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L’épigénétique : au-delà des gènes

23/03/2017
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Nos gènes ne sont pas les seuls maîtres du destin de nos cellules. La manière dont ils sont utilisés comptent aussi et assurent le maintien de l’identité cellulaire. C’est ce que l’on appelle l’épigénétique, un domaine de recherche bouillonnant d’activité, déjà qualifiée de prometteur par les cancérologues.

Possédant toutes le même patrimoine génétique, les cellules ont pourtant chacune une mission spécifique : nerveuse, hépatique, immunitaire, musculaire… Pour constituer un être humain unique. Missions qu’elles ne doivent pas oublier. Par quels moyens obtient-on cette diversité ? Comment ces cellules enregistrent-elles leur destin ? L’une des clés de ce mystère réside dans ce que l’on appelle l’épigénétique.

Interpréter une partition

Les modifications épigénétiques sur l’ADN ou les histones – les molécules autour desquelles s’enroulent l’ADN - influencent la manière dont une cellule utilise ses gènes. Ces marques contrôlent le statut actif, « on », ou inactif, « off », des gènes. Il peut s’agir de l’adjonction de molécules qui "cachent" l'ADN comme par exemple une méthylation, ou de modifications de l'architecture en trois dimensions de la chromatine, la structure hautement organisée que forme l’ADN enroulé autour des histones.

Les modifications épigénétiques agissent comme des annotations sur une partition de musique. Elles indiquent à l’orchestre comment jouer la musique. Ces « modifications » différentes d’une cellule à l’autre participent à l’arrangement de la partition que chaque cellule jouera différemment.

« Les altérations génétiques ne sont pas les seules à participer au développement des cancers, souligne Geneviève Almouzni, directrice du Centre de recherche et à la tête d’une équipe de recherche dédiée à cette thématique. Au fur et à mesure des découvertes, il apparaît clairement que des « dérégulations » épigénétiques rentrent aussi en jeu dans la cancérogenèse car elles peuvent modifier l’expression de gènes-clés ».

 

Cancer et épigénétique : des liens étroits à élucider

Le cancer est la résultante de mécanismes où, à des mutations génétiques qui touchent la séquence des gènes ou génome, s’ajoutent d’autres modifications aujourd’hui appelées épimutations qui altèrent les gènes mais sans toucher la séquence, constituant l’épigénome.

Comme l’explique Edith Heard, professeure au Collège de France et directrice de l’unité Génétique et Biologie du développement (Inserm/Institut Curie) « on ne peut plus ignorer qu’une cellule cancéreuse comporte aussi bien des mutations génétiques que des modifications épigénétiques par rapport à une cellule normale. Ce que nous devons mieux comprendre, c’est à quel point ces changements épigénétiques influencent le développement d’un cancer et quelle est leur importance dans la croissance tumorale. »

 

Nouveaux biomarqueurs

Une chose sur laquelle s’accordent les chercheurs est que les changements épigénétiques peuvent être observés entre cellules cancéreuses et cellules saines. Voilà qui peut fournir des biomarqueurs particulièrement utiles pour « détecter et distinguer différents types de cancers ». Plusieurs équipes de l’Institut Curie travaillent ainsi à l’identification de modifications caractéristiques des cellules cancéreuses, appelées « signatures épigénomiques ».

 

Mécanismes réversibles

Côté traitement, l’épigénétique commence déjà à donner des résultats. Des médicaments qui inhibent des mécanismes épigénétiques se montrent très prometteurs pour traiter certaines tumeurs. Si les modifications épigénétiques intéressent tant les chercheurs qui luttent contre le cancer, c’est qu’il s’agit de mécanismes réversibles, sur lesquels il est a priori plus facile d’intervenir que sur la séquence même de gènes, dans le cas de mutations génétiques. Il existe d’ores et déjà des médicaments ou épidrogues qui ciblent ces modifications. Deux d’entre eux, par exemple, l’azacitidine et l’entinostat, sont essentiellement employés pour traiter des malades touchés par certains cancers du sang.