Portrait - Sophie Houzard, médecin de santé publique

04/02/2019
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Au sein de l’équipe des Data, le Dr Sophie Houzard fusionne, croise et analyse les données des patients de l’Institut Curie avec celles du SNDS. Objectif : développer des projets de recherche visant à améliorer les pratiques médicales et l’organisation des soins en cancérologie.

Sophie Houzard

De par son choix de devenir médecin de santé publique, Sophie Houzard, a toujours été intéressée par la dimension organisationnelle du soin. Longtemps, elle coordonne le réseau de suivi après cancer du sein, Gynécomed. Ce réseau, qui compte plus de 300 médecins de ville, vise à assurer un suivi et une prise en charge en ville de qualité et de proximité pour plus de 5 000 patientes après un cancer du sein. Elle travaille alors main dans la main avec l’Institut Curie.

Il y a deux ans, en janvier 2017, elle rejoint l’équipe des data de l’Institut Curie. « Ils cherchaient une personne pour travailler sur le Système National des Données de Santé (SNDS), j’ai saisi cette opportunité pour travailler sur cette gigantesque base, une vraie pépite ! », s’enthousiasme-t-elle. Et pour cause : le SNDS, crée par la loi de modernisation de notre système de santé (2016) ouvre l’accès aux principales bases de données de santé publiques (assurance maladie, établissements de santé, causes de décès, etc.), soit plus de 90% de la population française. « C’est une base quasiment exhaustive que de nombreux pays nous envient, poursuit-elle. Son principal intérêt est qu’elle permet de retracer les parcours de soins jusqu’au décès des patients, de 2006 à aujourd’hui. » Concrètement, tout ce qui a fait l’objet d’un remboursement (traitement médicamenteux, acte de biologie ou de radiographie, séjour hospitalier, intervention chirurgicale, etc.) est notifié dans cette base et peut être utilisé via un accès sur projet.

Data en vie réelle. Par cette ouverture des accès aux données de santé, l’idée est d’utiliser au mieux leurs potentialités, dans l’intérêt de la collectivité. La logique se modifie, s’enrichit : « en complément des essais cliniques pour lesquels on récupère de la donnée à l’occasion de la recherche, en prospectif, on développe aujourd’hui des recherches qui utilisent les données dont on dispose déjà en vie réelle –via les soins et la recherche - pour répondre à tout un tas de questions, autour des pratiques et des parcours de soins. » Cela ouvre de nombreuses perspectives de recherche, en vue d’améliorer les décisions thérapeutiques, les pratiques et les organisations de soins.

Le travail de Sophie Houzard consiste à croiser la base du SNDS avec les bases dont dispose l’Institut Curie, par exemple la base Sein. Celles-ci donnent des informations très précises sur les patients et leur cancer, mais elles sont limitées à leur prise en charge à Curie. En les maillant avec celles du SNDS, le Dr Houzard peut récupérer énormément d’informations de parcours de soin, en dehors de leur prise en charge à l’Institut Curie, d’événements survenant au cours d’autres pathologies, pris en charge dans d’autres établissements ou encore d’événements de vie comme une grossesse. En somme d’informations qui ne figurent pas nécessairement dans les dossiers médicaux des patients.

Aujourd’hui 4 500 dossiers de patientes traitées par un cancer du sein à Curie ont été fusionnés avec leurs données SNDS. A terme, l’objectif est d’obtenir les données de 40 000 patientes traitées pour un cancer du sein depuis 2006.

« Via ce chainage avec le SNDS, je vais par exemple pouvoir identifier les grossesses des patientes qui ont eu un cancer du sein à Curie, celles qui ont reçu tel autre traitement pendant leur chimiothérapie, etc. Et, tout à coup, il y a un nouveau champ de recherche qui s’ouvre ! »

Mais que fait-on concrètement de ces données ? Depuis qu’elle travaille sur le projet, Sophie Houzard a notamment travaillé sur la vaccination pour prévenir les cancers du col ainsi que sur la surveillance après un cancer du sein. « L’accès aux données en vie réelle est très instructif quant au parcours des patientes, souligne-t-elle. On s’est aperçu notamment qu’après un cancer du sein, les patientes ne sont pas aussi bien suivies que ne les édictent les recommandations de bonnes pratiques et que l’on a du chemin à faire en termes organisationnels. L’objectif derrière tout cela, est de fluidifier et d’améliorer ces parcours et de mieux comprendre quel est leur impact sur la survie. »