Déchiffrer les mécanismes des centromères pour comprendre le développement des cellules cancéreuses
Des chercheurs de l’Institut Curie, en collaboration avec l’université Rockefeller, ont mis en lumière le rôle de la protéine CENP-A dans la réplication de l’ADN centromérique afin d’empêcher l’apparition d’anomalies chromosomiques structurelles. Ces travaux ont été publiés dans le PNAS Journal, le 3 mars 2021.
Au cours de la vie humaine, les cellules se divisent et se reproduisent pour assurer le fonctionnement normal des tissus et des organes. Ce processus est essentiel et doit être assuré de manière fonctionnelle afin de préserver l’intégrité du patrimoine génétique. L’ADN est d’abord dupliqué fidèlement pour obtenir deux copies identiques de chaque chromosome, un phénomène appelé réplication de l’ADN. Ces deux copies sont ensuite réparties entre les cellules filles lors de la division cellulaire.
Les centromères, région centrale des chromosomes, assurent une distribution correcte de l’ADN lors de la division cellulaire afin que chaque nouvelle cellule reçoive un patrimoine génétique identique à sa jumelle. Il avait déjà été démontré qu’une dysfonction de ces centromères pouvait mener à une mauvaise distribution des chromosomes lors de la division cellulaire et donc à la genèse de cellules cancéreuses. Dans cette nouvelle étude, les chercheurs de l’Equipe Mécanismes moléculaires de la dynamique des chromosomes à l’Institut Curie, dirigée par Daniele Fachinetti, ont analysé les mécanismes fondamentaux impliqués dans la réplication de l’ADN centromérique pour comprendre avec précision son implication dans le développement de cellules cancéreuses.
Les centromères, des sites fragiles à étudier
(c’est-à-dire que le nombre de chromosomes est erroné dans la cellule), dues à des divisions cellulaires dysfonctionnelles, ainsi que des réarrangements structurels des chromosomes (par exemple des translocations de bras chromosomiques entiers entre eux). Les centromères sont souvent le siège de tels réarrangements, mais les mécanismes moléculaires responsables de leur apparition ne sont pas connus. Certaines régions de notre ADN sont dites « fragiles », car elles sont sujettes aux cassures lors de la réplication de leur ADN. Ces régions fragiles se caractérisent par des répétitions de séquences (largement présentes sur le site du centromère) qui peuvent entraver la réplication et ainsi causer des cassures du centromère.
Nous montrons dans cette étude qu’une protéine centromérique, appelée CENP-A, protège les centromères humains qui sont intrinsèquement fragiles.
explique Daniele Fachinetti.
L’absence de cette protéine conduit à des cassures de l’ADN centromérique qui entraînent la formation de réarrangements chromosomiques similaires à ceux observés dans les cellules cancéreuses. Nous avons établi un lien clair entre la fragilité des centromères et les anomalies structurelles chromosomiques.
poursuit-il.
Cette découverte permettra peut-être, à long terme, d’utiliser le centromère comme un composant-clé d’un traitement visant à empêcher le développement de cellules cancéreuses.
Cette étude a été financée par l’Agence nationale de recherche (ANR), par l’Université PSL (Paris Sciences & Lettres) et l’Association pour la recherche sur le cancer (ARC) qui subventionnent Solène Hervé, la doctorante qui a effectué les travaux.
Les centromères : pourquoi la recherche fondamentale est nécessaire C’est précisément le travail de l’équipe Mécanismes moléculaires de la dynamique des chromosomes à l’Institut Curie, qui travaille sur les centromères, la région des chromosomes permettant leur bonne distribution dans les cellules en division. « L’important pour nous, c’est de comprendre avec précision la différence entre une cellule normale et une cellule anormale. Nous tentons de déchiffrer dans le détail tous les mécanismes qui peuvent mener à des anomalies du centromère et donc à une division cellulaire anormale qui, à terme, produira des cellules cancéreuses » explique Daniele Fachinetti, responsable de l’équipe. « Notre travail a pour but de révéler comment une instabilité des centromères contribue à une augmentation de l’incidence des cancers avec l’âge » conclut-il. |
Simona Giunta1,†,*, Solène Hervé2,†, Ryan R. White3, Therese Wilhelm2, Marie Dumont2, Andrea Scelfo2, Riccardo Gamba2, Cheng Kit Wong4, Giulia Rancati4, Agata Smogorzewska3, Hironori Funabiki1,* & Daniele Fachinetti2,*
† Equal contribution
*Corresponding authors
1 The Rockefeller University, Laboratory of Chromosome and Cell Biology, 1230 York Ave, New York, NY 10065 USA
2 Institut Curie, PSL Research University, CNRS, UMR 144, 26 rue d’Ulm, F-75005, Paris, France
3 The Rockefeller University, Laboratory of Genome Maintenance,1230 York Ave, New York, NY 10065 USA
4 A*STAR Institute of Medical Biology, 8A Biomedical Grove, Immunos 138648, Singapore