Single Cell : « une technologie disruptive »

10/12/2018
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L’Institut Curie s’équipe d’une plateforme dédiée à une technologie d’analyse biologique émergente, dite Single Cell, qui permet d’étudier à haut débit les propriétés spécifiques des cellules, une par une. Geneviève Almouzni nous présente les enjeux et les promesses de cette technologie en développement.

Geneviève Almouzni
  • Le principe de l’analyse de cellules uniques est prometteur en cancérologie notamment. Peut-on le qualifier de révolutionnaire ?

Je dirais que c’est une technologie disruptive. Jusqu’à présent, on ne pouvait obtenir qu’une analyse moyennée à l’échelle d’un ensemble de cellules, souvent hétérogène. Avec Single Cell, on accède maintenant individuellement à chaque cellule dans un ensemble en distinguant leurs propriétés spécifiques individuelles. De ce fait, on peut envisager de cibler les cellules dangereuses par des traitements adaptés.

Et les champs d’applications sont plus larges que la seule cancérologie : maladies neurodégénératives, maladies immunes, résistance aux traitements…

  • Qu’est-ce qui a motivé l’intérêt de l’Institut Curie à analyser les cellules une par une ?

C’est ce constat d’une limitation des approches globales sur les tumeurs, le besoin d’accéder à leur hétérogénéité et leur environnement. Sachant que des médicaments ciblant certaines caractéristiques individuelles des cellules existent déjà, la capacité de les appliquer dans un contexte où il a été jusqu’à présent impossible de détecter ces caractéristiques est un grand pas ! Les possibilités ouvertes par le développement de ces technologies Single Cell, pour identifier ces caractéristiques, stimulent autant les cliniciens que les chercheurs pour mettre en œuvre une médecine plus que personnalisée : individualisée selon le type cellulaire : un médecine cellulaire.

  • Quels sont les atouts de l’Institut Curie pour mener un tel projet ?

Le socle fort en compétences qui existe à l’Institut Curie en microfluidique est un atout majeur. Les principes physiques de la microfluidique appliqués aux questions des biologistes ont permis la mise au point de techniques permettant d’isoler des cellules individuelles dans des microgouttelettes, à la base de Single Cell. Nous les avons développées notamment avec l’ESPCI, École supérieure de physique et de chimie industrielle de la ville de Paris. Nous travaillons aussi dans un environnement porteur qu’est l’université PSL, et à l’international, avec d’autres laboratoires, impliqués notamment dans le projet Human Cell Atlas. Plus localement, la combinaison avec nos approches en séquençage, en bio-informatique (des technologies mises en œuvre dans le cadre de nos plateformes CurieCoreTech), nous donne une appétence pour de tels projets dans toute la dimension de l’analyse associée.

  • Comment ces recherches s'inscrivent-elles dans le projet scientifique du Centre de recherche au cœur du Projet d'établissement MC21?

Les quatre domaines scientifiques que nous développons nous amènent à questionner les choses au niveau cellulaire. Single Cell est un fil rouge qui relie l’ensemble des unités. Chaque entité va pouvoir développer de nouvelles facettes dans le cadre de ce projet.

  • Ce projet Single Cell est lié à l’initiative de projet européen LifeTime impliquant l'Institut Curie. Qu’apportera-t-il ?

Avec mon collègue Nikolaus Rajewski en Allemagne, je me suis investie avec le soutien de l’Institut Curie dans la coordination de cette initiative intitulée LifeTime, un projet autour duquel sont déjà mobilisés plus d’une une soixantaine de laboratoires au niveau européen. En France, le CNRS est également fortement impliqué, et l’Inserm évidemment associé. Ce projet explore les développements impliquant la technologie cellule unique, et ses combinaisons avec l’imagerie et les modèles innovants pour construire une vision dynamique de l’évolution des cellules du sujet sain vers le sujet malade et pour développer des capacités d’intervenir. Mais nous ne pourrons tirer des analyses pertinentes de ces recherches que si nous travaillons, dans tous les laboratoires, avec les mêmes normes, les mêmes standards de qualité. Nous venons de publier, avec des scientifiques du monde entier, un appel en ce sens.