Cellule influente

Une cellule influente

12/09/2018
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Si la cellule cancéreuse devient sourde à son environnement, elle n’en est pas moins capable de le détourner à son avantage !

« À peine la tumeur mesure-t-elle 1 mm de diamètre qu’elle recrute autour d’elle des cellules qui vont stimuler la croissance de nouveaux vaisseaux sanguins, indispensables pour l’alimenter en nutriments et en oxygène », explique Alain Puisieux. La découverte de ce phénomène a permis la mise au point, il y a une dizaine d’années, de médicaments dits anti-angiogéniques. Ils sont notamment utilisés dans le traitement de certains cancers du sein, du poumon ou de l’ovaire.

En grossissant, la tumeur devient une structure organisée et complexe qui renferme une grande diversité de cellules cancéreuses et utilise des cellules saines pour mieux se développer et se disséminer. Parmi elles, les fibroblastes : ces cellules de soutien forment la trame de tous les tissus. Ils peuvent être activés par des signaux émis par les cellules tumorales. On les appelle alors des fibroblastes associés au cancer (CAF) : ces CAF constituent la population de cellules la plus abondante présente au cœur d’une tumeur ! « Les CAF participent à créer un environnement propice au développement du cancer, explique Fatima Mechta-Grigoriou, chercheuse à l’Institut Curie. Il existe différents types de CAF en fonction des signaux que les cellules cancéreuses ont activé chez eux. »  Une diversité étudiée actuellement pour tenter de mieux la comprendre et d’identifier des cibles thérapeutiques (lire encadré).

Autre mécanisme important dans le développement d’une tumeur : sa capacité à échapper au système immunitaire chargé de détecter les cellules anormales et de les supprimer. Or « les CAF entraînent une cascade de réactions au niveau des cellules du système immunitaire créant un environnement immunosuppressif, c’est-à-dire rendant le système immunitaire déficient », détaille Fatima Mechta-Grigoriou.

L’analyse des interactions entre cellules tumorales et cellules avoisinantes a d’ores et déjà permis de mettre au point plusieurs stratégies d’immunothérapie. Objectif : lever les freins créés par la tumeur pour empêcher le système immunitaire de l’attaquer. Actuellement, quatre immunothérapies spécifiques sont utilisées dans 4 types de cancers (mélanome, cancer du poumon « non à petites cellules », cancer du rein et leucémie aiguë lymphoblastique). De nombreux essais cliniques sont en cours pour d’autres cancers.

Ces dernières années, les recherches ont permis de mettre au jour de très nombreux événements cellulaires impliqués dans le processus de cancérisation. Cela a conduit au développement des thérapies ciblées et de l’immunothérapie, véritables révolutions thérapeutiques dans la prise en charge des cancers. Il n’est donc plus question de voir la tumeur comme une masse de cellules indistinctes. De plus en plus de recherches s’intéressent désormais à l’hétérogénéité et à la complexité des cellules cancéreuses, ainsi qu’aux relations qu’elles entretiennent avec leur environnement. La cellule, comme unité de base du vivant, reste plus que jamais au cœur des travaux des chercheurs. L’Institut Curie a fait de l’analyse de la cellule unique une de ses priorités (lire ci-contre) : ainsi, demain, les médecins et les chercheurs pourront regarder chaque cellule individuellement et proposer aux patients atteints de cancer une médecine de précision cellulaire.