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L'hétérogénéité du sarcome d’Ewing mieux comprise grâce à la technologie single cell et l'IA

12/02/2020
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En combinant l’intelligence artificielle et l’analyse cellule par cellule des tumeurs, l’unité 830 Cancer : hétérogénéité, instabilité et plasticité et l'unité 900 ‘Cancer et génome : bio-informatique, bio-statistique, et épidémiologie’ de l’Institut Curie, ont réussi à mieux identifier les mécanismes liés aux rechutes du sarcome d'Ewing.

Cell

Uriel Chantraine / Institut Curie

Les sarcomes d’Ewing sont des tumeurs pédiatriques rares (environ 70 cas par an en France), qui se localisent au niveau des os. Ces tumeurs comptent parmi les cancers les plus stable génétiquement. En effet, elles possèdent une mutation majeure et causale, identifiée en 1992 par l'équipe d’Olivier Delattre à l'Institut Curie : EWSR1-FLI1, issue de la fusion de deux gènes EWSR1 et FLI1

L’enjeux majeur de l'étude de ces tumeurs est de mieux comprendre leurs origines cellulaires et leurs hétérogénéités. Pour cela, les équipes ont privilégié l'approche dite « single cell ». « C'est une nouvelle approche dans notre domaine. Elle est particulièrement adaptée à l’étude de l’hétérogénéité des tumeurs, pour identifier des sous-populations cellulaires susceptibles de résister au traitement. Identifier ces populations peut permettre de mieux comprendre les causes des rechutes », explique Andrei Zinovyev qui co-dirige l'équipe ‘Biologie de systèmes de cancer’ de l’unité U900 (INSERM) avec Emmanuel Barillot.

Ces travaux ont été publié dans la revue internationale Cell Reports et sont le fruit d’une collaboration étroite entre des bio-informaticiens et des biologistes de l'Institut Curie, l’unité U900 de bio-informatique de l’Institut Curie dirigé par Emmanuel Barillot d’une part et l’unité 830 ‘Cancer: hétérogénéité, instabilité et plasticité’ (INSERM) dont le directeur est Olivier Delattre.

Pour mieux caractériser l’hétérogénéité au sein des cellules, les deux équipes ont utilisé une approche de « machine learning », une technique d’intelligence artificielle. Ils ont ainsi pu d’abord observer les relations entre l’activité de EWSR1-FLI1 et la prolifération des cellules. « La bio-informatique change la donne pour ce type d’études car elle permet de traiter l’immense quantité de données générées par les approches single-cell et de les analyser en utilisant des outils statistiques innovants » souligne Andrei Zinovyev.

Après avoir caractérisé la dynamique d’expression des gènes sous l’influence de l'oncogène EWSR1-FLI1 dans des cellules en culture, l’équipe s’est penchée, dans un deuxième temps, sur de véritables tumeurs. « Nous avons pu observer le niveau d’activation de cet oncogène dans chaque cellule tumorale. Le résultat est surprenant. Chaque niveau d’activité de EWSR1-FLI1 correspond à des caractéristiques particulières des cellules. Dans le cas d’une forte activité de l’oncogène, les cellules prolifèrent et présentent un métabolisme énergétique mitochondrial. Et dans le cas d’un plus faible niveau d’activité de l'oncogène, elles changent leur métabolisme et ont tendance à migrer et à métastaser. » dit Marie-Ming Aynaud, biologiste et première auteure de l’article, qui maintenant fait son post-doctorat à l'hôpital Mount Sinai à Toronto. 

Une découverte cruciale pour mieux comprendre les rechutes dans ce type de cancer. « Si demain on trouve un traitement pour inhiber l’activité de cet oncogène et ainsi arrêter la prolifération, il faudra probablement associer des inhibiteurs de la migration cellulaire pour éviter que les cellules avec un taux résiduel de EWSR1-FLI1 ne migrent à distance » explique Olivier Delattre.

Ces avancées n’auraient pas pu être réalisées sans l’apport de l’intelligence artificielle. « Ce type d’étude est assez différent de ce qui se faisait il y a dix ans, en raison notamment de la quantité de données traitées. Auparavant, chaque tumeur correspondait un profil moléculaire. Aujourd’hui, chaque tumeur est caractérisée par des milliers de cellules ayant des profils différents », explique Olivier Mirabeau, bio-informaticien et co-premier auteur de l’article. Une immense masse de données qui peut désormais être exploitée et qui a beaucoup à nous dire sur la nature des cancers.

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