depuis, Emmanuel Hieaux reçoit de nombreuses commandes pour des solistes ou des formations instrumentales (l’Ensemble Rhapsodes, le Trio Pangea, le Quatuor Kocian, le violoniste André Pons-Valdès, les pianistes Ivan Klansky, Richard Damas, Bruno Belthoise).

Ses œuvres sont enregistrées, jouées en France ou à l’étranger (Canada, République Tchèque, Chili, Portugal...) et ont été diffusées sur France-Musique, Radio-Classique Québec, Prague Classique FM, ainsi que sur Antena 2 à Lisbonne.

 

L’année du baccalauréat, j’ai intensément désiré entreprendre des études de biologie dans le but de me consacrer à la recherche. En effet, aller toujours plus loin dans l’observation objective d’un fait, tenter de l’interpréter en fonction des connaissances acquises sans cesse renouvelées et de sa propre intuition était pour moi un fabuleux cheminement tout de rigueur et de liberté.

Ce qui m’a été donné d’entendre a prévalu et je me suis consacré à la composition. Depuis, je n’ai eu de cesse de suivre le fil fragile et secret de l’audition intérieure et de le révéler.

Le projet Muse-IC initié par Judith Miné-Hattab est une remarquable occasion de mettre en regard la disponibilité du chercheur et du compositeur : tous deux dévoilent un fragment de ce qui leur préexiste et servent ainsi de nouvelles perspectives dans leur domaine. Ils sont en quelque sorte des archéologues du renouveau et du progrès.

 

Du déroulement multiple et révélé du temps, affleure le bal des retrouvailles, pour clarinette en Sib, quatuor à cordes, marimba et piano

inspiré par le sujet: Cassure double-brins : une danse multi-échellesproposé par Judith Miné-Hattab, Rodney Rothstein laboratory, Columbia University Medical Center, New York, USA .

 

Ma rencontre avec le sujet de recherche de Judith Mine-Hattab a été fulgurante : insouciance, rupture et réparation ; voilà un conte scientifique, une allégorie de la vie dont la mise en musique allait me permettre d’unir la description rigoureuse de la découverte à l’insolente et harmonieuse licence poétique et d’écrire une pièce en trois mouvements encadrés d’un prélude et d’un postlude dans un déroulement ininterrompu.

Dans un univers peuplé d’entités qui se meuvent dans une parfaite plénitude, un long double-brins d’ADN apparaît, séduit et mu par un désir sans cesse grandissant ; il s’enroule autour d’elles, se resserre et devient une minuscule et dense pelote qui, dans un rythme de plus en plus effréné, danse au-dessus du volcan. Survient la cassure. Le double-brins fractionné s’affole et souffre d’avoir perdu une partie de lui-même. S’ensuit le temps de la réparation. Il lui faut retrouver son double qui lui remettra la partie manquante et lui permettra de retrouver son unité. Une fois cela accompli, revient la paix.

Les nombreux échanges avec Judith, tout autant biophysicienne que musicienne, ont été enrichissants et féconds tant dans l’observation objective que dans l’interprétation subjective :

Mise en place des protagonistes

–  Rôle-titre : le double-brins d’ADN est interprété par l’alto et la clarinette. Indissociables l’un de l’autre, ils ne cesseront de dialoguer, toujours unis, que ce soit dans la sérénité, l’insouciance, le désir, la douleur, la souffrance et la paix retrouvée.

– Le chœur : Protéines sur lesquelles s’enroule le double-brins qui sont autant d’entités indépendantes l’une de l’autre; le piano, le marimba, le violoncelle et les deux violons chanteront, danseront en un contrepoint mélodique et rythmique.

- Pulsations multiples. Interprétation subjective des causes de la cassure. Chacune des entités respire et se meut sur une pulsation qui lui est propre. Autant de libertés individuelles en autarcie sur lesquelles le double-brins, séduit, s’enroule et s’anime jusqu’à l’excès et la rupture.

- Découpage objectif du temps de réparation. Mesurer cette durée à des échelles de plus en plus petites permet de révéler, simultanément à l’immobilisme apparent des éléments, leurs mouvements de plus en plus vifs.

Cette collaboration si sincère et naturelle avec Judith est une nouvelle pierre blanche sur mon chemin. Elle me permettra désormais de me rendre encore plus disponible au monde sensible et de l’interpréter dans un fécond et rigoureux respect.

Merci à Judith Mine-Hattab et Angela Taddei.

 

Denis Ramos

Denis Ramos

Né à Saint-Étienne, France, Denis RAMOS (1986) débute ses études musicales en apprenant la guitare classique. Il obtient quelques années plus tard son Brevet d’Exécution Supérieur d’interprète à l’École Normale de Musique de Paris dans la classe d’Alberto Ponce. Titulaire d’un Master de musicologie de La Sorbonne en soutenant un mémoire sur la vocalité dans l’oeuvre de Luciano Berio, il intègre le Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris et est récompensé de deux Master, en écriture et en composition, ainsi que de deux prix supérieurs en analyse et en orchestration. Il a suivi les cours de composition d’Édith Canat de Chizy au CRR de Paris, d’Arnulf Herrmann à la HfM de Berlin grâce au programme d’échange Erasmus, et de Frédéric Durieux au CNSM de Paris.

Ses oeuvres sont créées et diffusées à travers l’Europe, par des interprètes, chefs et ensembles tels que Jan Krejcìk, Jean-Philippe Wurtz, Philippe Aïche, Pieter-Jelle de Boer, Marc-Antoine Perrio, Rémi Durupt, Marie Ythier, l’Ensemble Intercontemporain, l’Ensemble Orchestral Contemporain, l’Orchestre de l’Abbaye-aux-Dames et le Collectif Warning.

Il reçoit en 2012 la bourse de la Cité Internationale Universitaire de Paris pour l’excellence de son parcours et en 2014 la bourse de la Fondation Meyer pour le développement artistique et culturel.

La Fondation Salabert lui décerne en 2017 un Prix de Composition pour sa pièce d’ensemble Courante.

 

Aiôn, pour clarinette en sib, marimba, harpe et quatuor à cordes

inspiré par le sujet: De la cellule à l’embryon: ces heures cruciales qui nous façonnent, proposé par l'Equipe de Nathalie Dostatni, Institut Curie, Paris, France

 

Aiôn est une divinité primordiale dans la mythologie grecque, ainsi qu’un concept philosophique antique lié à l’infinitude du temps. Ce mot signifie littéralement « durée de la vie », puis par extension « destinée » et « éternité ».

C’est dans la perspective d’un temps vital se perpétuant à l’infini qu’une correspondance s’est amorcée entre la recherche scientifique de Carmina Perez Romero et mes propres recherches compositionnelles. 

J’ai été frappé par la beauté des extraits vidéos réalisés par les chercheurs. Deux films montrent en vision microscopique les premières divisions cellulaires d’un embryon de drosophile. On y voit un groupe de cellules qui toutes au même instant se divisent pour créer chacune deux nouvelles cellules, et ainsi de suite. Le temps des vidéos est condensé de sorte que l’on voit en 1 minute ce qui est censé se passer en 1 heure et demi, grâce à cela la vie cellulaire est beaucoup plus perceptible à nos sens et on a l’impression d’assister à un vrai ballet organique. 

J’ai développé dans ma partition une polyphonie musicale qui se veut le reflet des processus de division et de prolifération cellulaires. La notion de cycle y est fondamentale. Le flux polyphonique se répartit en trois groupes instrumentaux: le quatuor à cordes, le duo clarinette/marimba, et la harpe. Un préambule et un postambule encadrent et complètent ce long processus sonore qui se déploie durant près de huit minutes.

J’ai aussi transposé musicalement et avec une certaine liberté d’autres phénomènes qui se produisent durant cette genèse: notamment la « nucléarisation » des cellules qui a lieu au 14ème cycle de division cellulaire, ainsi que la « vague mitotique » qui résulte du décalage progressif des divisions d’une cellule à l’autre.

Les échanges avec Carmina Perez Romero et Nathalie Dostatni, toutes deux membres de l’équipe de recherche, ont été déterminants dans l’élaboration de ma pièce. J’ai eu la chance de pouvoir visiter leur laboratoire à l’Institut Curie, de rencontrer une partie de l’équipe, d’en apprendre plus sur leur pratique et même de m’essayer à l’observation de drosophiles au microscope! Cette immersion dans l’univers de la recherche scientifique était passionnante et m’a permis d’aller plus loin dans ma démarche créative.

Je suis reconnaissant à l’Institut Curie et l’université PSL d’avoir permis l’existence de ce projet enrichissant et je tiens à remercier particulièrement Garance Alberman et Judith Mine-Hattab qui l’ont remarquablement conçu.

 

Amir Bitran

Amir Bitran

Amir Bitran est un scientifique et un compositeur dont la multiculturalité représente peut-être le moteur le plus important de son élan musical. Son éducation dans une famille mixte juive et latino-américaine aux États-Unis a façonné sa vision du monde et défini son langage musical. Les compositions d’Amir ont été interprétées aux États-Unis par des ensembles renommés, notamment le Parker Quartet, récompensé par un Grammy Award, le Boston Philharmonic Youth Orchestra et les Princeton Singers au forum des compositeurs pour chorales Lehigh/ACDA en 2018, ainsi qu’en Italie lors des Cortona Sessions for New Music de 2016 ou encore au Mexique par le Cuarteto Latinoamericano, également récompensé par plusieurs Grammy Awards. Amir est actuellement étudiant à Harvard où il étudie la composition avec Osnat Netzer et poursuit un doctorat en biophysique, son autre grande passion. Il cherche tout particulièrement à comprendre comment les molécules biologiques, telles que les protéines et l’ADN, acquièrent leurs structures fonctionnelles et comment ces structures élégantes et complexes ont évolué au fil du temps. Amir effectuait des recherches dans le groupe du professeur Leonid Mirny lorsque le laboratoire a été invité par le projet Muse-IC à présenter ses travaux scientifiques sur la manière dont l’ADN acquiert sa structure. Amir participe à ce projet en tant que scientifique, aux côtés du professeur Mirny, ainsi qu’en tant que compositeur. Il souhaite mettre à profit cette initiative pour conjuguer ses deux passions et présenter des avancées scientifiques passionnantes par le biais d’un moyen artistique expressif et universel.

 

Quand l'ADN fait des bouclespour clarinette en sib, violon, alto, violoncelle, piano, percussions

inspiré par le sujet : Quand l’ADN fait des boucles, proposé par Leonid Mirny, MIT, États-Unis, Amir Bitran, Harvard University Program in Biophysics, États-Unis

 

Cette œuvre est une peinture musicale de l’ADN de notre corps et de ses dynamiques et structures changeantes et élégantes à la fois. Toutes les cellules de notre corps partagent le même génome (la totalité de l’ADN d’un organisme) et pourtant, chacune d’entre elles remplit des fonctions très différentes. Ces différences résultent de variations dans l’organisation physique du génome, qui détermine si différents gènes sont « activés » ou « désactivés ». Cette composition décrit les processus par lesquels le génome acquiert ses diverses structures, en se concentrant sur un processus récemment découvert par lequel les protéines extrudent de longues fibres d’ADN en boucles. Sur le plan musical, ces « boucles » émergent tout d’abord de l’alto et sont ensuite transmises à d’autres instruments ; elles grandissent et se rétractent pour créer des textures plus élaborées évoquant l’action et l’organisation concertées de multiples boucles dans l’ADN. Mais outre ce processus hautement dirigé et guidé, notre génome est également sculpté par des forces plus passives s’apparentant à la gravité, qui provoquent l’effondrement et l’union de différentes parties de l’ADN. Cet effondrement est décrit musicalement quelques minutes après le début de l’œuvre par des glissandi descendants ou encore des sonorités ressemblant à des soupirs. Bien que ces deux types de processus conduisent à des dynamiques contrastées, ils doivent travailler de concert pour organiser le génome. Au fur et à mesure que la pièce avance, on parvient à distinguer un certain rapprochement entre ces différentes textures musicales, qui finissent par se transformer en un grand final rappelant un choral. Les forces qui organisent notre génome à l’échelle microscopique sont changeantes et chaotiques, mais elles créent collectivement de magnifiques structures qui génèrent l’incroyable diversité de la vie sur Terre.

 

Alexandra du Bois

Alexandra du Bois

La musique de la compositrice Alexandra du Bois, installée à Manhattan (Ph.D. Stony Brook University ; M.M. The Juilliard School ; B.M. Indiana University Jacobs School of Music) a été jouée dans des salles de concert des cinq continents – ses voyages créant un lien tangible avec les lieux qui influencent et inspirent son travail – une musique qui « tente d’être une conscience à une époque d’oubli » (David Harrington du Kronos Quartet) et « offre une interface extraordinaire entre le traditionnel et l’avant-garde » (New Zealand Herald). Alexandra du Bois est compositrice d’œuvres pour orchestre, musique de chambre, d’œuvres vocales et d’œuvres multidisciplinaires. Décrite comme « une compositrice américaine intense et lumineuse » (Los Angeles Times) et « un peintre qui sait exactement où son tableau sera accroché » (New York Times), les œuvres d’Alexandra du Bois ont été distribuées par Harmonia Mundi, Kronos Quartet et Perspective Recordings. Elle a également été compositrice en résidence au Dartmouth College, au Carnegie Hall avec le Weill Institute, au Merkin Concert Hall, au Harrison House, au Mammoth Lakes Music Festival et au Southwest Chamber Music à Los Angeles et au Vietnam.

 

Quiescence, pour clarinette basse (jouant aussi clarinette en sib), violon, alto, violoncelle, piano

inspiré par le sujet : Quand nos cellules sommeillent : quiescence et renaissance, proposé par l’équipe d’Angela Taddei, Institut Curie, Paris, France

 

L’idée que les cellules peuvent être très actives en « dormant » et que derrière la beauté sereine du « sommeil » ou du son peut se trouver le réservoir le plus intense d’émotions, de textures musicales et de simplicité active : ce concept et cette dichotomie de la quiescence en biologie cellulaire traduits directement en musique représentent pour moi le noyau du quintette. Les échanges directs avec l’équipe scientifique ont permis de renforcer cette inspiration tirée de leurs recherches, et du concept important de quiescence, créant ainsi une sorte d’intimité musicale avec la science. La mélodie, les effets, les motifs et couches rythmiques ont été inspirés par la quiescence : la musique peut être statique, inactive et calme tout en étant extrêmement active. Le clignotement stochastique vacillant généré par la microscopie PALM1 a également exercé une influence musicale directe sur le quintette. Mais la traduction en musique de cette source d’inspiration provenant de la science n’était pas littérale ; je ne voulais pas imiter ou mimer des processus scientifiques d’imagerie ou de recherche. À la place, j’ai écouté mon ressenti personnel et j’ai exploré, à travers le prisme de la poésie et de l’abstraction, certains des sons et des motifs que j’associe à l’imagerie, à la recherche scientifique et aux mouvements liés à l’état de quiescence. « L’Abstraction », dit le peintre arméno-américain Arshile Gorky, « permet à l’homme de voir avec son esprit ce qu’il ne peut pas voir physiquement avec ses yeux. L’art abstrait permet à l’artiste de percevoir au-delà du tangible, d’extraire l’infini du fini. C’est l’émancipation de l’esprit. C’est une explosion en des territoires inconnus. ». Le quintette Quiescence est dédié à Judith Miné-Hattab et à l’équipe d’Angela Taddei.

1 PALM (Photo Activable Localozation Micrsocopy) est une technique de microscopie super résolution récemment développée permettant de visualiser chaque molécule présente dans des objets biologiques avec une précision allant jusqu'à 20 nanomètres. On parle de microscopie à l'échelle de la molécule unique. Le principe de cette technique est de faire apparaitre chaque molécule l'une après l'autre, de manière à pouvoir les localiser au dela de la limite de la diffraction de la lumière. Ces expérences, dans lesquelles chaque molécule brille puis s'éteint l'une après l'autre, révélant la structure complexe et détaillée d'un objet, donnent un rendu très poétique. 

 

Geoffrey Gordon

Geoffrey Gordon

Les contributions du compositeur anglo-américain Geoffrey Gordon au répertoire de la musique contemporaine ont été et continuent d’être exceptionnelles. Sa musique a été qualifiée de « mélancoliquement séductrice » (New York Times), de « complexe, profondément épanouissante » (BBC Music Magazine), « époustouflante » (Philadelphia Inquirer), « iridescente et ardente » (The Chicago Tribune), « rigide et exaltante » (Classical Ear), « envoûtante » (Strings Magazine), « captivante » (Bachtrack) et « remarquable » (Fanfare). Le critique musical du Chicago Tribune, John von Rhein, a dit du lux solis aeterna de M. Gordon qu’il était « une beauté cosmique [...] d’une musique minutieusement élaborée ». Le London Philharmonia parle de « son style contagieux » et d’« une oreille pour la mélodie », le New York Times de son « enthousiasme pour l’expérimentation sonique ».

Le Philharmonia va interpréter la première du concerto pour clarinette basse Prometheus de Geoffrey Gordon, inspiré de la version revisitée de Franz Kafka, à la RFH de Londres www.philharmonia.co.uk/concerts/2132 ; les premières américaines et nordiques suivront en 2019 et seront jouées par l’Orchestre du Minnesota et l’Orchestre symphonique de Malmö. Sa mise en musique enchanteresse d’Ode à un rossignol de Keats, pour chœur et violoncelle, a été créée en mai 2018 à Copenhague et figurera sur un nouveau CD de trois de ses œuvres pour violoncelle enregistrées par le Copenhagen Philharmonic sous la direction de Lan Shui. Ses cycles de chansons, Peter Quince at the Clavier et Sonnets from Neruda ont été créés en mars 2018 au Centre Arnold Schoenberg de Vienne, et en octobre 2017, l’Orchestre philharmonique de Munich dirigé par James Gaffigan a joué son concerto pour trompette CHASE d’après les sculptures de Giacometti. Sa sonate pour violoncelle FATHOMS a été créée à Carnegie Hall en décembre 2015 et son Winterleben pour cor, mezzo et piano (commandé pour Andrew Bain, premier cor de l’Orchestre philharmonique de Los Angeles,), a été interprété pour la première fois en août 2015 dans le cadre du 47e Symposium international dédié au cor organisé à Los Angeles. Son concerto Saint Blue pour trompette, piano et cordes a été salué dans le BBC Music Magazine et son Harmonie pour soprano et violoncelle a été sélectionné comme lauréat du concours BCMG Marx Lieder, et présenté pour la première fois à Trèves et Birmingham en septembre 2018. Gratifié de plusieurs résidences internationales, il a été compositeur en résidence à deux reprises à la Aaron Copland House et a remporté le prix Mario Merz 2017 dans la catégorie composition musicale. 

 

L'inflation cosmique et la fin des âges sombrespour clarinette basse (jouant aussi clarinette en sib), harpe, piano, quatuor à cordes

inspiré par le sujet : Les premières vibrations de l’univers et la quête des premiers amas de galaxies, proposé par Hervé Dole, Institut d’Astrophysique Spatiale, Université Paris-Saclay, France

 

Une grande partie de mon travail a été influencée, de diverses manières, par mon intérêt profond pour la science, non seulement la science de l’acoustique et les mécanismes de la musique comme exploration sonore, mais également les nombreux aspects de l’étude scientifique qui semblent avoir une affiliation naturelle avec la musique. Des motifs visibles et brillants en forme de disques qui apparaissent dans les panaches d’échappement des systèmes de propulsion aérospatiale, appelés disques de Mach, aux propriétés extraordinaires des neutrinos (qui sont devenus la base de mon œuvre de musique de chambre, lux solis aeterna), j’ai trouvé de la musique dans la science. Il était donc naturel pour moi de vouloir faire partie du projet Muse-IC. J’étais très heureux de pouvoir explorer l’univers primitif, car cela m’intéresse tout particulièrement. 

Le privilège de travailler avec l’astrophysicien Hervé Dole était véritablement unique. Ses recherches sont extraordinaires et créent un partenariat naturel avec le son. J’ai trouvé que son travail était profond et vraiment inspirant. Ce fut un grand plaisir d’échanger avec lui. Tant d’inventions sonores sont enfouies dans cette recherche sur les vibrations et les motifs de l’univers primitif : le défi était de parvenir à regrouper ces idées en une œuvre de musique de chambre de dix minutes ! Ma musique contient de nombreux corollaires qui découlent directement des recherches du professeur Dole, de l’inflation cosmique de l’univers primitif au lendemain du Big Bang à la transparence de l’univers et à la dispersion de la lumière qui a suivi. Tout y est à découvrir. Ce morceau exprime la violence et la transparence de ces moments intenses de création, en tant que paysage musical composé de groupes de sonorités et d’harmoniques limpides, de pizzicati aux cordes, de glissandi de harpe intermittents et de gémissements profonds de la clarinette basse. En dix minutes concises, la musique de ce moment extraordinaire de la vie de l’univers est exprimée et explorée. Il y a des mathématiques dans la musique, mais le son de la création, inspiré par la science, est exécuté ici comme un son pur.

Et ce mélange de science et de son continuera d’influencer longtemps mon travail de compositeur, j’en suis convaincu.